Sylvie Goulard, une Européenne pressée

L'eurodéputée a appelé son dernier livre "Goodbye Europe". "Goodbye" ? Nostalgie ?... Impatience plutôt.
Florence Autret
Son réseau laisse sans voix. Romano Prodi est resté un ami. Mario Draghi, le président de la BCE, l'est devenu. (...) Avec Mario Monti, elle a commis l'immodeste De la Démocratie en Europe. Robert Badinter a préfacé un de ses livres. Sylvie Goulard est de tous les think-tanks.

L'eurodéputée de 51 ans, qui siège depuis 2009 dans le groupe libéral, a fait de l'Europe son destin. Énarque à la carrière atypique, elle est « entrée » à Bruxelles en 2001 comme conseillère de Romano Prodi, après une décennie au Quai d'Orsay, qu'on devine interminable. C'est une femme à la fois pressée et patiente, qui choisit ses combats, comme lorsque, en 2006, elle se fait élire présidente du Mouvement européen-France, face à... Pierre Moscovici. Le ténor socialiste deviendra ministre des finances puis commissaire européen. Elle restera députée sur une liste Modem.

« Je ne suis qu'un fantassin », dit-elle.

On soupçonne qu'elle le déplore.

Mais quelle liberté !

Sa bibliographie ressemble à une série de coups de colère où la raison le dispute à la passion. « C'est un livre de mère de famille », dit-elle de son dernier opus. En 2013, dans L'Europe : amour ou chambre à part ?, elle brodait déjà la métaphore familiale. Familiale ou amoureuse. Six ans plus tôt, dans Le Coq et la Perle, elle expliquait comment les dirigeants étaient en train de dilapider l'héritage des pères fondateurs. "L'Europe n'est plus faite", écrivait-elle. L'année suivante, elle les invitait à Cultiver notre jardin européen. Depuis Le Grand Turc et la République de Venise, en 2004, où elle expliquait à quel point l'adhésion de la Turquie serait une folie, cinq autres livres sont nés, sans compter la somme, plusieurs fois rééditée, de L'Europe pour les Nuls.

Les enfants (trois) ont grandi. Son ambition aussi. Faire chambre à part, c'est exactement ce en quoi consiste le deal scellé en février avec David Cameron. Il n'en fallait pas plus pour ranimer le désir d'écrire. Avant le fond - elle considère certaines demandes britanniques justifiées -, c'est la manière qui l'insupporte.

« On aurait dû bouger après le discours de janvier 2013 », dit-elle, quand le Premier ministre britannique a annoncé le référendum et posé les conditions du maintien du Royaume-Uni dans l'Union.

Il fallait « aborder la négociation avec un agenda différent ». Un agenda et surtout une ambition qui aurait été de réformer l'Europe, mais pour tout le monde. « La défense et la sécurité, la monnaie et l'immigration » sont les « trois champs » à explorer de toute urgence, en plus du marché unique. À quoi s'ajoutera sous peu « la laïcité ».

Un fantassin en mouvement, qui parle, bouge, écrit

Des livres comme des SMS. Capable de passer du « tu » au « vous » , comme dans les chansons de Jane Birkin, de paraphraser Alain Souchon : « C'était mieux quand c'était toi. »

On l'imagine avoir fredonné : « Il serait, temps, temps, temps, que l'Europe se fasse. Elles sont cuites, cuites, cuites, vos vieilles chaussures. »

Les siennes sont des ballerines noires plates, façon Audrey Hepburn ou Inès de la Fressange, sur jupe droite noire, trop large, et veste à la coupe impeccable. Depuis mars, elles l'ont emmené de Berlin à New York, de Francfort à Londres et Amsterdam. Et en Italie, bien sûr.

« Il y a peu de députés qui puissent faire une conférence en anglais, en italien ou en allemand », relève son assistante, Heather, à laquelle "Goodbye" est dédié.

Ses meilleurs ennemis au Parlement la disent « trop » proche des banques, hautaine, insuffisamment patriote. Son réseau laisse sans voix. Romano Prodi est resté un ami. Mario Draghi, le président de la BCE, l'est devenu.

Avec Mario Monti, elle a commis l'immodeste De la Démocratie en Europe. Robert Badinter a préfacé un de ses livres. Elle est de tous les think-tanks. Quand elle n'est ni à Bruxelles ni ailleurs, elle retrouve son mari, conseiller d'État, dans le VIIe arrondissement de Paris ou à Aix-en-Provence, dans leur maison de campagne, d'où elle s'échappe pour une réunion publique à Cavaillon.

« Quarante pourcents de vote FN », dit-elle. Elle n'en peut plus de voir que « la France est dans une contradiction terrible, qui consiste à dire que l'Europe ne va pas bien mais qu'il ne faut pas changer les traités. »

« Il est temps, temps, temps que l'Europe se fasse », fredonnait Souchon. Elle aussi, certainement.

Florence Autret

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Commentaires 6
à écrit le 28/05/2016 à 23:21
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Cette ..grande dame n' a pas du lire/entendre François ASSELINEAU, pour la compréhension du seul sujet qui prévaut et qui est, qui gouverne l' Europe et pourquoi elle ne fonctionnera jamais dans l' intérêt des européens, dommage c' eût été un pré...

à écrit le 28/05/2016 à 9:38
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Sa doctrine libérale est parfois en désaccord avec son honnêteté fonciére , comment fait elle pour vivre cette ambivalence ? Mais d accord pour dire qu elle rehausse la politique .

le 29/05/2016 à 10:34
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Doctrine libérale et honnêteté, ne trouvez-vous pas que quleque chose peine à s' associer dans votre postulat ?

le 29/05/2016 à 15:11
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Vous avez certes raison et il ne vous a pas échappé que j associe le mot ambivalence pour tout en restant courtois faire ressortir le coté égoïste du libéralisme . Le postulat n à rien à faire dans mon commentaire c est votre appréciation , mais je ...

à écrit le 27/05/2016 à 21:51
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On dirait qu'elle tient la toute malgres son handicap d énarque Elle a L air d avoir des convictions contrairement à la majorité des politiciens qui ne sont que des opportunistes j'ai nommé Hollande les vert du gouvernement Sarkosy etc

à écrit le 27/05/2016 à 19:18
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Sylvie Goulard est une grande dame, et on aimerait avoir au Parlement européen des députés de cette valeur, pas les pitres du FN. Merci Madame

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