Une alliance entre Naval Group et Fincantieri est-elle vraiment opportune ?

Par Michel Cabirol  |   |  566  mots
Naval Group et Fincantieri n'ont aucun programme dans un futur proche sur lequel ils peuvent espérer coopérer.
La France et l'Italie devraient trouver un terrain d'entente le 27 septembre sur le dossier STX. En revanche, Paris semble désormais freiner sur un rapprochement entre Fincantieri et Naval Group.

Trop vite, trop loin... Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a-t-il proposé cet été à Rome pour des raisons purement tactiques (dossier STX), une alliance entre l'Italie et la France dans le naval militaire, qui pose questions d'un point de vue stratégique et en termes de calendrier (27 septembre) ? Cette opération est beaucoup trop complexe à monter en si peu de temps entre des groupes qui ont des stratégies différentes et qui sont des outils de souveraineté (STX, Fincantieri, Naval Group, Leonardo et Thales).

D'ailleurs, selon nos informations, l'Élysée, Matignon et l'hôtel de Brienne sont en train de rétropédaler. Ils auraient compris que le dossier militaire prendrait du temps et que lier les deux dossiers (STX/Fincantieri et Naval Group/Fincantieri) ne marcherait pas, selon un bon connaisseur du sujet. Les deux dossiers pourraient donc vivre des calendriers différents, l'un de court terme, STX/Fincantieri, qui devrait être réglé pour le sommet franco-italien le 27 septembre, et l'autre de long terme (Fincantieri/Naval Group).

Une alliance pour quoi faire finalement?

Lors d'une rencontre avec l'Association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace (AJPAE), le PDG de MBDA, Antoine Bouvier, a rappelé que la création du premier missilier européen (Aerospatiale-Matra, BAE Systems et Finmeccancia) a été bâtie grâce à des programmes en coopération réalisés entre la France, la Grande-Bretagne et l'Italie. Trois entreprises, qui à l'époque, n'avaient pas la taille critique pour se lancer seules dans de tels programmes, a précisé Antoine Bouvier.

Or, aujourd'hui, Naval Group et Fincantieri n'ont aucun programme ni en cours, ni dans un futur proche, sur lequel ils peuvent espérer coopérer. D'ailleurs la France vient de lancer les frégates FTI tandis que l'Italie a déjà débuté la construction de la première frégate de type PPA (Pattugliatore Polivalente d'Altura). Deux bâtiments avec des radars radicalement différents a d'ailleurs fait valoir Antoine Bouvier. Ce qui prouve aussi que les deux chantiers ont bien la taille critique pour lancer un programme d'une telle ampleur de manière indépendante. Faut-il également rappeler que le programme commun de frégates FREMM entre Rome et Paris a débouché sur des navires de guerre très différents entre les deux pays ...

"Il s'agit de deux gammes de bateaux (FTI et PPA, ndlr) qui ont des missions à peu près identiques mais qui sont totalement différents. Le seul point commun, ce sont les missiles MBDA. C'est une situation qui n'est pas satisfaisante", a estimé Antoine Bouvier.

La France n'a rien à envier à l'Italie dans le naval

Dans une éventuelle alliance avec Fincantieri, qu'apporteraient les Italiens à Naval Group à part grossir pour grossir ? Le chantier italien a-t-il des positions de marché à l'exception de l'Algérie auxquelles la France n'a pas accès et/ou des technologies qu'elle ne maîtrise pas ? La réponse est non, estime le même connaisseur du dossier. Pire, la France, qui exporte grâce à son excellence technologique et capacitaire, pourrait devoir faire des transferts de technologies en faveur de l'Italie.

Il semble donc urgent d'attendre pour éviter de brader les intérêts français... et ce d'autant plus que le timing semble très mal choisi pour Paris : Fincantieri étant aujourd'hui en position de force grâce au contrat mirifique gagné au Qatar (5 milliards d'euros).