Sous-marins norvégiens : décision imminente d'Oslo

Par Michel Cabirol  |   |  918  mots
DCNS propose déjà un Scorpène survitaminé (2.000 tonnes, contre actuellement 1.700 tonnes), qui sera équipé des dernières technologies du Barracuda.
C'est le sprint final pour DCNS et ThyssenKrupp Marine Systems en compétition pour vendre six sous-marins à la Norvège.

La décision est proche, très proche. La Norvège va choisir avec quel industriel - DCNS ou ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) -, elle souhaite entrer en négociations exclusives ("prefer bidder") en vue de signer un contrat d'acquisition de six sous-marins, dont deux en option, un programme évalué à quatre milliards d'euros. Il semblerait qu'Oslo ne veuille plus continuer avec les deux fournisseurs jusqu'à la décision finale pour concentrer ses forces, notamment humaines, sur un seul projet sans pour autant écarter définitivement le perdant. La Norvège pourrait donc annoncer d'ici à la fin du mois de février sa sélection. Ce serait même, pour certains observateurs, une question de jours.

Qui va décider ? Un très petit cercle de trois à quatre personnes, dont deux femmes, la Première ministre Erna Solberg et sa ministre de la Défense, Ine Marie Eriksen Søreide, ainsi que le patron des acquisitions souveraines (défense, sécurité, grands projets). Avec son grand voisin très encombrant la Russie, la Norvège, qui a mis en service l'année dernière son nouveau bâtiment collecteur de renseignements, le Marjata IV, va commander cette année de nouveaux sous-marins pour remplacer les six Ula (type 210 allemand) mis en service entre 1988 et 1991.

Du 50-50 entre DCNS et TKMS

Entre les deux rivaux, la compétition a été âpre, dure et extrêmement serrée. Surtout depuis la gifle rentissante de TKMS en Australie, qui a sélectionné fin avril 2016 le Shortfin Barracuda de DCNS. En dépit de l'agressivité commerciale des Allemands en Norvège, considérée comme une de ses chasses gardées par le groupe de Kiel et la marine allemande, DCNS aurait surmonté son retard même si l'Allemagne a frappé un grand coup en sélectionnant le missile NSM (Naval Strike Missile) du norvégien Kongsberg pour les corvettes K130 de la marine.

Les deux concurrents seraient au coude-à-coude (50-50) dans le sprint final, explique-t-on à La Tribune, alors qu'à l'automne, DCNS apparaissait décroché. Le groupe naval tricolore a effectué un gros travail technique et opérationnel pour rester dans le sillage de TKMS. Le Premier ministre Bernard Cazeneuve rencontre mardi la Première ministre nourvégienne à Paris.

Les atouts de DCNS

Dans cette compétition, DCNS fait figure d'outsider face à TKMS, la marine norvégienne étant culturellement proche de l'Allemagne. Surtout le chantier allemand a fabriqué puis entretenu les sous-marins des Norvégiens mais avec un maintien en condition opérationnel assez faible. TKMS entretient une certaine proximité avec l'état-major de la marine norvégienne. "La Norvège et l'Allemagne entretiennent une coopération couronnée de succès", avait expliqué en mars 2016 dans un communiqué le ministère de la Défense norvégien.

Mais DCNS dispose de réels atouts que la Norvège ne peut balayer d'un revers de main. Le groupe propose déjà un Scorpène survitaminé (2.000 tonnes, contre actuellement 1.700 tonnes), qui sera équipé des dernières technologies du Barracuda. Une très belle offre technique. Surtout à l'image des États-Unis et de la Grande-Bretagne, la France possède une vraie supériorité stratégique dans l'équation acoustique, y compris quand le sous-marin navigue à vitesse moyenne. Ce qui n'est pas le cas des Allemands. C'est d'ailleurs en partie pour cela que DCNS a remporté son éclatante victoire en Australie. La marine nationale, qui dispose d'une plus grande expérience, a l'habitude de faire la guerre. Une supériorité acoustique qui sera nécessaire aux Norvégiens pour surveiller leur très vaste zone d'influence dans le Grand nord.

Par ailleurs, DCNS développe sur son site de Nantes-Indret un nouveau système de propulsion anaérobie (AIP, ou Air Independent Propulsion), qui va "tripler les capacités du sous-marin Scorpène en plongée", assure Hervé Guillou. Il a déjà été qualifié à terre. C'est l'une des nouvelles armes du Scorpène. Son AIP va utiliser le même combustible que celui de la propulsion du sous-marin. "Cela va permettre d'adapter en permanence la mission du sous-marin en fonction des besoins opérationnels" de la marine royale norvégienne, avait expliqué en novembre dernier le PDG de DCNS Hevé Guillou, qui estime que les batteries au lithium ne sont pas encore une technologie mature. Et donc, elles ne sont pas sures dans un sous-marin qui exige un maximum de sécurité.

Une coopération franco-norvégienne opérationnelle exemplaire

DCNS souhaite également capitaliser sur son expérience dans le soutien, notamment dans l'entretien et la disponibilité des navires de guerre. Selon Hervé Guillou, la marine nationale utilise 240 jours par an ses sous-marins alors que la Norvège ne peut employer ces bâtiments de fabrication allemande que 100 jours par an. Enfin, la Norvège peut s'appuyer sur la marine nationale, une marine de premier rang, qui a elle aussi des missions dans le cercle arctique.

La coopération entre la Norvège et la France est d'ailleurs exemplaire, autant sur le plan opérationnel, avec des escales régulières de bâtiments français en Norvège et des exercices militaires communs, que politique et stratégique, avec des positions très proches sur les grandes questions internationales. Ainsi, fin février, quelque part en mer de Norvège, le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) Casabianca a retrouvé le sous-marin norvégien Utstein pour deux jours d'entrainement opérationnel. Un exercice qui a renforcé la coopération entre deux forces sous-marines alliées.