Chine, Hop ! : ATR affronte de très forts vents contraires fin 2018

Par Michel Cabirol  |   |  798  mots
L'Europe et la Chine se livrent une guerre sur la certification des matériels aéronautiques, qui prend en autre en otage ATR, le constructeur basé à Toulouse. (Crédits : ATR)
L'ouverture du marché chinois se fait attendre pour ATR. Et Hop! a claqué la porte au constructeur franco-italien de turbopropulseurs, lui préférant des jets plus gourmands en kérosène.

C'est raté pour ATR pour cette année. Le constructeur franco-italien de turbopropulseurs régionaux, qui dispose pourtant de solides déclarations d'intention auprès de clients chinois, ne pourra pas cette année finaliser la vente de ses appareils ATR 42-600. Lors de la visite vendredi en France du vice-Premier ministre chinois, Hu Chunhua, qui a été reçu par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, les Chinois n'ont pas voulu prendre d'engagements sur la certification des ATR, selon des sources françaises. D'ailleurs, ce dossier n'a d'ailleurs pas été intégré à la déclaration finale franco-chinoise.

Pourquoi ? Parce que l'Europe et la Chine se livrent une guerre sur la certification des matériels aéronautiques, qui prend en autre en otage le constructeur basé à Toulouse. Pourtant, la demande de certification d'ATR a été "acceptée" par la Chine, avait expliqué en juin dernier l'ancien président exécutif d'ATR, Christian Scherer. Un casse-tête chinois pour ATR, qui comptait obtenir avant l'été une autorisation de Pékin avant la fin de l'année. "La Chine reste une nouvelle frontière à percer pour ATR", avait rappelé l'ex-patron d'ATR.

Otage d'une négociation entre la Chine et l'UE

Dans le cadre du projet de partenariat UE-Chine dans le domaine de la sécurité de l'aviation, l'Administration de l'aviation civile de Chine (CAAC) et l'Agence européenne de la sécurité aérienne sont en train de négocier difficilement un accord de reconnaissance mutuelle des certifications aéronautiques. Objectif, parvenir à la signature d'un accord bilatéral sur la sécurité de l'aviation (BASA, Bilateral Aircraft aviation safety agreement), qui vise l'acceptation mutuelle des certificats de deux pays ou groupe de pays comme l'Union européenne. Pour l'heure, l'AESA n'est pas encore prête à accepter cette reconnaissance mutuelle avec la Chine, explique-t-on à La Tribune.

ATR est dépendant de la réussite de ces négociations. Résultat, Pékin cloue au sol ATR en Chine. Et la CAAC exige de la part du constructeur toulousain de nouvelles garanties de sécurité pour leurs appareils. "De fausses excuses" qui s'apparentent à des "mesures purement protectionnistes", regrette une source contactée par La Tribune. Car la Chine n'a pas demandé à Safran de telles garanties pour la livraison de nouveaux moteurs. Soit deux poids, deux mesures : tout dépend des urgences des Chinois.

ATR avait signé coup sur coup en 2017 deux lettres d'intention. le constructeur de turbopropulseurs et Shaanxi Tianju Investment Group (Tianju) avaient signé un document pour l'achat de 10 ATR 42-600 (30 sièges) pour développer le transport aérien court-courrier dans la région de Xinjiang, en Chine. Puis, l'avionneur franco-italien (50-50 entre Airbus et Leonardo) avait signé une lettre d'intention avec Xuzhou Hantong Airlines Co., LTD (Hantong), portant sur une commande de trois ATR 42-600 pour développer les transports aériens court-courriers dans la province du Jiangsu, en Chine. En outre, ATR a dans ses cartons d'autres accords confidentiels avec des compagnies chinoises.

Hop! tourne le dos à ATR

Il y a plus grave pour ATR. Car la compagnie aérienne Hop!, filiale du groupe Air France-KLM spécialisée dans le court courrier, va sortir de sa flotte ses avions turbopropulseurs d'ici à l'été 2020, a annoncé début octobre à La Tribune son patron Alain Malka. Pour rationaliser la flotte de la compagnie, née en 2016 de la fusion de trois transporteurs régionaux, "nous avons fait le choix des avions les plus rapides, des jets", a indiqué fin novembre à Lyon Alain Malka. Pour autant, on peut se poser la question de savoir si Hop! a vraiment fait le bon choix pour des raisons économiques évidentes entre l'exploitation de jets et de turbopropulseurs modernes.

"Les ATR modernes, avec la série 600, sont des avions extrêmement pertinents pour le désenclavement des régions françaises, avait expliqué dans une interview à La Tribune Christian Scherer. (...) Nous avons fait beaucoup, beaucoup d'efforts pour soutenir nos opérations. ATR peut et se déclare prêt à assurer la maintenance des avions. Nous avons un produit GMA, qui est éprouvé et qui marche très bien. Nous avons une masse critique qui nous permet d'atteindre des économies d'échelle vraiment intéressantes, y compris pour les grandes compagnies comme Air France".

Pour faire face à la concurrence des transporteurs à bas coûts, la compagnie "est entrée dans une phase d'industrialisation qui rend nécessaire d'avoir une flotte homogène", a relevé le responsable. Les ATR 500 de la compagnie cesseront ainsi leur service "d'ici a l'été prochain" et les ATR 600 un an plus tard. Cette rationalisation va permettre à Hop! de concentrer sa flotte sur trois types de "cockpits" étrangers : des Embraer 170 (70 sièges) et 190 (100 sièges), des Canadair CRJ 700 (70 sièges) et CRJ 1.000 (100 sièges) et des Embraer 145 (50 sièges).