Pourquoi le choix du nouveau patron d'Airbus DS surprend

Par Michel Cabirol  |   |  712  mots
Le président exécutif d'Airbus Group, Tom Enders (ici, en février dernier, lors de la revue annuelle, à Munich), a choisi Dirk Hoke en tant que patron de la division défense et espace
Tom Enders a choisi de confier les clés de la division Défense et Espace à un haut dirigeant de Siemens, Dirk Hoke, spécialisé dans le transport ferroviaire.

Le choix de Tom Enders pour remplacer le patron d'Airbus Defence and Space, Bernhard Gerwert, a de quoi surprendre. Le président exécutif d'Airbus Group n'avait pas habitué les observateurs du groupe à ce type de décision très (trop?) classique. Non qu'il faille remettre en cause les qualités du futur président exécutif de la division Défense et Espace d'Airbus Group, Dirk Hoke, qui arrivera le 1er janvier prochain à la tête d'Airbus DS avant de prendre les rênes opérationnelles le 1er avril. Ce sont plutôt les signaux que cette nomination envoie en interne. Lesquels signaux peuvent finalement dénoter par rapport à la stratégie poursuivie par Tom Enders.

La "compliance", un cheval de bataille de Tom Enders

Au moment où Tom Enders est en train de revoir drastiquement les règles de la "compliance" (conformité des contrats et des affaires) de son groupe, il recrute un haut dirigeant de Siemens, un groupe qui n'a pas toujours été très à cheval sur ce thème-là... même si, semble-t-il, des progrès ont été réalisés depuis l'énorme scandale qui a traversé le groupe allemand entre 2006 et 2008.

Dans le cadre de cette affaire, un ancien cadre dirigeant de Siemens a plaidé coupable, fin septembre devant un tribunal américain, de participation à un dossier de corruption de responsables argentins lors d'un appel d'offres public. Il est le premier de tous les accusés à comparaître devant la justice des Etats-Unis, une résurgence de ce scandale qui n'arrive pas au bon moment.

Plus récemment, en mai dernier, l'agence Reuters révélait que les autorités chinoises avaient enquêté en 2014 pour tenter de déterminer si la division santé de Siemens et ses distributeurs avaient corrompu des responsables d'hôpitaux pour faciliter la vente de matériel médical.

En tout cas, le passage de Dirk Hoke dans certains pays comme la Chine, l'Afrique du Sud, l'Argentine notamment, a dû lui donner une très forte expérience dans le domaine de la "compliance".

La "digitalisation" au cœur de la stratégie de Tom Enders

Tom Enders, un "fana" de la Silicon Valley, ne jure en ce moment que par la digitalisation de son groupe. Il a d'ailleurs emmené fin avril l'ensemble du comité exécutif d'Airbus Group dans la Silicon Valley pour s'imprégner des valeurs créatrices de l'Amérique et de la notion d'échec, qui est là-bas permise.

Alors que l'on aurait pu penser que son choix se porterait plutôt sur un dirigeant personnalisant une telle rupture, il en a choisi un très classique au vu de son parcours. Diplômé en génie mécanique de l'Université technique de Brunswick, Dirk Hoke (46 ans) était jusqu´alors directeur général de la division Large Drives de Siemens AG. Ce qui n'est pas à proprement parler un dirigeant de la nouvelle économie... à l'image d'un Greg Wyler, le fondateur de la start-up OneWeb.

Enfin, la devise d'Airbus Group, "We make it fly", ne colle pas complètement avec le parcours de Dirk Hoke. Selon le communiqué annonçant sa nomination, ses principaux domaines d'activité chez Siemens ont été les systèmes de transport, dont la construction du train Maglev à Shanghai, tout en faisant de Siemens le plus grand fournisseur étranger de systèmes ferroviaires en Chine. Loin, très loin de ce qui vole...

Mais, ce qui compte en définitive, c'est que Tom Enders croit en Dirk Hoke, lequel aura, entre autres, le redoutable privilège de piloter le programme A400M et de gérer les difficultés des grands programmes de surveillance de frontières gagnés par Airbus Group en Roumanie et en Arabie Saoudite, notamment.

"Dirk possède un brillant palmarès en terme de création et de développement d'activités sur quatre continents, et une forte expérience des industries high-tech, de l'ingénierie et de la gestion de projets, des services à forte valeur ajoutée et de la digitalisation, a expliqué Tom Enders dans le communiqué d'Airbus Group. En clair, un manager dont l'expérience est parfaitement adaptée à un monde et un environnement commercial qui s'accélère plus que jamais dans toutes les dimensions".