Pourquoi le Danemark devrait acheter le F-35 et tourner le dos à l'Europe

Par Michel Cabirol  |   |  926  mots
Le F-35 est le favori de la compétition au Danemark
Les groupes d'armement danois sont très dépendants des retombées industrielles générées par le F-16. Le F-35 représente le meilleur moyen pour assurer leur avenir.

L'appel d'offre relancé par le Danemark est-il joué d'avance pour Lockheed Martin ? Et plus précisément les dés sont-ils pipés en faveur du F-35, un programme qui pourtant cumule les déboires techniques et financiers ? Sauf énorme surprise, l'avion de combat américain devrait être choisi par Copenhague à la fin du premier semestre 2015 même si Airbus Group et Boeing ont décidé de participer à cet appel d'offre.

Les trois constructeurs ont présenté des documents de référence pour répondre à un appel d'offres portant sur la livraison au Danemark de 30 avions de combat, a annoncé lundi le ministère danois de la Défense. Pas plus que Dassault Aviation, Saab n'a présenté d'offre, selon le ministère. La présentation de ces documents permet d'entrer officiellement dans le processus d'appel d'offres.

En mars 2010, Copenhague avait suspendu sine die la compétition pour l'acquisition d'avions de combat, pour finalement la relancer en mars 2013 en invitant le F-35A/CTOL (Lockheed Martin), le F/A-18E/F (Boeing) et le Typhoon (Airbus Group) ainsi que le Gripen NG (Saab) à participer.

Le F-35, un train d'avance

Les responsables politiques danois doivent maintenant entamer les discussions sur le choix du fournisseur de ces avions de combat au milieu de l'an prochain. Mais le F-35 a une longueur d'avance sur ses concurrents. En 1995, les Pays-Bas, la Norvège et le Danemark avaient bénéficié en tant que partenaires du programme F-16 d'une présentation du projet d'avion de combat américain JSF faite alors par le directeur de programme.

En avril 1997, les Pays-Bas et la Norvège signent avec les États-Unis un protocole d'accord conjoint, JSF Requirements Validation. Ils sont rejoints en septembre par le Danemark. Chaque pays investit 10 millions de dollars et bénéficie du statut d'Associate Partner pour la phase CDP (définition).

Le F-35 une bouée pour les industriels de l'armement danois

En 1999, en dépit des coupes sévères dans le budget de la défense danois, touchant aussi l'armée de l'air danoise (RDAF), Copenhague ne remet pas en cause sa participation au programme Joint Strike Fighter (JSF). Et ce alors que de nombreuses voix s'élevaient en faveur d'un retrait du Danemark de la phase CDP. En 2001, les responsables politiques restent partagés et le parlement semble plus proche alors d'un choix européen. Au cours d'un débat sur le prix unitaire du JSF, le gouvernement frôle une crise politique, certains analystes estimant le prix du JSF plus proche de 65 millions de dollars que des 25 millions annoncés. Pourquoi alors une telle obstination du Danemark ?

Parce que Copenhague visait des perspectives de retour industriel avec notamment le maintien de l'emploi et l'accès à de nouvelles technologies. "Les principales industries danoises travaillant pour la défense, groupe TERMA en tête, doivent leur croissance au retour industriel lié au programme F-16. Le programme JSF représente dès lors le meilleur moyen d'assurer leur avenir post-F-16", écrivait ainsi en 2004 la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) dans un rapport sur le JSF et les conséquences pour l'Europe de l'armement. Ainsi, au cours de la phase CDP, sept ingénieurs danois ont été envoyés auprès des équipes Boeing et Lockheed Martin afin de défendre les compétences de leurs industries.

TERMA, chef de file de l'industrie d'armement danoise

Le groupe de défense danois TERMA a pour objectif de participer au développement et à la production du système radar du futur avion. Dans ce contexte, six entreprises danoises, TERMA, Falck Shmidt, IFAD, Infocom System, Maersk Data et Systematik Engineering créent le 21 août 2001 la JSF DK Team "afin d'influencer plus efficacement les acteurs politiques", expliquait alors la FRS. Les négociations aboutissent à une décision de cofinancement de la contribution danoise par les trois industriels, TERMA, Systematik Engineering et Maersk Data.

Le 13 mars 2002, le ministre de la Défense Svend Aage Jensby annonçait la participation de son pays à la phase SDD (développement) contre un investissement de 125 millions de dollars sur 10 ans (2002-2012). 45 % de cette somme proviendront de contributions industrielles (à hauteur de 20 millions) et du budget du ministère de l'Economie. "Svend Aage Jensby tente de rassurer les députés en expliquant qu'ils pourront annuellement bénéficier d'informations sur l'état d'avancement du programme et sur la place des industriels dans ce dernier, que le Danemark a la possibilité de sortir du projet avec un préavis de trois mois, et que dans tous les cas, cette présence en phase SDD ne préjuge en rien d'une acquisition future", soulignait la FRS.

Le Danemark monte en 2002 dans le JSF

Le 28 mai 2002, Copenhague monte officiellement à bord du JSF lors d'une cérémonie de signature du protocole d'accord (MoU) d'adhésion. "Le directeur national armement danois Hansen Nord replace le choix de son pays dans le contexte d'un renforcement de la relation transatlantique", rappelait la FRS. Il estimait que la participation du Danemark dans le programme "donnera aux forces armées danoises l'occasion de contribuer au développement de l'avion lui-même et aussi au développement des aspects logistiques et des concepts du programme".

Le directeur national de l'armement danois restait néanmoins prudent sur la question de l'acquisition du JSF, devenu ensuite F-35. "Nous avons signé le protocole d'accord pour rejoindre la phase SDD (développement, ndlr). Nous n'avons pas pris de décision encore concernant le nombre d'avions que nous pourrions acquérir. C'est une décision à l'horizon de 12 à 15 ans environ".