A l'occasion du salon aéronautique indien Aero India (3-5 février), l'Inde rêve toujours autant du "Make in India" et s'en donne les moyens. Le Premier ministre indien Narendra Modi, qui ambitionne de rendre son pays indépendant en matière de technologies militaires et de limiter les importations de systèmes d'arme, a d'ailleurs assisté à la signature mercredi d'un méga-contrat portant sur l'acquisition de 83 Tejas Mk-IA, l'avion de combat léger fabriqué par l'industriel indien HAL (Hindustan Aeronautics Ltd). Soit quatre escadrons (73 avions de combat et 10 avions d'entrainement) pour l'IAF (Indian Air Force). Ce contrat est évalué à 5,4 milliards d'euros (48.000 crores) par le ministère de la Défense indien. Le gouvernement a récemment aussi pris la décision de mettre un embargo provisoire sur l'importation de 101 systèmes d'armes dans le but de promouvoir la fabrication de ces matériels par les industries indiennes.
Dans un tweet, le Premier Ministre a assuré que "l'Inde offre un potentiel illimité dans les domaines de la défense et de l'aérospatiale. Aero India est une formidable plate-forme de collaboration dans ces domaines. Le gouvernement indien a introduit des réformes futuristes dans ces secteurs, qui donneront une impulsion à notre quête pour devenir Aatmanirbhar (Make in India, ndlr)".
En dépit d'un contexte sanitaire défavorable, les industriels français ont débarqué en force à Aero India. Fédéré par le GIFAS (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales), le pavillon France accueille 20 entreprises, dont Dassault Aviation, Safran, Thales, sur ce salon, qui se déroule à Bangalore. En comptant les sociétés françaises qui exposent directement (Airbus, Dassault Systèmes, Liebherr Aerospace, Lisi Aerospace, Nicomatic India, MBDA, Stäubli Tec-System), la France affiche "la plus forte représentation étrangère au salon de Bangalore", assure le GIFAS dans un communiqué publié mercredi. Cette présence "témoigne aussi de l'engagement de l'industrie française à contribuer au développement de l'industrie aéronautique, spatiale et de défense indienne", affirme le GIFAS.
La France prête à "aider" Modi
La France sait faire du "Make in India". Elle l'a d'ailleurs démontré notamment avec Naval Group, qui va à terme livrer avec son partenaire Mazagon Dock six sous-marins Scorpène fabriqués à Bombay à la marine indienne. Trois navires ont déjà été remis à la marine. "Le « Make in India » est un marqueur politique fort du Premier ministre indien, qui veut montrer que cela marche", explique-t-on à Paris. Et la France se tient prête à "aider" Narendra Modi à gagner son pari industriel et technologique. Lors d'une visite à Delhi début janvier, le conseiller diplomatique du président français, Emmanuel Bonne, aurait dans ce contexte fait toute une série de propositions aux Indiens, qui colleraient à cette politique du "Make in India", selon la presse indienne. Plus de 60 entreprises françaises ont déjà une présence en Inde (implantations industrielles et/ou bureaux de représentations).
Si l'Inde achète une nouvelle fois du Rafale, Paris serait prêt à transférer 70% de la chaine de montage de l'avion de combat, selon le quotidien anglophone "Hindustan Times". Pour l'heure, Dassault Aviation participe aux appels d'offres de l'Armée de l'Air indienne (110 avions) et de la Marine indienne (57 avions navalisés). Quant à Airbus Helicopters, le constructeur de Marignane a promis à l'Inde, s'il était sélectionné pour l'appel d'offres portant sur 111 appareils (3,2 milliards de dollars), une fabrication 100% locale de l'hélicoptère l'AS565 MB Panther, la version militarisée du Dauphin. Il a pour partenaire le groupe indien Mahindra dans le cadre du programme NUH (hélicoptères utilitaires navals). Si Airbus Helicopters était in fine sélectionné pour de bon, ce serait une première en Inde depuis des temps immémoriaux. Selon la presse indienne, New Delhi serait intéressé par les propositions françaises.
Enfin, la France a proposé à l'Inde un partenariat avec le DRDO (Defence Research and Development Organisation) pour développer un moteur performant pour propulser l'AMCA (Advanced Medium Combat Aircraft (AMCA) à partir de briques technologiques du moteur du Rafale M88. "Les discussions se poursuivent avec le client pour répondre à ses besoins", explique-t-on à Paris. Ce sont toutefois des discussions qui s'étalent sur une certaine durée... elles ont commencé au siècle dernier pour le Tejas, qui a fait l'objet de discussions pour le motoriser avec le M88. Enfin, selon la presse indienne, la France propose des avions ravitailleurs MRTT (A330) en location. Là aussi une très longue histoire commencée en 2006 pour Airbus. Il faut dire que New Delhi a cassé deux fois la procédure d'acquisition de six A330 MRTT alors que ministère de la Défense était à chaque fois en négociations exclusives avec Airbus (2010 puis 2016).
Naval Group dans les starting-blocks
Dans le domaine naval, la France - et plus précisément Naval Group -, se tient prête à répondre à l'appel d'offres dans le cadre du programme P75i portant sur l'acquisition de six nouveaux sous-marins. Un projet qui a été repoussé à plusieurs reprises et dont l'appel d'offres (RFP, Request for proposal) pourrait être enfin lancé cette année. Les cinq chantiers navals sélectionnés (Naval Group, TKMS, Navantia, le russe Rubin et le coréen DSME) devront choisir deux partenaires locaux : Mazagon Dock ou Larsen & Toubro (L&T). En outre, Naval Group concourt face à Atlas Elektronik (TKMS) pour la fourniture de torpilles lourdes à la marine indienne avec son nouveau produit F21, qui va équiper les sous-marins nucléaires français et les Scorpène brésiliens. Un contrat de plusieurs centaines de millions d'euros pourrait être annoncé cette année.
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