Politique spatiale : guerre des chiffres entre les industriels et Bercy

Par Michel Cabirol  |   |  507  mots
Sur les trois scénarios financiers actuellement en débat (3,1 milliards d'euros de nouveaux engagements, ou 2,8 milliards ou, enfin, 2,1 milliards, selon des sources concordantes), Bercy veut lâcher le moins de crédits possibles.
Les industriels tricolores demandent à l'Etat français 3,1 milliards d'euros de nouveaux engagements sur la période 2020/2022 lors de la réunion ministérielle de l'ESA en novembre. Bercy ne veut lâcher que 2,1 milliards. Une guerre de chiffres qui traduira le niveau d'ambition de la France en Europe dans le domaine spatial.

A quelques mois de la conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (ESA) prévue en novembre, la France doit rapidement construire sa stratégie spatiale pour les trois prochaines années (2020/2022). Pourtant, la réunion du Cospace (pouvoirs publics et industriels) prévue début juin pour définir une stratégie commune a été reportée (en septembre ?) en raison de l'absence du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire. En clair, les pouvoirs publics (Bercy, Armées et Recherche), le CNES et les industriels doivent se mettre le plus rapidement d'accord sur l'ambition financière de la France au sein de l'ESA, et, au-delà, en Europe. On en est loin, très loin malheureusement. Aujourd'hui, c'est même carrément la soupe à la grimace chez les industriels.

Bercy veut le scénario financier le moins cher

Sur les trois scénarios financiers actuellement en débat (3,1 milliards d'euros de nouveaux engagements, ou 2,8 milliards ou, enfin, 2,1 milliards, selon des sources concordantes), Bercy veut lâcher le moins de crédits possibles. Soit 2,1 milliards d'euros. Ce qui correspond à l'actuelle trajectoire financière. C'est d'ailleurs ce que devrait dire  lundi le ministre de l'Action et des Comptes publics Gérald Darmanin à la ministre de la Recherche, Frédérique Vidal, en charge de l'espace si la réunion est maintenue. Une base de négociations qui est inadmissible, affirment les industriels soutenus par le CNES. Ils ont d'ailleurs refusé de détailler ce scénario programme par programme et ont entamé un bras de fer. Ils comptent fermement sur la volonté de la ministre pour faire défendre la filière.

Car avec 2,1 milliards d'euros, le compte n'y est vraiment pas. "Avec ce montant de crédits, nous allons nous partager seulement 100 millions d'euros d'argent frais pour lancer de nouveaux programmes, notamment de R&D, explique un industriel. Il manque 1 milliard d'euros sur la période". En flux annuel sur la période 2020/2022, ce montant représente un peu plus de 300 millions d'euros à se partager à parts égales entre la filière lanceur et celle des satellites. Le reste financera tous les programmes déjà lancés et 300 millions d'euros serviront en 2020 à résorber la dette du CNES à l'ESA. Avec 3,1 milliards de nouveaux engagements, la filière spatiale française s'en sort tout en faisant des priorités tandis qu'avec 2,8 milliards, les équipementiers risquent de souffrir au contraire des maîtres d'oeuvre. En conséquence, se joue ni plus, ni moins la future place de la France dans l'Europe spatiale.

"C'est normal que la France souhaite avoir un rôle de leader, a assuré la ministre Frédérique Vidal dans une interview accordée à La Tribune. Maintenant, il y a plusieurs grandes nations spatiales en Europe, notamment la France, l'Allemagne et l'Italie qui, à elles trois, contribuent à 85 % du budget d'Ariane 6. Il est crucial pour la France de rester un acteur majeur du spatial européen, et c'est tout aussi important que nos partenaires, Commission européenne comme États membres, restent fortement impliqués dans le spatial".