Loi de programmation militaire : le principe de réalité s'est imposé à Florence Parly

Par Michel Cabirol  |   |  818  mots
Tous les crédits supplémentaires vont être en très grande partie absorbés par le renouvellement des matériels, dont les deux composantes de la dissuasion nucléaire, et la remise à niveau des infrastructures, qui sont souvent dans un état lamentable. (Crédits : Reuters)
Pour bâtir la prochaine loi de programmation militaire, le ministère des Armées n'a eu finalement que peu de marge de manœuvre. Florence Parly va toutefois accélérer certains programmes comme Scorpion ainsi que les avions et pétroliers ravitailleurs.

Une loi de programmation militaire de cohérence, à défaut d'être disruptive. En dépit des crédits supplémentaires dans la prochaine Loi de programmation militaire (+ 9,8 milliards d'euros entre 2019-2025), ce ne sera pas pour autant la fête dans les armées. Ni d'ailleurs au sein du gouvernement et de l'Élysée, qui avaient très envie de dépenser dans des nouveaux programmes technologiques (drones, cyber, robots...). Et communiquer dans la foulée tous azimuts. Il n'en sera rien ou presque au final.

Peu de marge de manœuvre pour Florence Parly

Tous ces crédits supplémentaires vont être en très grande partie absorbés par le renouvellement des matériels, dont les deux composantes de la dissuasion nucléaire, et la remise à niveau des infrastructures, qui sont souvent dans un état lamentable. Des priorités fléchées depuis de longs mois déjà par les armées et difficiles à ne pas satisfaire. Cette situation a beaucoup irrité le gouvernement et provoqué quelques tensions et de la méfiance vis-à-vis des armées.

Sur les investissements, le ministère va accélérer les livraisons du programme Scorpion, des avions-ravitailleurs (MRTT) et des pétroliers ravitailleurs à double coque. Mais, en même temps, plusieurs programmes ont dû être décalés dans le temps. En particulier, le programme HIL (Hélicoptère Interarmées Léger), dont une première commande d'une dizaine d'appareils doit être notifiée en 2022 pour une livraison à partir de 2028.

Trois contrats opérationnels

Source de conflits aussi entre les armées et le gouvernement, le débat sur la hausse  des théâtres d'opération extérieure (OPEX) sur lesquels les armées peuvent s'engager. Durant le quinquennat de François Hollande, la multiplication des OPEX a été à l'origine de la surchauffe dans les armées. Ce débat a été clos par le ministère des Armées. Ce sera trois au maximum (contre deux à trois dans le Livre blanc de 2013) et c'est tout. Or l'armée française intervient déjà au Sahel (Barkhane), au Levant (Chammal) et au Liban (FINUL) comme l'a rappelé tout récemment Emmanuel Macron lors de ses vœux aux armées. Il y a peu de temps encore  le Centrafrique était considéré comme une OPEX à part entière.

Cette décision ne permet plus au Chef de l'Etat d'ouvrir le cas échéant un nouveau front. Du moins, en théorie... Limiter les théâtres opérationnels à trois permet toutefois au ministère de contenir les dépenses. Ainsi, l'Hôtel de Brienne va donc augmenter très faiblement le nombre d'avions de combat engagés dans  les OPEX. Actuellement douze avions sont prévus dans le cadre du Livre blanc de 2013 mais l'état-major des armées a dû engager au plus fort des combats plus de 20 avions en OPEX.

Une aviation de combat qui va rester en surchauffe

En dépit d'une surchauffe opérationnelle évidente (opérations extérieures, formation, surveillance du ciel français, exportation), l'armée de l'air semble être le parent pauvre de cette nouvelle LPM. Pour remplir toutes ces missions, la LPM va confirmer le nombre d'avions de combat de l'armée de l'air déterminés par le livre blanc de 2013 (180 appareils). Or, avec le nombre de contrats opérationnels en cours actuellement, les militaires estiment qu'il faudrait près de 210 avions en ligne pour les remplir. C'est niet.

Cette LPM va donc confirmer la reprise des livraisons des Rafale à l'armée de l'air en 2022. En attendant Dassault Aviation devra compter sur l'exportation pour faire tourner sa chaine de Mérignac (11 Rafale par an au minimum). C'est l'un des paris de la future LPM. C'était déjà le cas pour l'actuelle. En revanche, l'armée de l'air a été entendue pour renforcer la flotte des avions-ravitailleurs, dont le nombre de MRTT (Phénix) devrait sans doute passer à une quinzaine d'appareils. Les livraisons vont être accélérées en vue de remplacer les vieux KC-135 de Boeing, qui avaient quand même une moyenne d'âge canonique de 54,7 ans à fin 2017. La flotte des avions légers de surveillance sera également très certainement augmentée.

Marine et Armée de Terre plutôt préservées

Choyée par l'amiral Rogel, chef d'état-major particulier d'Emmanuel Macron à l'Elysée, la Marine semble être mieux la mieux lotie dans cette prochaine LPM. Outre la poursuite du programme des frégates de taille intermédiaire (FTI), elle va bénéficier d'une commande d'au moins deux patrouilleurs et d'un pétrolier-ravitailleur supplémentaires (quatre au total, dont le dernier exemplaire sera commandé hors LPM, au lieu de trois) ainsi que la rénovation d'Atlantique 2 en plus. Quant à l'armée de Terre, elle a obtenu des commandes supplémentaires, notamment plus de 50 Jaguar et plus d'une centaine de Griffon.