Bataille navale en Egypte : l'Allemagne va-t-elle couler la France ?

Par Michel Cabirol  |   |  727  mots
Naval Group continue de proposer la corvette Gowind à l'Egypte (Crédits : Naval Group)
TKMS négocierait avec Le Caire la vente de deux corvettes Meko A200 pour 1 milliard d'euros environ. Naval Group est pour sa part suspendu à un financement du contrat de deux Gowind (500 millions) par Bpifrance.

Et si ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) soufflait en Egypte un contrat de deux corvettes pourtant longtemps promis à Naval Group ? Pas impossible... Selon nos informations, TKMS tenterait de conclure rapidement avec Le Caire la vente de deux corvettes Meko A200 pour un montant de 1 milliard d'euros environ. Elles seraient seraient armées par des missiles... Aster 30 comme le souhaiteraient les Égyptiens. La frégate FREMM vendue par la France dispose de ce type d'armement.

Cette vente donnerait à TKMS une bouffée d'oxygène et devrait contribuer à éviter sa cession par la maison-mère, ThyssenKrupp qui étudie sérieusement sa mise en vente sous la pression des actionnaires activistes comme Cevian. En perte de vitesse sur le segment de la flotte de surface, TKMS voit dans ce projet l'occasion de regarnir un carnet de commandes, en perte de vitesse après l'échec cinglant sur le projet allemand de MKS-180 (3,5 milliards d'euros) et des pertes substantielles sur des contrats de sous-marins export (Turquie notamment).

Feu vert d'Israël à cette vente

Sans surprise, le gouvernement allemand aurait donné son accord à ce projet jugé stratégique pour TKMS. Berlin soutient ce projet avec un crédit très avantageux offert par Euler Hermes. Et ce d'autant que les Égyptiens exigent désormais 100% de crédits (contre 60% en principe auparavant). Ils se tournent vers d'autres chantiers que Naval Group susceptibles de leur offrir ce type de crédit avec l'aval de leur gouvernement.

La vente des deux Meko A200 aurait le feu vert d'Israël. "De conception déjà ancienne, la Meko A200 ne menacera pas la supériorité navale de la marine israélienne", explique-t-on à La Tribune. Car Tel Aviv fait pour sa part construire par TKMS quatre corvettes Sa'ar 6 de nouvelle génération à Kiel en Allemagne, incorporant le dernier cri des équipements et armements israéliens (C-Dome, Barack-8, radar MF-Star, etc). De fait, Berlin adopte la même politique pour les corvettes que pour les sous-marins : livrer un armement moins sophistiqué au Caire qu'à Israël. Le sous-marin Dolphin et sa version NG sera ainsi très supérieur au U-209/1400 égyptien.

La vente de deux Meko A200 reste toutefois surprenante pour nombre d'observateurs. D'abord le prix des corvettes allemandes est nettement plus cher que ses rivales, dont la Gowind. Ensuite, les Égyptiens auraient demandé qu'elle soit armée avec l'Aster 30 de MBDA. Or, les autorités françaises ont toujours lié la vente de ce missile à la vente d'une plateforme ou française ou italienne. Enfin, même si Le Caire n'est pas engagé directement dans les opérations au Yémen, Berlin n'est pas en mesure de contrôler l'utilisation future de ses bâtiments exportés.

Et Naval Group?

Pour autant, Naval Group n'a pas encore perdu. Il y a une dizaine de jours, le groupe a enfin signé avec Le Caire le contrat de maintenance des quatre premières corvettes Gowind, qui a été très longtemps une pomme de discorde entre Naval Group et les Égyptiens. Sans cette signature, il n'était pas question pour l'Egypte de lever les options des deux dernières Gowind pour un prix de 500 millions d'euros. En outre, selon une information non confirmée, Naval Group aurait également signé un accord avec la marine égyptienne pour la vente des deux dernières corvettes. "La négociation est terminée", assure-t-on à La Tribune.

Toutefois, la question du financement du contrat resterait problématique d'autant plus que les Égyptiens souhaitent 100% de crédit sur les contrats d'armement.. Avec toutes les commandes importantes signées ces quatre dernières années entre les deux pays, l'enveloppe des encours financiers allouée par Bercy à Bpifrance (ex-COFACE) sur ce pays sont en outre considérables. Bercy rechigne donc à donner son accord sur des nouveaux projets en Egypte... sauf pour les Rafale dont la vente est considérée comme stratégique par la France. Le Caire aurait par ailleurs revu ses achats de Rafale supplémentaires à la baisse passant de 24 à 12 appareils. Mais c'est le président Sissi en personne qui validera le nombre de Rafale que l'Egypte achètera in fine.

Enfin les Égyptiens souhaiteraient avoir un financement commun pour les deux projets de contrat (Rafale et Gowind). A la France donc de jouer. Car pour le site de Lorient, cette commande reste importante pour faire la soudure entre le programme FREMM et FTI.