A380, A400M, ces programmes qui ont "pourri" jusqu'au bout la présidence de Tom Enders

Par Michel Cabirol  |   |  818  mots
Sur les quatre dernières années (2015-2018), Airbus a a été contraint de provisionner environ 5,5 milliards d'euros pour le compte de l'A400M. (Crédits : Pascal Rossignol)
Airbus a atteint ses objectifs 2018 avec un bénéfice net en hausse de 29% à 3 milliards d'euros mais il a été à nouveau contraint de passer une nouvelle provision de près de 900 millions d'euros sur les programmes A380 et A400M. Il prévoit de livrer entre 880 et 890 avions commerciaux en 2019.

C'est une bien triste sortie pour Tom Enders, qui termine sa longue aventure chez Airbus sur un immense échec commercial et financier : celui de l'A380, qui va très certainement achever sa courte carrière en 2021, l'année de ses dernières livraisons. Le coût total non récurrent du programme est évalué entre 25 et 30 milliards d'euros. Après 20 ans dans le groupe Airbus, le président exécutif du constructeur européen, dont c'était jeudi la dernière présentation des résultats annuels, aurait pu rêver d'un meilleur départ mais ce programme, qui l'a accompagné tout au long de ses années Airbus, a encore joué les trouble-fêtes. Cruellement. Pour le futur boss d'Airbus, Guillaume Faury, l'arrêt de l'A380 peut remercier Tom Enders. Car il aura déjà un boulet du passé en moins à gérer. Mais les placards vont sans doute s'ouvrir...

A380 et A400M, des programmes coûteux pour Airbus

Avec l'arrêt prochaine des livraisons de l'A380 et le prochain départ de Tom Enders après celui de Fabrice Brégier, de Marwan Lahoud et beaucoup d'autres, c'est une page incroyable qui se tourne pour Airbus. C'est celle des pionniers où tout était permis pour le meilleur et pour le pire à l'image de l'A380, qui n'a jamais trouvé son marché... en dépit des promesses d'Airbus sans cesse renouvelées jusqu'au crash du très gros porteur étendard des années Lagardère.

Aussi les résultats 2018 d'Airbus sont à l'image de nombreux bilans annuels du constructeur européen de ces dernières années. Toujours plombés par des provisions, générées par les célèbres lacunes de management dans la gestion des grands programmes. C'est encore le cas en 2018 de l'A380 et l'A400M, qui ont respectivement généré 463 millions et 436 millions d'euros de provisions. Des provisions qui flirtent les 900 millions d'euros.

A380 et A400M, les dernières provisions ?

À la suite d'une revue de ses activités, Emirates a réduit de 39 exemplaires sa commande globale d'A380, qui ne compte plus désormais que 14 exemplaires à livrer. Résultat, compte tenu de l'absence de commandes en carnet, les livraisons d'A380 cesseront en 2021. La prise en compte de cette provision contractuelle ainsi que d'autres provisions spécifiques et le recalcul du passif induit ont eu un impact négatif de 463 millions d'euros sur l'EBIT.

Airbus a en outre révisé l'estimation contractuelle du programme A400M à terminaison. Cette opération a donné lieu à une charge supplémentaire nette de 436 millions d'euros 1,299 milliard en 2017). Elle tient compte essentiellement de l'issue des négociations et de la réévaluation des opportunités à l'export, de l'évolution des prix et de l'augmentation de certains coûts. "Des risques demeurent, notamment en ce qui concerne le développement des capacités techniques, la sécurisation de commandes suffisantes à l'export dans les temps, la fiabilité opérationnelle des avions, et tout particulièrement des moteurs, et la réduction des coûts conformément au nouveau référentiel", a expliqué Airbus dans son communiqué. Et si le cauchemar de l'A400M n'était pas terminé...

La remise à plat du programme avec les Etats clients "va permettre de rendre plus robuste et fiable l'exécution du programme, en réduisant les risques techniques et financiers", avait pourtant expliqué Airbus en février 2018 dans un communiqué. Mais le doute est encore permis même si Airbus a estimé jeudi que ce jalon a "significativement réduit les risques du programme A400M en 2018". Sur les quatre dernières années (2015-2018), Airbus a a été contraint de provisionner environ 5,5 milliards d'euros pour le compte de l'A400M. En principe, les ratifications par les pays clients, très attendue par Airbus, devraient être finalisées au cours des prochains mois. Le constructeur a livré 17 exemplaires en 2018 (contre 19 en 2017).

Le coût de la compliance

Les avocats coûtent cher, très cher à Airbus. Les frais de conformité (compliance) ont un impact négatif de 123 millions d'euros sur l'Ebit en 2018. C'est plus qu'en 2017 quand Airbus avait déjà indiqué qu'un impact négatif de 117 millions d'euros était imputable aux frais de conformité. Cela incluait la notification de pénalités administratives liées à la clôture de l'enquête du parquet de Munich concernant la vente d'Eurofighter à l'Autriche, ainsi qu'à certains coûts juridiques induits au quatrième trimestre par les enquêtes en cours.

Au final, l'Ebit consolidé s'est élevé à 4,8 milliards d'euros (contre 2,3 milliards d'euros en 2017). Il s'est amélioré notamment grâce à la hausse des livraisons. Cette forte hausse par rapport à 2017 s'explique "par la courbe d'apprentissage et un meilleur effet prix de l'A350, ainsi que par la montée en cadence et les prix de l'A320neo", a affirmé Airbus. Les taux actuels de couverture du risque de change y ont également contribué de façon favorable.