Le futur chasseur européen (SCAF) livre son premier combat... sur le plan médiatique

Par Michel Cabirol  |   |  981  mots
Le président de la République Emmanuel Macron et la ministre des Armées Florence Parly vont dévoiler lundi une maquette du SCAF à l'échelle 1 sur un stand commun Airbus/ Dassault Aviation. (Crédits : Airbus)
La France souhaite occuper le terrain médiatique pour arrimer le SCAF dans les esprits de l'Europe et également au-delà. Paris et Berlin vont signer lors de l’inauguration du salon aéronautique du Bourget un arrangement cadre, qui va structurer le programme sur toute sa durée. Et Emmanuel Macron va dévoiler une maquette du futur avion de combat européen (NGF) à l'échelle 1.

La France ne pouvait ne pas laisser passer l'occasion du salon aéronautique du Bourget, une formidable caisse de résonance dans le monde de l'aéronautique et poitique, pour marquer les esprits sur le Système de combat aérien du futur (SCAF). Car c'est maintenant que les fondations de ce programme le plus emblématique de l'Europe de la défense, qui doit décoller à l'horizon de 2040 dans le ciel européen, doivent être blindées. Même si bien sûr le prochain contrat ne devrait être signé qu'à la fin de l'été, comme l'a révélé dans une interview accordée à La Tribune le Délégué général pour l'armement, Joël Barre. Le 53e salon du Bourget sera donc le théâtre du premier combat du SCAF... sur le plan politique et médiatique. Mais surement pas le moins important.

Il reste également encore du pain sur la planche pour l'Allemagne et la France en vue de parvenir à un accord sur les règles communes pour l'exportation du futur avion de combat européen (NGF, Next Generation Fighter). Ces règles doivent permettre d'éviter qu'un pays bloque la volonté de l'autre d'exporter des armements conçus en commun. Sans cette assurance, la viabilité de tout projet serait fragilisée, prévient Paris. "Nous n'avons pas encore complètement convergé" et "tout reste plutôt ouvert", explique-t-on dans l'entourage de la ministre. Pour l'heure, "il n'y a pas de blocage", fait-on valoir. Pour autant, l'impact du résultat des élections allemandes sur ces discussions entre la France et l'Allemagne n'ont pas encore été totalement évalué.

Le SCAF va occuper le terrain médiatique

Pour occuper le terrain face au projet concurrent britannique, le Tempest, qui tente de faire monter à bord la Suède et l'Italie, le président de la République Emmanuel Macron et la ministre des Armées Florence Parly vont notamment dévoiler ce lundi une maquette du SCAF à l'échelle 1 sur un stand commun Airbus/ Dassault Aviation. Qui aurait pu croire à un tel événement il y a à peine deux ans entre ces deux industriels souvent rivaux et aujourd'hui maîtres d'oeuvre de ce programme hors norme ? Cette opération médiatique a pour objet d'arrimer solidement les deux pays européens, Allemagne et Espagne, toujours dragués très lourdement par les Etats-Unis, qui leur proposent le F-35 pour torpiller le SCAF, symbole d'une puissance européenne. Berlin a plusieurs fois confirmé son refus d'acheter le F-35 tandis que Madrid réfléchit. Une décision espagnole en faveur de l'avion de combat de Lockheed Martin pour remplacer ses vieux F-18 serait vécue comme un véritable échec en France.

Outre la maquette révélée au monde entier et issue des bureaux d'études des deux industriels, les Etats (Allemagne, France et Espagne) et les industriels (Airbus et Dassault Aviation) partenaires du programme SCAF vont dévoiler des jalons symboliques administratifs de ce projet mais déjà connus dans le but de rassurer et de montrer que le programme avance bien. Ainsi, Florence Parly et ses homologues allemande Ursula von der Leyen et espagnole Margarita Robles, vont signer lundi un arrangement cadre sur le développement du SCAF. Cet accord engageant va structurer le programme sur toute sa durée et va confirmer la participation de l'Espagne.

Le ministère des Armées a reçu le devis des industriels

Airbus et Dassault Aviation vont de leurs côtés dévoiler deux documents : un accord Head of agreement (HoA) qui va préciser l'accord conclu l'année dernière notamment sur la gouvernance du projet. Sur les cinq piliers du projet - avion de combat, système de systèmes, propulsion, remote carrier (drones, missiles...) et simulation -, Airbus rafle trois lots tandis que Dassault Aviation s'occupera du plus plus important avec Airbus en tant que partenaire principal (NGF). Le cinquième fait encore l'objet de discussions (Safran et MTU). Le constructeur européen sera chef de file sur le système de système et la simulation avec Thales comme "partenaire principal" et, enfin, sur les remote carrier avec MBDA.

Enfin, la Direction générale de l'armement (DGA), le maître d'ouvrage du programme, va officiellement recevoir le devis des deux industriels Airbus et Dassault Aviation, qui ont réussi à s'entendre. La proposition industrielle va maintenant faire l'objet de négociations entre les deux industriels et la DGA, qui pourraient être conclues par la signature d'un contrat à la fin de l'été - en septembre -, voire à l'automne. Il portera sur l'ensemble des études nécessaires pour développer les technologies utiles pour la réalisation de ce futur système de combat aérien sur quatre des cinq piliers du programme : avion de combat, moteur, remote carriers (drones, missiles...) et simulation. Une organisation décidée par les industriels et validée par les Etats.

Emmanuel Macron à bord du MRTT

Emmanuel Macron visitera lundi le salon du Bourget pour rencontrer les acteurs de l'aéronautique, qui emploie 350.000 personnes en France, et assister à la signature du contrat-cadre du futur avion de combat franco-allemand. Le chef de l'Etat a également reçu dimanche à dîner à l'Elysée une quinzaine d'acteurs français du secteur, dont les PDG d'Airbus, Guillaume Faury, Dassault Aviation, Eric Trappier, Thales, Patrice Caine et Safran, Philippe Petitcolin, en compagnie de plusieurs ministres. Il a évoqué avec eux les défis (compétitivité, transition écologique, formation) de l'aéronautique, première filière française pour l'exportation.

Comme le veut la tradition, il se rendra lundi sur l'aéroport du Bourget, au nord de Paris, pour ouvrir le 53e salon aéronautique en arrivant à bord de l'Airbus A330 MRTT, un tanker stratégique multirôle, et en assistant à un défilé aérien auquel participe la Patrouille de France.