Hélicoptères lourds : la France prête à coopérer avec l'Allemagne

Par Michel Cabirol  |   |  837  mots
"Les opérations conduites en Afghanistan ont mis en évidence une lacune importante" dans le domaine des hélicoptères lourds, a expliqué en septembre dernier le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Jean-Pierre Bosser. (Crédits : Bundeswehr)
Dans le domaine des hélicoptères lourds, une des lacunes capacitaires de la France, le nouveau chef d'état-major de l'armée de l'air souhaite mettre en place une solution beaucoup plus pérenne. Le général Philippe Lavigne propose de lancer une coopération avec l'armée allemande.

C'est l'une des lacunes capacitaires importantes de l'armée française : les hélicoptères lourds pourtant bien utiles pour les opérations extérieures (OPEX). Jusqu'ici, la France a bricolé et a bénéficié de temps en temps d'aides ponctuelles de pays alliés, notamment lors de l'opération Barkhane. Le nouveau chef d'état-major de l'armée de l'air, le général Philippe Lavigne, souhaite mettre en place une solution beaucoup plus pérenne. "Le domaine des hélicoptères de transport lourd serait propice à la mise en place d'un Évreux inversé avec nos partenaires allemands", a-t-il expliqué aux députés lors de son audition le 17 octobre.

Pour les hélicoptères lourds, le général Philippe Lavigne propose que "quelques pilotes français pourraient être formés sur des hélicoptères de transport lourd allemands, grâce à un système de location d'heures, au profit de nos théâtres d'opérations". L'idée d'une coopération avec Berlin qui dispose de plus d'une quarantaine d'hélicoptères lourds américains en service, le CH-53 de Sikorsky (Lockheed Martin), capables de transporter 37 militaires et leur équipement, n'est pas vraiment nouvelle. C'est sa mise en place qui serait une vraie nouveauté. Les deux pays coopèrent déjà dans le transport aérien même si dans les hélicoptères lourds, la coopération serait semble-t-il plus limitée. La France et l'Allemagne ont effectivement lancé en 2017 la création d'un escadron de transport à Evreux composé de 130 militaires français et 150 militaires allemands et de 10 avions C-130J en vue de constituer une flotte aérienne commune en 2021.

"On relèvera en outre que l'Allemagne dispose d'un nombre conséquent de CH-53. Alors que la France ne dispose pas des ressources pour constituer une telle flotte, miser sur les capacités alliées est essentiel. L'enjeu est bien d'atteindre une autonomie stratégique raisonnée adossée aux solutions européennes", a estimé le député Républicain Jean-Jacques Ferrara dans son rapport pour avis "Préparation et emploi des forces Air" publié en octobre.

La Grande-Bretagne au secours des Français

Lors du sommet franco-britannique du 18 janvier dernier, la France a obtenu du Royaume-Uni l'engagement de trois hélicoptères lourds Chinook en appui à Barkhane dans le domaine d'un soutien logistique. Ils "nous offrent ainsi une belle capacité de transport tactique", a expliqué le général Philippe Lavigne. Selon le contre-amiral Charles-Henri Garié de la division Cohérence capacitaire de l'état-major des armées auditionné par l'Assemblée nationale en avril 2013, la France réfléchissait à une coopération plus poussée avec le Royaume-Uni. En vain, visiblement...

"Nous nous efforçons d'étendre la coopération aux moyens existants, qui peuvent se révéler complémentaires. Ainsi, les Britanniques disposent d'hélicoptères lourds Chinook, tandis que nous avons des hélicoptères de manœuvre en nombre plus important que les Britanniques. Nous espérons pouvoir, le moment venu, partager ces deux ressources", avait-il expliqué.

Fabriqué par Boeing, le CH-47D Chinook peut transporter une quarantaine de soldats ou une charge interne de plus de 8.000 kg. Avec ses deux 2 turbomoteurs Avco Lycoming T55-L-712, il est en mesure de parcourir 2.000 km, à la vitesse de croisière de 241 km/h. Ces capacités peuvent être intéressantes pour les forces spéciales françaises. Il est en service dans de nombreuses armées européennes comme le Royaume-Uni, la Belgique et les Pays-Bas.

Une lacune capacitaire bien identifiée depuis longtemps

"Les opérations conduites en Afghanistan ont mis en évidence une lacune importante dans ce domaine, a expliqué en septembre dernier le chef d'état-major de l'armée de terre, le général Jean-Pierre Bosser. Je me félicite donc que les Britanniques aient pu relever les Allemands sur le terrain avec des hélicoptères lourds. Nous n'avons pas cette capacité". En 2014, le député Républicain Christophe Guilloteau relevait que l'expression de besoins en hélicoptères lourds avait été formulée à plusieurs reprises. Quatre ans plus tard, le constat reste le même. Le député LREM Jean-Michel Jacques a noté après s'être rendu en septembre au Niger et au Mali que "le manque de capacités de transport tactique pour nos forces reste patent, en dépit du renfort bienvenu et très apprécié des Chinook britanniques".

Pourquoi la France ne comble pas cette lacune capacitaire. Principalement pour des raisons financières. Selon le général Jean-Pierre Bosser, "il s'agit d'un choix fait lors de la construction de la loi de programmation militaire. La question doit aussi être posée à l'armée de l'air qui, au cours de la construction de la LPM, avait envisagé de s'équiper d'hélicoptères lourds, qui sont très coûteux et ne sont pas nécessairement compatibles avec le modèle économique d'un pays tel que la France, alors que certains de nos alliés en disposent".