Bras de fer entre Sapin (Bercy) et Le Drian (défense) : le der des der ?

Par Michel Cabirol  |   |  653  mots
le ministre des Finances Michel Sapin signera-t-il ce document de lancement du programme des frégates de taille intermédiaire avant la fin du quinquennat ou laissera-t-il le soin à son successeur de le faire ?
Bercy bloque le lancement du programme de frégates de taille intermédiaire (FTI). Un énième bras de fer entre les ministère des Finances et de la Défense.

Pourquoi se quitter bons amis... Le ministre de l'Économie et des Finances, Michel Sapin, et celui de la Défense, Jean-Yves Le Drian, pourtant deux amis de 30 ans de François Hollande, ont engagé un nouveau bras de fer. Certainement le dernier du quinquennat qui a vu s'affronter les deux ministères sur de multiples dossiers. Comme à son habitude, le ministre de la Défense ne va pas lâcher. Et encore moins sur ce dossier qui concerne un des programmes auquel il tient beaucoup. Et c'est peu de le dire. Il s'agit ni plus ni moins du programme des frégates de taille intermédiaire (FTI), baptisées par DCNS Belh@rra, du nom de la célèbre vague de 8 à 15 mètres qui prend forme au nord-ouest de la baie de Saint-Jean-de-Luz.

Et de vagues, ce programme en fait. Car Bercy fait de la résistance et bloque le projet. Il n'a pas encore signé le document de lancement du programme. Le ministère de la Défense a pris quant à lui la décision lors du comité ministériel des investissements (CMI) du 20 mars 2017. Le dossier devait déjà passer le 10 mars mais le CMI avait été repoussé pour permettre à Jean-Yves Le Drian de souffler. Si près des élections, Michel Sapin signera-t-il ce document avant la fin du quinquennat ou laissera-t-il le soin à son successeur de le faire ? Au ministère de la Défense, c'est un peu la bouteille à l'encre mais on estime encore possible de faire passer ce programme avant les élections.

Un programme à 3,8 milliards d'euros

Jean-Yves Le Drian s'est beaucoup investi pour ce programme. La France va lancer son programme de frégates de taille intermédiaire (FTI) en 2017, dans l'espoir de capter des marchés à l'export sur ce créneau très disputé, avait annoncé en octobre lors du salon Euronaval Jean-Yves Le Drian. Il avait précisé qu'il notifierait la commande de l'État français à DCNS au "premier trimestre" 2017. La Marine nationale doit acquérir cinq frégates Belh@rra au total - la première sera livrée en 2023. Le programme est estimé à 3,8 milliards d'euros, coûts de développement compris, avait détaillé le ministre.

Le programme Belh@rra agace également les armées, qui auraient préféré pour des raisons budgétaires continuer le programme des frégates multi-missions (FREMM) avec trois bâtiments de plus, dont le développement est déjà payé. C'est d'ailleurs ce qui était initialement prévu. "On aurait préféré trois FREMM moins chères que cinq FTI", explique-t-on à La Tribune.

Une opération de BITD

Mais le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a souhaité préserver les bureaux d'études de DCNS et de Thales en lançant une frégate de 4.000 tonnes (contre 6.000 tonnes pour la FREMM). Clairement, ce programme est une opération de préservation de la BITD (base industrielle et technologique de défense). Le ministre de la Défense avait d'ailleurs été très clair en mai 2015. "Au-delà de l'enjeu majeur pour notre Marine, il s'agit bien aussi d'un choix de politique industrielle", avait-il estimé lors d'un déplacement sur la base aéronautique navale de Lann-Bihoué.

Le lancement du programme va donner au groupe naval et à l'ensemble des sous-traitants "une visibilité significative dans leurs plans de charge (tant en ingénierie qu'en production)", avait expliqué le ministre. Ce qu'avait souligné également le délégué général pour l'armement, Laurent Collet-Billon : "cette opération présente un intérêt évident pour alimenter les bureaux d'études, qui autrement seraient restés à sec. La perspective est donc vertueuse au regard du maintien des capacités industrielles comme militaires, les frégates FTI étant d'un haut niveau". La FTI sécurisera donc à la fois la production à Lorient et les bureaux d'études de DCNS et de Thales dans le domaine naval.