Frégates : imbroglio abracadabrantesque entre la France et la Grèce

Par Michel Cabirol  |   |  758  mots
La location de frégates française à la marine grecque est discutée de longue date, a rappelé le ministre adjoint de la Défense grec, Fotis Kouvelis.
La Grèce annonce que la France va lui louer deux frégates FREMM pendant cinq ans. La ministre des Armées rétorque que ce n'est "pas d'actualité".

Incompréhensions entre la France et la Grèce. De quoi parle-t-on ? La Grèce annonce qu'elle va louer cet été pour cinq ans deux frégates à la France, a assuré vendredi le ministère de la Défense grec. Il s'appuie sur un échange téléphonique entre le Premier ministre Alexis Tsipras et le président français Emmanuel Macron. "La France nous a donné deux frégates en leasing", a assuré le ministre adjoint de la Défense grec, Fotis Kouvelis, soulignant que cet accord avait été finalisé au cours de l'entretien téléphonique.

Surprise à l'Hôtel de Brienne. Son homologue la ministre française des Armées Florence Parly a affirmé que l'opération n'était "pas d'actualité (...) même si bien sûr nous sommes à la disposition de nos amis grecs pour continuer à travailler de manière encore plus étroite". Au sein de l'Etat français, on précise que la France n'a pris aucun engagement  de leasing. D'autant que la Marine nationale n'a semble-t-il pas la capacité de prêter deux frégates à la Grèce. La Marine avait par ailleurs affiché un objectif de dix-huit frégates de premier rang, elle n'en a eu que quinze.

"Durant la prochaine décennie, avant l'entrée en service de la première FTI en 2023, nous allons d'abord connaître une baisse du nombre de nos frégates de premier rang, avait expliqué en février dernier le chef d'état-major de la marine, l'amiral Christophe Prazuck. Elle sera compensée par la rénovation des frégates légères de type La Fayette, absolument nécessaire pour combler ce trou".

La Grèce sûre d'elle

La Grèce est sure de son fait. L'information a été donnée une première fois vendredi matin à la radio Skaï par Fotis Kouvelis, qui confirmait une information révélée vendredi par le quotidien Kathimerini. Puis une source du ministère de la Défense grec l'a fermement réaffirmée dans la soirée à l'AFP après la réaction de Florence Parly. Selon le journal, les deux frégates de type FREMM (frégates multimissions) seront louées pour cinq ans. Une location dans l'attente d'une acquisition par Athènes des frégates de taille intermédiaire (FTI), les Belharra. Ces discussions ont été confirmées à La Tribune. Ces frégates devraient être armées du missile MdCN (MBDA), selon nos informations. Le ministre adjoint a par ailleurs confirmé ces discussions en cours entre les deux pays pour "l'achat de deux autres frégates" à un horizon de trois ou quatre ans.

La source de l'AFP s'est montrée surprise des propos de Florence Parly, assurant que le Premier ministre grec Alexis Tsipras avait lui-même autorisé jeudi soir Fotis Kouvelis à s'exprimer à ce sujet. Le Premier ministre grec, a précisé cette source, a indiqué à Fotis Kouvelis que le président français, jeudi également, "lui avait dit que les frégates françaises seraient en Grèce en juillet ou août". Selon un connaisseur de ce dossier, il pourrait simplement s'agir d'une "manip" des Grecs pour accélérer l'acquisition des frégates FTI.

Une location discutée de longue date

La location était quant à elle discutée de longue date, a rappelé Fotis Kouvelis. C'est vrai. En septembre 2013, La Tribune révélait que DCNS, devenu Naval Group, étudiait depuis plusieurs mois la vente en leasing de deux frégates FREMM dans une version antiaérienne à la Grèce. Athènes ne pouvait pas se payer ce type d'armement en raison de ses finances exsangues. La marine grecque, qui lorgne depuis longtemps sur les FREMM, voulait initialement s'offrir six frégates ce type (au-delà de 2,5 milliards d'euros), à l'identique de celle de la marine française. L'ex-PDG de Naval Group, Patrick Boissier, avait confirmé en mars 2013 à l'Assemblée nationale que la Grèce était "intéressée par les FREMM dans leur version antiaérienne".

L'accord marque, selon le quotidien Kathimerini, le soutien français à la Grèce, sur fond d'un regain des disputes de souveraineté en mer Egée avec la Turquie. Le ministre de la Défense grec Panos Kamménos avait précisé dans un interview accordé à Libération qu'en "un an, les violations des eaux territoriales ont augmenté de 450 %. Celles de l'espace aérien de 48%". D'ailleurs, la France est prête à travailler avec la Grèce sur les moyens de renforcer la présence de l'Europe en mer Egée et mer Méditerranée.