Le Rafale toujours en course en Inde mais...

Par Michel Cabirol, à Bangalore  |   |  835  mots
L'Inde va clarifier très rapidement sa position sur le Rafale
New Delhi va clarifier très rapidement sa position sur le Rafale à la fin du mois de février ou début mars. Le Premier ministre indien doit venir en avril en France.

Après l'euphorie du premier contrat export Rafale signé lundi en Egypte (24 appareils), le retour aux affaires courantes pour le Team Rafale (Dassault Aviation, Thales et Safran) a été dès mercredi plutôt rude. A Bangalore au salon Aero India (18-22 février), les Indiens n'ont effectivement fait aucun cadeau aux Français.

A commencer par le Premier ministre Narendra Modi, qui a ignoré ostensiblement lors de l'inauguration du salon aéronautique le stand Dassault Aviation, en revanche pris d'assaut par les visiteurs indiens. Pas de panique pour autant ni de conclusions hâtives, le Premier ministre indien s'est succinctement arrêté chez Thales puis Safran, deux des principaux partenaires du Team Rafale.

Forte campagne des Russes contre la France

Il n'en demeure pas moins que tous les industriels français, croisés à Aero India ont convenu que les négociations étaient actuellement compliquées et que tout pouvait arriver en Inde, le meilleur comme le pire. Un climat qui pourrait être déstabilisant pour Paris d'autant que les Russes mènent une très forte campagne de lobbying dans les médias indiens en faveur du Sukhoi 30 au moment où la France ne livre pas les deux porte-hélicoptères Mistral à la Russie en raison du conflit en Ukraine.

Une façon de torpiller Dassault Aviation, qui poursuit depuis plus de trois ans des négociations exclusives dans le cadre du programme MMRCA avec New Delhi pour la vente de 126 Rafale, dont 108 fabriqués localement par Hindustan Aeronautics Limited (HAL). Les industriels français restent intimement convaincus de la réussite du Rafale en Inde même s'il reste toujours dans leur esprit un léger doute.

Un nouveau jalon pour le Rafale

Pour continuer d'y croire, le Rafale va devoir passer un jalon mis en place récemment par le tout nouveau ministre de la Défense indien. Manohar Parrikar veut se forger son propre avis sur ce dossier. Pour ce faire, il a demandé au comité de négociations du contrat (CNC) de lui remettre un rapport sur les discussions en cours. Harcelé par la presse indienne à Aero India, il s'est toutefois bien gardé de faire des commentaires sur les négociations en cours.

Les conclusions du rapport du CNC sont attendues la dernière semaine de février, voire la première de mars. "Je peux simplement vous assurer que j'ai pris le dossier en main pour aller le plus vite possible", a assuré le ministre de la Défense.

Clarifier la stratégie de New Delhi

Ce document permettra à New Delhi de clarifier et de définir une stratégie sur ce dossier un mois avant la visite de Narendra Modi en avril en France. "Ils ont besoin d'avoir tous les éléments pour orienter la suite des négociations, explique-t-on à La Tribune. Je le prends positivement". Selon nos informations, les négociations au point mort depuis plusieurs semaine devaient reprendre cette semaine. Elles sont freinées sur la question de qui prend la responsabilité des avions qui sortent des usines de HAL.

New Delhi pousse Dassault Aviation à prendre cette responsabilité que l'avionneur décline à raison. "Nous sommes parfaitement conformes aux spécifications de l'appel d'offre", a-t-on rappelé sur le salon Aero India chez Dassault Aviation. "Chacun est responsable de ce qu'il fait, a expliqué lundi aux Echos le PDG de Dassault Aviation. Nous sommes responsables de l'organisation du programme (...) Après celui qui prend le marteau et qui tape sur la tôle, c'est un Indien. S'il tape à côté, il sera responsable, c'est normal".

Ce qui joue en faveur du Rafale

En dépit de la mise en service de nouveaux Sukhoi 30 et de nouveaux chasseurs légers indiens Tejas pour renforcer la flotte de combat indienne, ces appareils ne sont pas destinés à combler le besoin des 126 appareils du programme MMRCA, a assuré Manohar Parrikar. Ce qu'a d'ailleurs confirmé le patron de l'armée de l'air indienne, le marshal Arup Raha au salon Aero India. "Il n'y a aucune alternative considérée au programme MMRCA (...). A l'horizon 2017, l'IAF veut disposer d'au moins 35 escadrons d'avions de combat", a-t-il rappelé.

En outre, la coopération entre les industriels français (Dassault Aviation, Thales et Safran) et HAL sur le programme de modernisation des 51 Mirage 2000 se déroule très bien. Quatre ans après avoir signé le contrat, les industriels français vont livrer les deux premiers appareils modernisés à l'armée de l'air indienne d'ici à la fin du premier semestre, tandis que les deux suivants le seront par HAL dans le courant du second semestre.

Un contrat qui exigeait en 2011 30 % d'offsets et qui a permis de développer un tissu de sous-traitants indiens. Des entreprises qui pourront d'ailleurs basculer sur le programme Rafale si le contrat est un jour signé. "Nous avons eu un bon travail coopératif avec les entreprises indiennes, estime un industriel français. Nous avons pu qualifier cette sous-traitance indienne. On pourra l'utiliser pour le Rafale. Ils sont capables de le faire".