Pourquoi une nouvelle crise s'annonce pour les éleveurs laitiers

Par Marina Torre  |   |  584  mots
Le prix moyen du lait payé aux agriculteurs frise les 300 euros les 1.000 litres en France.
Des prix encore en baisse, des volumes en hausse, une demande faible… La production laitière connait en ce début 2016 de nouvelles turbulences six mois après la crise agricole de l’été 2015. Les difficultés de trésorerie s’accumulent pour les agriculteurs pénalisant également leurs fournisseurs.

Un seuil fatidique, 300 euros les 1.000 litres. Et des sonnettes d'alarmes tirées ici et là. "Un certain nombre de nos collègues ne pourront plus exercer leur métier" cette année a affirmé Xavier Beulin, le président de la FNSEA lors de ses voeux à la presse cette semaine.

"Je crains un nouvel embrasement du côté des agriculteurs", confiait déjà fin 2015 un haut responsable du secteur agro-alimentaire. L'enquête de Bruxelles concernant une éventuelle entente sur les prix au cours de l'été risque de mettre encore un peu plus d'huile sur le feu.

"Cela peut exploser à tout moment, les trésoreries sont dans un état catastrophique", craint Jean-Luc Pruvot, agriculteur dans l'Aisne et responsable de l'Association des producteurs laitiers indépendants. Il estime que de nouveaux mouvements de colère risquent de se produire, "mi-janvier 2015 quand les agriculteurs seront payés pour décembre, ou le mois suivant quand les prix passeront sous les 300 euros les 1000 litres."

Est notamment mis en cause le système de contractualisation censé assurer une certaine stabilité des prix qui est vivement critiqué par une partie des agriculteurs car il n'empêche pas que la volatilité des cours mondiaux influe aussi sur les comptes des exploitants français.

La contractualisation remise en cause

En France, après la suppression des quotas laitiers, officielle depuis avril 2015, les prix sont fixés sur le marché à travers un système de contractualisation censé limiter les effets de la volatilité des prix sur le marché mondial. Dans les coopératives laitières qui représentent plus de la moitié du lait collecté en France, certains réglements prévoient l'instauration d'un prix "A" relativement stable pour un volume de lait collecté, qui correspond plus ou moins à celui de la période des quotas. Mais ils ajoutent un prix "B", souvent plus faible, correspondant aux surplus de volumes. Parfois, cela peut aller jusqu'à un prix "D" etc.

Or, les volumes produits ne se réduisent pas et tendent même plutôt à augmenter. Pendant, ce temps, la demande sous l'effet d'une chute de la demande en Chine notamment, elle tend à se tasser. La surproduction qui découle de cette situation se traduit concrètement par des difficultés de trésorerie pour les agriculteurs et leurs fournisseurs.

 "Nous sommes passés d'une situation de crise à une situation dramatique", déplore Michel Lafont, responsable de la prospective à la Chambre d'Agriculture de Normandie. Selon ce dernier, les dépôts de demandes de soutiens financiers y ont augmenté en novembre et décembre. Mais les budgets sont serrés. Aussi leur apporter une réponse soulève des questions lourdes de conséquences. "On en arrive à devoir se demander si l'on aide seulement quelques uns au risque d'en 'oublier' certains ou bien si l'on aide tout le monde au risque de distribuer trop peu d'argent pour que ce soit efficace. C'est la quadrature du cercle", regrette-t-il.

"Un mode de vie"

Pour les plus insolvables de réelles perspectives de faillites seraient donc en jeu. Le responsable craint même un possible "mouvement d'accélération" de la baisse du nombre d'actifs dans le secteur agricole. Or, "l'agriculture, c'est aussi un mode de vie, un patrimoine", rappelle-t-il.

Pour les exploitants qui le peuvent, l'issue consiste à diversifier la production, lorsque c'est possible.

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