Bercy veut amputer le budget de la défense 2017 de 850 millions d'euros

Par Michel Cabirol  |   |  834  mots
Entre sa volonté de rester dans les clous du pacte de stabilité et son envie de protéger les Français, Le Premier ministre Édouard Philippe fait semble-t-il aujourd'hui le grand écart avec le budget de la Défense.
Après avoir gelé 2,7 milliards d'euros de crédits, Bercy a récemment transmis à Matignon une proposition pour réduire de 850 millions d'euros le budget de la défense en 2017. Les arbitrages ne sont pas encore tranchés.

Le ministère des Armées est bien dans le collimateur de Bercy. Après une parenthèse de cinq ans où l'ancien ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a défendu avec succès son budget, le ministère de l'Économie est revenu depuis le début de l'année à la charge pour contraindre le ministère des Armées à faire des économies. Après avoir gelé 2,7 milliards d'euros de crédits avant l'arrivée du gouvernement Philippe comme l'a révélé La Tribune, Bercy a récemment transmis à Matignon une proposition pour réduire de 850 millions d'euros le budget de la défense en 2017, selon nos informations. Le blog Secret Défense avait révélé ce montant jeudi. Pour autant, les arbitrages n'ont pas été encore effectués.

Arbitrages chez Macron?

Le gouvernement a promis jeudi de préciser sous quinze jours le tour de vis prévu pour contenir le déficit public à 3% en 2017. "J'ai proposé au Premier ministre un certain nombre d'économies" et il "va rendre des arbitrages dans la semaine", a annoncé le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin, rappelant que Bercy devait trouver 4 à 5 milliards d'euros pour respecter en 2017 les règles budgétaires européennes. "Tous les ministres sont solidaires, (...) donc il n'y aura pas de logiques de l'un contre l'autre", avait-il rappelé début juin.

"Aucun ministère, aucun opérateur, aucune niche fiscale ne sera sanctuarisé. Partout, nous chasserons la dépense inefficace et le saupoudrage de crédits", a d'ailleurs confirmé mardi le Premier ministre Édouard Philippe lors de son discours de politique générale. Si le ministère des Armées devait être touché par des économies budgétaires, les promesses d'Emmanuel Macron, relayées par Édouard Philippe, ne seraient finalement que des... promesses, qui n'engagent que ceux qui les écoutent alors que les armées réclament plus de moyens pour assurer leurs missions face aux menaces terroristes.

En novembre 2015 juste après les attentats, François Hollande avait à juste raison considéré devant les sénateurs et députés français réunis en Congrès au château de Versailles que "le pacte de sécurité l'emporte sur le pacte de stabilité budgétaire européen". Emmanuel Macron, qui va devoir arbitrer entre Bercy et l'Hôtel de Brienne, va-t-il être le président qui va changer ce dogme?

Florence Parly au front

La ministre des Armées, Florence Parly, a pour sa part assuré vendredi à Toulon qu'elle allait "mettre tous ses efforts au service d'une progression permettant de crédibiliser" l'objectif d'un budget de la défense à 2% du PIB en 2025. "C'est un engagement du président de la République, réitéré à plusieurs reprises", a-t-elle rappelé, évoquant l'objectif de 2% confirmé par le Premier ministre dans son discours de politique générale. "Les discussions budgétaires sont en cours", a-t-elle précisé lors de sa visite au sein d'unités de la Marine nationale, sur la base de Toulon. La ministre a d'ailleurs rendez-vous avec Gerald Darmanin lundi en fin d'après-midi pour une réunion... budgétaire.

Fin juin, la ministre, qui a succédé à Sylvie Goulard, avait déjà annoncé que la France allait engager une revue de ses enjeux stratégiques d'ici à l'automne afin d'adapter ses besoins militaires aux nouvelles menaces et de porter l'effort de défense à 2% du PIB d'ici à 2025. La revue stratégique sera présentée en Conseil de défense en octobre puis au Parlement en novembre afin d'adopter la nouvelle loi de programmation militaire (2019-2025) au premier semestre 2018.

Des discours contradictoires?

Mais que veut exactement Édouard Philippe ? Car entre sa volonté de rester dans les clous du pacte de stabilité et son envie de protéger les Français, il fait aujourd'hui le grand écart. Lui qui mardi estimait que "la menace est partout, diffuse, pas un mois ne passe sans que des projets ne soient éventés ou des actes empêchés". Il a même comptabilisé "plus de 200 tués sur notre sol, des centaines de blessés".

"Je veux rendre hommage à tous ceux que nous voyons, policiers, gendarmes, militaires de l'opération Sentinelle veiller chaque jour sur notre sécurité, à ceux qui combattent sur les théâtres d'opérations extérieures, au Sahel ou au Levant, et à tous ceux que nous ne voyons pas et que nous ne connaîtrons jamais, nos soldats de l'ombre dont nous pouvons être fiers, beaucoup sont tombés au service de notre liberté.

A tous ces militaires, Édouard Philippe a promis de leur donner "les moyens de défendre" la France "comme s'y est engagé le président de la République une loi de programmation militaire", qui sera adoptée dès 2018. Cette loi de programmation militaire (LPM) portera l'effort de dépenses à 2 % du PIB d'ici à 2025 et "permettra à la France de se battre sur tous les fronts". Cet effort passe déjà par une très bonne exécution du budget 2017...