Sylvie Goulard, l'inattendue ministre des Armées

Par Michel Cabirol  |   |  855  mots
Européenne convaincue, Sylvie Goulard arrive dans un ministère des Armées accompagné d'un certain scepticisme. Pour se faire respecter, elle devra montrer qu'elle en impose en interne mais surtout à l'extérieur pour défendre les militaires.

Nathalie Kosciusko-Morizet voulait à tout prix le poste, Sylvie Goulard l'a finalement eu à la suprise générale, et notamment des militaires, qui sont déjà inquiets de son arrivée à l'Hôtel de Brienne. Après la très chiraquienne Michèle Alliot-Marie, l'eurodéputée de 52 ans devient la deuxième femme à devenir ministre des Armées et succède à Jean-Yves Le Drian, qui a quasiment tout réussi au ministère de la Défense. C'est donc pour elle une mission très difficile que de faire aussi bien que son prédécesseur. Lui qui avait su gagner assez rapidement le respect des militaires, des industriels de la défense...

Sylvie Goulard arrive dans un ministère dur et très éprouvant en raison du temps passé loin de Paris. Jean-Yves Le Drian, qui a fait plusieurs tours du monde, a fini son quinquennat épuisé. Contrairement à elle, il s'y était pourtant préparé de longs mois. Elle devra être souvent aux côtés des militaires engagés dans des opérations extérieures très intenses. Ce sont des expériences qui changent souvent les femmes et les hommes politiques qui prennent leur quartier à l'Hôtel de Brienne.

Un ministère de combat

C'est aussi un ministère de combat. Pourquoi ? Parce qu'un bon ministre est jugé sur sa capacité à avoir un bon budget et surtout à le défendre, chaque jour, face à la guérilla de Bercy toujours prêt à effacer d'un coup de décret des budgets pourtant votés par les parlementaires. C'est donc crucial pour les militaires d'avoir un "patron" qui en impose à Bercy et qui a l'oreille du président de la République pour obtenir des arbitrages favorables. Car les soldats ont le droit de disposer du meilleur équipement possible lors des opérations extérieures, cela ne souffre d'aucune discussion.

Là est toute la question concernant Sylvie Goulard, qui n'a rejoint le mouvement En Marche qu'en septembre 2016. A-t-elle (ou aura-t-elle) cette proximité et cette amitié avec Emmanuel Macron à l'image du couple formé durant cinq ans par François Hollande et Jean-Yves Le Drian ? Elles avaient permis au ministre de la Défense de gagner la quasi-totalité de ses arbitrages face à Michel Sapin, pourtant lui aussi ami de 30 ans de l'ancien président, et aux premiers ministres de l'Économie du quinquennat de François Hollande.

L'Europe oui, mais pas au détriment des intérêt français

Sylvie Goulard est une Européenne convaincue. Emmanuel Macron aussi. Mais le nouveau président recommande toutefois dans son programme de défense "une politique de réindustrialisation de défense et de mieux sécuriser nos approvisionnements, pour garantir l'autonomie stratégique de la France". Bref, oui à l'Europe mais pas jusqu'au détriment des intérêts industriels et opérationnels de la France. Les militaires ne veulent d'ailleurs pas d'une ministre des Armées "béate" face à l'Europe. Car la France a beaucoup donné au fil du temps pour réussir l'Europe de la défense ou spatiale et a peu reçu en contrepartie. Il faudra y regarder à deux fois avant de lancer par exemple un "Airbus du naval". Car la France dispose d'une industrie de l'armement forte. Il n'est pas question de l'affaiblir pour réussir à tout prix une Europe de la Défense.

L'ambition de toujours de Sylvie Goulard a été de réformer l'Europe. "La défense et la sécurité, la monnaie et l'immigration" sont les "trois champs" à explorer de toute urgence, en plus du marché unique, avait-elle expliqué en septembre dernier à La Tribune. Le message d'Emmanuel Macron sur l'Europe (nomination de Sylvie Goulard, ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, ministère chargé des Affaires européennes) a été reç "fort et clair" par les les militaires. "Mais comment cela va-t-il se traduire concrètement?", s'interrogent-ils. La volonté française en matière d'Europe ne doit pas se traduire par une dilution et une lenteur dans les prises de décisions politiques au niveau des opérations des forces armées.

Un ministère des Armées?

Il est sûr que le ministère des Armées ne peut pas être un ministère d'expérimentation, tant les enjeux de souveraineté sont vitaux pour la défense de la France. D'autant que la dénomination du ministère a changé, passant de ministère de la Défense à celui des Armées, qui traduit une sémantique plus volontariste. Faut-il comprendre que Sylvie Goulard n'aura pas en charge certains domaines comme l'industrie de la défense et, donc, la direction générale de l'armement, voire le secrétariat général pour l'administration (SGA)? Il faudra attendre les décrets d'application pour connaître de façon plus précise le périmètre du nouveau ministère...

Ce qui est sûr, selon nos informations, Jean-Yves Le Drian ne lâche pas les exportations d'armement. Du Quai d'Orsay, plateforme de la diplomatie économique de la France, il va piloter l'action des industriels français à l'international. Une chance en moins de briller pour Sylvie Goulard.