Que veut la Suisse en matière d'aviation de combat et de défense sol-air ?

Par Michel Cabirol  |   |  1302  mots
La Suisse a sélectionné aux évaluations d'avions de combat l'Allemagne (Airbus: Eurofighter), la France (Dassault Aviation: Rafale), la Suède (Saab: Gripen E) ainsi que les États-Unis (Boeing: F/A-18 Super Hornet ; Lockheed-Martin: F-35A) (Crédits : Dassault Aviation)
La Suisse va consacrer 8 milliards de francs suisses (6,83 milliards d'euros) pour renouveler son aviation de combat et sa défense sol-air. La France est sélectionnée dans les deux compétitions (Dassault Aviation d'un côté et MBDA/Thales de l'autre).

C'est reparti pour un grand barnum en Suisse. Berne a fait un pas de plus pour deux nouveaux appels d'offres portant sur le renouvellement de la flotte d'avions de combat de l'armée de l'air suisse et l'achat d'un nouveau système de défense sol-air. La Suisse devrait sélectionner l'avionneur fin 2020 tandis que le fabricant du système de défense anti-aérienne le sera "probablement" en 2020. Ces deux projets d'acquisition seront soumis au Parlement en 2022.

Mais à l'image de la votation populaire (référendum) de 2014 qui avait annulé l'acquisition des Gripen, le nouvel appel d'offres est également sous cette même menace. La Suisse a souhaité le 9 mars dernier donner à ses citoyens la possibilité de se prononcer sur l'acquisition de ces deux nouveaux système d'armes en présentant le programme Air2030 au Parlement sous la forme d'un arrêté de planification, qui sont sujets à ce type de référendum. Le scrutin référendaire est attendu au printemps 2020.

La France sélectionnée dans les deux appels d'offres

Pour l'heure, la Suisse a invité plusieurs pays et industriels à participer aux évaluations de l'armée suisse. "Dans la mesure du possible, les avions de combat évalués seront pilotés par des pilotes suisses lors des essais en vol", a expliqué le DDPS. Pour le prochain avion de combat, le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a sélectionné l'Allemagne (Airbus: Eurofighter), la France (Dassault Aviation: Rafale), la Suède (Saab: Gripen E) ainsi que les États-Unis (Boeing: F/A-18 Super Hornet ; Lockheed-Martin: F-35A). La livraison des avions de combat est attendue entre 2025 et 2030.

S'agissant de la défense sol-air, le DDPS a choisi la France (le consortium Eurosam composé de MBDA et de Thales: SAMP/T), Israël (Rafael: David's Sling) et les États-Unis (Raytheon: Patriot). Par ailleurs, la Suisse a précisé que qu'il n'était pas spécifié que les deux systèmes doivent être acquis auprès du même pays ou de pays différents

Selon le DDPS, il n'est "pas encore possible" de déterminer comment le volume financier de 8 milliards de francs (6,83 milliards d'euros) prévu par le Conseil fédéral se répartira entre avions de combat et défense sol-air. "Cette répartition dépendra du type d'avion et du système de défense sol-air finalement acquis", a précisé le DDPS. En clair, plus la défense sol-air sera puissante, plus petit sera le nombre d'avions nécessaires, et inversement. En outre, la Suisse ne souhaite pas une helvétisation des systèmes d'armes achetés. "Les systèmes (avions de combat et système de défense sol-air) doivent fondamentalement correspondre à la configuration qui est autorisée à l'exportation et qui est en service ou sera introduite dans le pays producteur", a expliqué le DDPS.

Que veut la Suisse en matière d'avions de combat et de défense sol-air

Pour convaincre les Suisses, les fabricants d'avions de combat en compétition devront présenter un appareil capable d'assurer 24 heures sur 24 tous les jours des missions de police aérienne et d'imposer les restrictions d'utilisation de l'espace aérien suisse. Les avions de combat devront, lors de périodes de tensions, intervenir dans un délai de quelques minutes en cas de violation de l'espace aérien par des avions civils non coopératifs, des avions militaires de transport, des drones et des avions de combat isolés pénétrant dans l'espace aérien. En situation de défense, ils devront empêcher en combinaison avec la défense sol-air, un adversaire, pendant une durée limitée, d'obtenir la supériorité aérienne.

Par ailleurs, la taille de la flotte doit permettre en situation normale d'assurer le service journalier de police aérienne ainsi que l'instruction et l'entraînement. Lors de tensions accrues, au moins quatre avions de combat devront maintenir une présence permanente dans les airs pendant au moins quatre semaines. Enfin, en cas d'attaque, ils devront être capable, parallèlement à l'accomplissement de tâches de défense aérienne, d'assurer des missions de reconnaissance aérienne et de frappe sur des objectifs au sol.

La défense sol-air de grande portée doit être en mesure, seule ou en combinaison avec les avions de combat, de protéger des secteurs et, ce faisant, de combattre en premier lieu des objectifs dans l'espace aérien moyen ou supérieur. "La surface à couvrir doit être de 15.000 km2 au moins", a précisé le DDPS. Le système doit disposer d'une grande portée, c'est-à-dire atteindre une altitude d'engagement de plus de 12.000 mètres et une portée supérieure à 50 km. En revanche, la capacité de défense contre des missiles balistiques ne constitue pas une exigence. Enfin, l'avionneur et le fabricant du système sol-air choisis devront dimensionner l'approvisionnement en pièces de rechange pendant six mois environ si celui-ci ne peut plus être garanti en raison de frontières fermés.

Des offsets représentant 100% du prix d'achat demandés

Pour l'acquisition des avions de combat et de la défense sol-air de grande portée, des offsets (contreparties) représentant 100% du prix d'achat "doivent être exigées", a affirmé le DDPS. La mise en œuvre des offsets interviendra après la signature du contrat. "Les affaires compensatoires éventuellement générées auparavant peuvent être prises en compte jusqu'à 20% du volume total des affaires compensatoires (Offset-Banking-Agreements)", a expliqué le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports. Au total, 60% des offsets doivent revenir auprès de l'industrie suisse assurant la base technologique et industrielle importante pour la sécurité et 40% auprès du reste de l'industrie.

En outre, la Suisse a également demandé aux participants d'intégrer le groupe helvète Ruag dans leur offre. Pour le prochain avion de combat, le groupe suisse sera désigné comme centre de compétences pour le matériel (CCM) au lancement du projet. Il réalisera les tâches, non dévolues à l'armée suisse, concernant le suivi technique du système, la gestion du matériel entre la Suisse et l'étranger et la maintenance des avions. "L'étendue et le degré de profondeur des tâches que devra accomplir Ruag seront déterminés dans le cadre de l'évaluation",  a précisé le DDPS. Pour le nouveau système de défense sol-air, il est "en principe souhaitable" que Ruag assume la fonction de CCM pour autant que le fabricant du système retenu ne dispose pas d'activités en Suisse.

Quels critères de sélection?

Pour sélectionner les industriels, la Suisse met en œuvre des critères d'évaluation très classiques comme l'efficacité des systèmes (efficacité opérationnelle, autonomie à l'engagement, etc....). Elle prendra également en compte le support pour le produit (facilité de la maintenance, autonomie du support, etc...), la coopération (collaboration militaire pour l'instruction, par exemple l'utilisation de l'espace aérien, de bases aériennes et de places de tir, d'infrastructure de simulation, de même que coopération avec le fournisseur, le gouvernement du pays producteur pendant l'utilisation des avions de combat en matière de maintenance, de gestion des pièces de rechange, de développement...).

Enfin, la Suisse évaluera la participation industrielle directe ou programme industriel (étendue et qualité). Surtout, elle prendra en compte aussi bien les coûts d'acquisition des systèmes que les coûts d'exploitation pendant une durée d'utilisation de 30 ans. En revanche, elle ne prendra pas en compte les coûts des éventuels programmes de modernisation ou de maintien de la performance ainsi que les frais de mise hors service.