Pourquoi l'Etat va "nationaliser" Areva TA

Par Michel Cabirol  |   |  847  mots
La finalisation de l'opération (closing) pourrait être signée fin 2016, début 2017.
Le ministère de la Défense voulait à tout prix sécuriser les activités militaires de souveraineté nationale d'Areva TA.

Pour le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, il fallait sauver le soldat Areva TA. Cette réflexion, qui a démarré il y a deux ans, s'est en fait accélérée ces huit derniers mois avec le démantèlement annoncé en juillet d'Areva. Avant même de penser "nationaliser" cette activité, l'Hôtel de Brienne exigeait déjà une refonte de la gouvernance tout en resserrant ses liens avec Areva TA, une entreprise clé pour la souveraineté française (propulsion nucléaire des sous-marins et du porte-avions Charles-de-Gaulle). Ni plus, ni moins.

Une activité de souveraineté nationale

Pourquoi cette volonté de mieux contrôler Areva TA, qui conçoit et assure la maintenance des réacteurs nucléaires de propulsion navale? Parce que, juge-t-on dans l'entourage du ministre, Areva TA était mal pilotée en raison d'une gouvernance trop dispersée du fait d'une multiplicité de comités mis en place par Areva. Surtout, au ministère, on estimait que la difficile diversification d'Areva TA dans les réacteurs de recherche faisait "peser un risque sur une activité de souveraineté". Notamment la dérive financière du programme réacteur Jules Horowitz (RJH), dont la facture pourrait s'élever jusqu'à 1,2 milliard d'euros, voire 1,5 milliard au lieu de 600 millions initialement prévus.

Pour ces deux raisons, "il fallait que la défense reprenne pied" dans Areva TA, assure-t-on dans l'entourage de Jean-Yves Le Drian. Et l'hôtel de Brienne commence à partager cette réflexion avec d'autres ministères en estimant qu'il y a "un sujet". Puis ce dossier important devient au fil de 2015 avec la restructuration d'Areva et de la filière nucléaire un dossier urgent pour la défense.

Un groupe de travail interministériel

En mai, un groupe de travail est lancé par Jean-Yves Le Drian pour décider de l'avenir d'Areva TA. Il est présidé par le directeur de cabinet du ministre, Cédric Lewandowski, et comprend des membres de l'Élysée, de Matignon, des ministères de l'Économie et des Finances, de la Défense, de l'APE (Agence des participations de l'État), du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ainsi que des groupes concernés (Areva, EDF, DCNS). Enfin, le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) assure quant à lui la coordination du projet dans un cadre interministériel.

Tous les scénarios ont été étudiés par le groupe de travail : Areva TA reste dans la nouvelle Areva, ou rejoint DCNS ou le CEA ou EDF, ou, encore, devient une entité autonome. Au final, le groupe de travail décide en juillet de "nationaliser" Areva TA. L'État, qui veut le contrôle de cette entreprise va acquérir auprès d'Areva 50% plus 1 action ou 51%, selon les dernières hypothèses. DCNS monte quant à lui à 20% (au lieu de 6,7% actuellement) tandis et le CEA prend une participation de 20%. Enfin, EDF reste à 10% ou descend à 9%.

En outre, il est décidé de ne pas découper Areva TA entre les activités de défense (200 millions d'euros de chiffre d'affaires) et de recherche (150 millions d'euros). Sur les 1.500 salariés, environ 500 travaillent aussi bien dans le civil que dans le militaire. Soit une "trop grande imbrication" de ces deux activités pour faire un "détourage" satisfaisant, assure-t-on. Et puis, au ministère, on ne veut pas non plus créer "un arsenal dans la propulsion nucléaire. Notre intuition était que la diversification pouvait amener pour les salariés des parcours de carrière plus intéressants".

"Areva TA sera préservée en tant que telle. Elle ne fait pas partie de la redistribution en cours - je m'y suis opposé. La participation de l'État restera significative, ainsi que celle des autres partenaires concernés, dont le CEA et DCNS. Cela a été arbitré au plus haut niveau de l'État", avait expliqué en septembre à l'Assemblée nationale Jean-Yves Le Drian.

Une cession prévue fin 2016

Matignon validera cette décision "consensuelle" en décembre après un travail réalisé entre octobre et début décembre par le SGDSN portant sur la future gouvernance de la société. Areva TA aura douze administrateurs, dont la moitié représentera l'État (6), un tiers les salariés (4) et le reste DCNS et le CEA (un administrateur chacun). Le ministère de la Défense propose de maintenir à sa place l'actuelle PDG, Carolle Foissaud. Enfin, Bercy n'a pas encore terminé le travail de valorisation d'Areva TA, qui dépend des nouvelles pertes de RJH et de la trésorerie que laissera Areva. Bref, Areva TA vaut entre zéro et 500 millions d'euros.

Début janvier, Areva va officiellement lancer un processus d'information et consultation pour les salariés. La cession pourrait intervenir fin 2016 simultanément à l'opération Areva NP avec EDF. De son côté, l'État va travailler sur le modèle économique de la future Areva TA. La finalisation de l'opération (closing) pourrait être signée fin 2016, début 2017.