Le drone MALE européen (Eurodrone) a vraiment du mal à décoller

Par Michel Cabirol  |   |  574  mots
Les négociations entre la France et les industriels qui développent le drone MALE européen, l'Eurodrone, restent encore très tendues. (Crédits : Dassault Aviation)
Alors que la fin des négociations est prévue pour la mi-décembre sur l'Eurodrone, le bras de fer sur le prix du programme entre les industriels (Airbus, Dassault et Leonardo) et la direction générale de l'armement (DGA) reste très viril. La France ne veut pas payer plus de 7,1 milliards d'euros.

Décidément, le drone MALE (Medium Altitude Long Endurance) européen, l'Eurodrone, a dû mal à décoller. Contrairement au SCAF, le système de combat aérien du futur pour lequel Paris et Berlin ont réussi à trouver un accord. Ce qui n'est pas encore le cas pour l'Eurodrone, développé par Airbus, Dassault Aviation et l'italien Leonardo. Les négociations restent très viriles entre la DGA et Airbus. "C'est très tendu", confirme une source proche du dossier. Mais, selon le patron d'Airbus Defence & Space Dirk Hoke, rencontré la semaine dernière au salon aéronautique de Dubaï, les industriels et la DGA ont "pas mal avancé". Pas assez pour converger encore.

Une facture qui dérape

Quel est le problème ? La France, via la DGA, est "en désaccord sur les prix proposés" par les industriels, comme l'avait souligné fin septembre  Joël Barre, lors de son audition au Sénat. Le litige repose sur les écarts en matière de coût de développement. Résultat, selon le sénateur Cédric Perrin, rapporteur pour avis du programme 146 (Équipement des forces), l'Eurodrone devrait coûter à l'unité environ 200 millions d'euros. Soit le double d'un Reaper actuel. "Je suis inquiet", a d'ailleurs reconnu à la mi-octobre devant les sénateurs le chef d'état-major des armées, le général François Lecointre. Depuis ce constat, les négociations sont dures et le chemin pour converger est encore long.

Pour 21 systèmes et 63 drones, la France a fait ses calculs et la facture ne doit pas dépasser 7,1 milliards d'euros, développement compris, selon des sources concordantes. Or, les industriels n'y sont pas encore après avoir quand même frôlé les 10 milliards d'euros. Ils rappellent que la souveraineté a un prix. Ce qui agace au plus au point au sein du ministère des Armées. "La souveraineté a un prix, la France peut l'entendre, explique une source proche du dossier. Mais pas n'importe quel prix. Il est hors de question qu'en 2027 les armées disposent d'un drone MALE européen plus cher et moins performant que ce qu'elles pourraient acheter sur le marché dès aujourd'hui. Il faut que les industriels intègrent ce paramètre".

Fin des négociations mi-décembre

Le message de la France est clair mais aussi déstabilisant pour Airbus, qui doit très rapidement trouver sous la pression une solution raisonnable sans pour autant dégrader les spécifications de l'Eurodrone. Car la date-butoir se rapproche de façon vertigineuse, les négociations devant être terminées à la mi-décembre. Il n'est pas question non plus pour la France, qui estime sa demande technique très raisonnable, qu'Airbus réduise le niveau des spécifications pour rentrer dans l'enveloppe financière. Une décision politique sur la poursuite du programme ou pas sera prise au premier semestre 2020.

Comment Airbus peut-il sen sortir? La marge est étroite. Mais l'avionneur européen va devoir encore optimiser la gouvernance du programme pour minimiser les risques, et donc réduire les provisions pour risques, qui coûtent trop chères encore, ainsi que les éventuelles redondances industrielles. A Airbus, qui prend toutefois les risques en tant que maître d'oeuvre, de s'organiser. "Il n'y a pas de raison que le groupe européen ne rentre pas dans les prix du marché", assure une source proche du dossier. Pourvu que ce soit vrai...