Les cinq défis de Stefano Bortoli à la tête d'ATR

ATR a nommé Stefano Bortoli en tant que nouveau président exécutif du constructeur franco-italien. Cette nomination fait suite à l'annonce surprise d'Airbus, nommant à la tête de sa direction commerciale, Christian Scherer.
Michel Cabirol
Stefano Bortoli prend le manche d'ATR au moment où l'avionneur affronte des vents contraires
Stefano Bortoli prend le manche d'ATR au moment où l'avionneur affronte des vents contraires (Crédits : ATR)

Un Italien remplace un Français à la tête d'ATR après quatre ans de présidence française (Patrick de Castelbajac - 2014-2016 -, puis Christian Scherer). Le constructeur de turbopropulseurs régionaux, avec le soutien de ses actionnaires Airbus et Leonardo (50-50), a nommé Stefano Bortoli en tant que nouveau président exécutif d'ATR avec effet immédiat. Cette nomination fait suite à l'annonce surprise la semaine dernière d'Airbus, nommant à la tête de sa direction commerciale, Christian Scherer, qui n'aura  finalement tenu le manche d'ATR qu'un peu moins de deux ans.

Selon le communiqué d'ATR, Stefano Bortoli a "une grande connaissance et compréhension de l'entreprise, de l'industrie aéronautique et du marché régional". Il était jusqu'ici président du conseil d'administration d'ATR et directeur de la stratégie, du développement marketing et des ventes pour la division Avions de Leonardo. Précédemment, il a occupé différents postes de direction et a un parcours orienté vers  l'international. Il a "le profil requis et l'expérience nécessaire pour continuer les développements positifs chez ATR", a assuré ATR. Après le départ en octobre 2016 de Patrick de Castelbajac, qui n'est resté que deux ans chez ATR.

"Je remercie Christian Scherer pour les contributions cruciales qu'il a apportées à ATR sur le plan commercial mais également en préparant le terrain pour l'avenir d'ATR en tant que leader de l'aviation régionale, a expliqué Stefano Bortoli. Je suis honoré d'apporter mon expérience pour continuer de maintenir le leadership d'ATR sur le marché et de le préparer pour l'avenir".

Chasser les commandes

Stefano Bortoli prend le manche d'ATR au moment où l'avionneur affronte des vents contraires. Mais le constructeur a des fondamentaux solides. Premier défi, et non des moindres, le nouveau président devra monter au créneau pour maintenir les ventes d'ATR dans un contexte international devenu très compliqué. Le constructeur de turbopropulseurs régionaux visait en début d'année 80 commandes. "Nous sommes "on track" pour viser un book-to-bill égal à 1 lissé sur deux ans, avait assuré Christian Scherer dans une interview accordée à La Tribune. En 2017, nous avons pris de l'avance. Si on n'obtient cette année que 50 commandes par exemple, notre carnet de commandes assurera encore un bon niveau de livraisons nécessaires à ATR pour les années à venir".

A la fin de l'été, il avait engrangé 39 commandes ou intentions de commande. Ainsi, depuis le début de l'année, ATR a dévoilé onze contrats ou protocole d'accords (MoU) en dehors. Soit une moyenne de 3,45 appareils par commande. Le marché de l'aviation régionale semble encore relativement saturé pour les turbopropulseurs. Pour autant, ATR a "de très beaux projets" en Asie "avec un peu plus de volumes", avait estimé l'ancien président exécutif. Mais cette année, le constructeur n'a pas pour le moment de très grosses affaires en vue comme en 2017. D'autant que le constructeur franco-italien est parti avec un train de retard pour le méga-appel d'offres d'Air France. En revanche, la certification de la version ATR 600 en Chine pourrait ouvrir de jolies perspectives pour ATR. "Nous souhaitons l'obtenir avant la fin de l'année", avait confié Christian Scherer.

Assurer un maximum de livraisons

Deuxième défi, les livraisons. ATR va devoir limiter l'impact de la situation iranienne sur les 80 livraisons du constructeur prévues en début d'année. Sur les 20 ATR commandés par l'Iran, il n'en a livré que 13 en raison de l'embargo décrété unilatéralement par les Etats-Unis sur l'Iran. Stefano Bortoli devra donc tenter de recaser des avions fabriqués spécifiquement pour l'Iran. Ces appareils vont opérer beaucoup au-dessus de régions montagneuses. Aussi, ils ont demandé à ATR de mettre un système de fourniture d'oxygène pour tous les passagers en cas de dépressurisation de la cabine. L'avionneur a dû effectuer une modification sur l'avion, qui le rend particulier par rapport aux ATR standards.

En outre, ATR est confronté aux nombreuses difficultés de ses clients touchés par la hausse du dollar face à leur devise. Comme les fluctuations sont énormes, leur capacité à financer les avions déjà commandés, s'en trouve diminuée. Stefano Bortoli a du pain sur la planche pour rester le plus proche possible des objectifs d'ATR et limiter les répercussions cette année et au-delà en 2019.

Lancer l'ATR 42 STOL

Le nouveau patron d'ATR a un dossier sur son bureau, le lancement de l'ATR 42 STOL. Tout est prêt pour son lancement. Les actionnaires doivent prendre une décision logique pour assurer l'avenir du constructeur franco-italien. Le marché est là et l'intérêt des clients identifiés. Le marché est à l'aube d'une vague de renouvellement d'avions régionaux entre 30 et 50 places, qui arrivent en fin de course. Et l'ATR 42 reste aujourd'hui le seul avion de 40 à 50 places en production à condition de le moderniser de façon pertinente pour remplacer les SAAB 340, les Dash 7, etc...  ATR a identifié un marché de 650 appareils à renouveler pour lequel l'ATR 42 STOL serait pertinent. Le constructeur vise la moitié de ce marché.

Le bureau d'études d'ATR a déjà travaillé sur des modifications, qui sont beaucoup moins ambitieuses, complexes et moins coûteuses que ce que le constructeur avait initialement envisagé. "La rusticité fait la force d'ATR, avait rappelé Christian Scherer. 80% des compagnies du monde entier (Asie, Afrique, Europe, Etats-Unis, Canada...) à qui nous avons présenté cette modification sont prêtes à en acheter tout de suite". Enfin, le niveau d'investissement est devenu "très acceptable", avait-il expliqué. La facture a été coupée par quatre avec ce nouveau projet. A Stefano Bortoli de convaincre définitivement Airbus et Leonardo.

Assurer la livraison de la version cargo à Fedex

Il reste à terminer à ATR un important développement pour la version cargo de l'ATR 72-600. Il faudra ensuite livrer les 30 ATR 72-600, assortie d'une option de 20 appareils, au géant du transport de marchandises FedEx Express Les livraisons des ATR 72-600F à FedEx Express débuteront en 2020, une fois le développement de l'appareil achevé. FedEx a d'ailleurs collaboré avec ATR pour la conception de ce nouvel appareil.

ATR ne souhaite pas que cette commande reste un "one-shot". "Nous sommes beaucoup sollicités, des Chinois aux grandes compagnies de ventes par internet, en passant par les concurrents de Fedex", avait expliqué à La Tribune Christian Scherer. La commande de FedEx peut donc être un déclic pour d'autres compagnies de fret. D'autant que l'ATR 72-600F est "actuellement l'unique appareil régional neuf de transport de fret disponible sur le marché", avait fait observer le patron d'ATR en novembre 2017 lors de l'annonce de cette commande. Et d'indiquer que "le choix de ce nouvel appareil est le fruit d'une analyse technique et économique très poussée" de FedEx. ATR se disait alors "convaincu que son utilisation par FedEx Express va lui permettre de devenir le nouvel appareil de référence pour les activités de transport de fret aérien régional".

Le rêve d'un ATR de 90 places

C'est le rêve de Leonardo et des Italiens. Mais jusqu'ici Airbus a toujours refusé de lancer cet appareil de 90/100 places. Explication : "Sur ce marché, de 90/100 places, il y a déjà Mitsubishi, Sukhoï, le petit C-Series, les CRJ 900 et 1000, avait précisé Christian Scherer. Tous ces constructeurs s'entre-tuent. Il n'y en a pas un qui fait de l'argent sur ce segment de marché. Il faut être fou pour claquer entre 2 et 4 milliards d'euros pour développer un nouvel avion".

Michel Cabirol

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