Clap de fin pour l'Airbus A380 si Emirates n'en commande pas plus ?

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  879  mots
Airbus étudie plusieurs scénarios possibles afin de cesser progressivement sa production s'il ne décroche pas une commande cruciale de la compagnie de Dubai Emirates.

Clap de fin pour l'A380? Alors que le plus gros avion civil du monde n'a pas décroché une commande depuis plusieurs années, Airbus étudie plusieurs scénarios possibles afin de cesser progressivement sa production s'il ne décroche pas une commande cruciale de la compagnie de Dubai Emirates, selon l'agence Reuters qui se base sur trois sources proches du dossier. En novembre, au salon aéronautique de Dubai, les négociations entre Airbus et Emirates concernant une nouvelle commande de 36 appareils d'une valeur de 16 milliards de dollars au prix catalogue (13,4 milliards d'euros), ont échoué. Elles auraient repris mais rien ne laisse penser qu'une signature de contrat soit imminente.

"S'il n'y a pas de commandes d'Emirates, Airbus commencera le processus de l'arrêt de la production d'A380", a déclaré une source proche du projet. Airbus et Emirates se sont refusés à tout commentaire. L'avionneur européen n'a pas non plus souhaité préciser combien de personnes travaillaient sur le projet.

Emirates veut des garanties d'Airbus

Même si des compagnies telles que British Airways (groupe IAG) ont manifesté leur intérêt pour, l'A380 Airbus hésite à maintenir des usines sans la certitude d'une grosse commande d'Emirates. Car d'autres clients comme Singapore Airlines, Air France ou Qantas, s'ils ont annoncé relooker leur exemplaires, ils n'envisagent pas d'en acheter d'autres.

Principale cliente de l'A380, la compagnie du Golfe, de son côté, veut une garantie qu'Airbus maintiendra sa production pendant une décennie pour protéger son investissement. Une annulation conduirait à une rupture entre Airbus et l'un de ses plus gros clients et lierait la croissance future d'Emirates à ses récentes commandes de Boeing. Selon des sources européennes, cela traduit l'influence américaine grandissante dans le Golfe sous la présidence de Donald Trump, mais des sources américaines et émiraties démentent toutes implications politiques.

Quel motoriste?

Signer un contrat nécessitera aussi de régler d'autres questions, comme le choix du motoriste et le service après-vente. En effet, comme La Tribune le révélait 13 novembre, Emirates qui, après avoir motorisé ses 90 premiers exemplaires de moteurs Engine Alliance composé de General Electric et Pratt & Whithney, avait changé de fournisseurs en 2015 en passant chez Rolls Royce, souhaiterait revenir chez Engine Alliance.

Ce qui n'est pas sans poser de problème à Airbus dans le cas d'une commande d'A380Plus, un projet de version plus performante de l'appareil présentée en juin dernier par Airbus, qui, grâce à plusieurs améliorations comme des aménagements dans la cabine pour augmenter le nombre de sièges ou la mise en place de winglets, des ailettes verticales de 4 mètres au bout des ailes pour améliorer l'aérodynamique, permettrait de baisser de 13% du coût au siège.

Car l'installation de winglets entraîne une modification de l'aile et des pylônes qui supportent les moteurs. Et jusqu'ici, Airbus a mené des études sur l'A380Plus avec le moteur Trent 900 de Rolls Royce qui était le motoriste le plus motivé à poursuivre l'aventure du 380, et non avec le GP-7000 d'Engine Alliance qui nécessiterait des pylônes spécifiques. On comprend donc qu'Airbus ne soit pas du coup pas très chaud à l'idée de relancer des études sur la compatibilité de l'A380Plus avec les moteurs Engine Alliance. C'est pourquoi « si commande il y devait y avoir, elle pourrait concerner des A380 classiques », expliquait à La Tribune une très bonne source mi-novembre.

Baisse de la production

Tout arrêt devrait être progressif, permettant à Airbus de produire les commandes actuelles qui proviennent principalement d'Emirates. Sur le papier il lui reste en effet une centaine d'appareils à livrer, dont 41 à Emirates. Au rythme actuel des cadences (moins de 1 appareil par mois), Airbus aurait donc 8 ans de production devant lui. En réalité, c'est beaucoup moins dans la mesure où un bon nombre de contrats encore inscrits dans le carnet de commandes de l'avionneur ont peu voire pas de chance de se concrétiser. Soit parce que le client a laissé entendre qu'il ne souhaitait pas les honorer (Virgin Atlantic, Singapore Airlines, Qantas) soit parce qu'il apparaît fragile financièrement. Selon une analyse de La Tribune, en retirant ces commandes incertaines, il ne reste plus qu'une petite cinquantaine d'appareils à livrer environ (dont 41 à Emirates), soit 4 ans de production. Celle-ci peut-être encore diminuée.

Mi-décembre, le Président d'Airbus Commercial Aircraft, Fabrice Brégier estimait que l'avionneur « pouvait produire cet appareil au rythme de six, sept par an de manière industrielle". A ce rythme, Airbus a besoin d'au moins 30 A380 supplémentaires pour maintenir une production de l'avion jusqu'au milieu de la prochaine décennie au moment où l'arrivée d'une nouvelle génération de moteurs pourrait laisser envisager le lancement d'une version remotorisée mais aussi allongée de l'A380 qui pourrait avoir plus de succès auprès des compagnies.

Si Airbus décide d'arrêter progressivement sa production du très gros porteur, Emirates lui demandera de lui livrer les 41 restants qu'elle a commandés et maintiendra ensuite la plupart de ses A380 en exploitation aussi longtemps que possible, selon certaines sources.

Lire ici : Airbus A380 : pourquoi ça ne marche pas

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