Dassault : l'incroyable volte-face de François Hollande

Par Michel Cabirol  |   |  996  mots
Mercredi à Mérignac, il y avait une vraie complicité entre François Hollande et Serge Dassault
Le discours élogieux pour la maison Dassault du président François Hollande à Mérignac chez l'avionneur est aux antipodes de celui, très sévère, du candidat il y tout juste trois ans.

Qu'il est loin le temps où François Hollande fustigeait la famille Dassault et son emprise sur l'industrie de défense... C'était pourtant il n'y a pas si longtemps que cela, il y a seulement trois petites années lors de l'hiver 2012 en plein cœur de la campagne présidentielle, très exactement  le 11 mars 2012. Le discours de François Hollande sur la défense visait, sans le nommer, le groupe Dassault, à qui le président sortant Nicolas Sarkozy avait confié les clés de Thales.

"Nous avons aussi à construire des grands groupes industriels de défense, expliquait alors le candidat Hollande. (...) Je n'entends donc déléguer à quiconque cette responsabilité de tracer l'avenir des grands groupes industriels de défense, et certainement pas à des intérêts privés ou financiers à qui le gouvernement sortant s'est trop souvent plié. Qu'il y ait des fournisseurs, c'est bien légitime. De grands industriels, nous les respectons. Mais attention à la confusion".

Un discours d'ailleurs relativement édulcoré par rapport à celui qui devait être initialement prononcé et auquel "La Tribune" avait eu une copie :

"Depuis 2007 seules des logiques financières de courte vue ont prévalu. Les deux décisions prises, à savoir le contrôle de Thales par Dassault puis l'entrée de Thales dans DCNS, soulèvent plus de problèmes qu'elles n'en résolvent car elles ne répondent pas à des logiques industrielles durables. (...) La crédibilité de notre action politique est indissociable de notre indépendance en matière industrielle.  Je n'entends donc déléguer à quiconque cette responsabilité de tracer l'avenir de ces grands groupes industriels de Défense et certainement pas à des intérêts privés ou financiers à qui le gouvernement sortant s'est trop souvent plié".

Changement de discours

Puis les temps ont changé. Le candidat Hollande a laissé sa place au président Hollande, premier chef de l'État français à effectuer une visite officielle dans le fief de l'avionneur, à Mérignac près de Bordeaux. Une anomalie tant le constructeur du Rafale et du Mirage quasi centenaire est l'un des éléments essentiels de la dissuasion française et donc de la souveraineté de la France. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, aucun président avant François Hollande, qui a eu mercredi les honneurs d'un passage d'un Rafale à très basse altitude et à faible vitesse, n'avait effectué une telle visite.

Bien sûr, François Hollande, qui a depuis noué une très belle complicité avec les dirigeants de Dassault (voir photo), a logiquement salué dans son discours, "un succès remarquable, celui du Rafale", qui a remporté son premier contrat à l'exportation en Égypte (24 Rafale). Mais après il s'est beaucoup éloigné de ses intentions de campagne, louant la ténacité des dirigeants de Dassault Aviation dans un incroyable discours élogieux : "Le succès qui a été remporté est le succès d'une industrie, l'aéronautique, d'un groupe, le groupe Dassault. (...) C'est aussi le savoir-faire des techniciens, des compagnons, et ce succès c'est donc le vôtre. D'abord celui des dirigeants de Dassault qui ont voulu cet avion Rafale, qui ont marqué de la ténacité, de l'obstination pour en convaincre, d'abord les pouvoirs publics, parce que c'était cher, mais aussi, parce que c'était l'intérêt de la France".

Et de poursuivre : Il a fallu également qu'il y ait de la persévérance, quand d'autres propositions étaient faites à la fin des années 80 pour un avion qui aurait pu être fait en partage ou en coopération, je ne dirai pas ce qu'il est devenu. Mais vous, dirigeants, vous avez voulu cet avion et vous avez montré qu'il avait toutes les qualités pour être acheté par l'État français.

Les leçons du président Hollande

"Alors quelles leçons pouvons-nous en tirer pour l'industrie française ? La première leçon est que l'industrie, notamment l'industrie aéronautique, appartient à une histoire, à une tradition", a expliqué François Hollande de façon générale. Par exemple ? "Il faut qu'il y ait un moment, une compétence industrielle qui se perpétue, qui se transmet. C'est ce qui s'est produit ici, chez Dassault. Dassault est une grande entreprise, 12.000 salariés, 9.000 en France, plus de 10 sites, et il faut des grandes entreprises pour qu'il y ait une grande industrie. Il faut aussi des petites entreprises qui assurent la sous-traitance. Il faut des entreprises de taille intermédiaire qui vont permettre aussi, ce partage de l'innovation, de la compétence, c'est ce qui a été montré".

Enfin, le président, qui a beaucoup mouillé sa chemise pour conclure des grands contrats d'armement à l'exportation en général, et en particulier pour le Rafale, a encensé le savoir-faire de l'avionneur. "Les plus ardents à me parler de ce que nous avions à faire pour l'exportation étaient justement les sous-traitants, de peur qu'ils puissent être oubliés. Or ils ne peuvent pas l'être, parce qu'il ne peut pas y avoir d'avion Rafale s'il n'y a pas et le groupe Dassault et l'ensemble de ceux qui contribuent à cette réussite".

La confiance du président vis-à-vis de Dassault

Pour conclure, le président explique que Dassault fait partie des industriels en qui il est possible de faire confiance : "Il y a des moments où l'on peut donner aussi confiance à d'autres, d'autres entreprises, d'autres industries, et c'est ce que vous avez fait, je voulais vous en remercier. Le Rafale est un formidable avion, il participe à la défense de notre pays, il nous permet d'être respecté, partout où nous sommes appelés à intervenir en opérations extérieures, il contribue à la réussite industrielle technologique du pays, il permet la croissance et l'activité. Alors soyez-en fiers, puisque c'est vous qui l'avez créé, composé, assemblé, produit, exporté. Soyez-en remerciés, soyez conscients de ce rôle majeur que vous jouez avec le groupe Dassault, pour l'économie du pays, pour sa défense, pour son rayonnement".