France et Allemagne affichent des positions divergentes face à la crise du lait

La France insiste pour que la Commission relève le prix auquel l'UE rachète les surplus de lait. Mais une majorité d'autres pays, dont l'Allemagne, refusent ce retour à la régulation du marché.
« C'est un conflit purement politique. L'Allemagne souhaite laisser le marché s'organiser seul, la France plaide pour soutenir les prix du marché en relevant les prix d'intervention sur le lait et le beurre », assure une source proche du dossier.

La mobilisation des agriculteurs à Bruxelles, le 7 septembre, aura provoqué une bien maigre récolte. L'enveloppe de 500 millions d'euros promise par la Commission n'a mis personne d'accord. Les 10 principaux pays frappés par la crise du lait sont remontés au créneau pour un obtenir un nouveau conseil des ministres de l'Agriculture qui devrait se tenir à Bruxelles le 15 septembre.

Marché contre intervention

Derrière ces atermoiements se cache une opposition France et Allemagne.

« C'est un conflit purement politique. L'Allemagne souhaite laisser le marché s'organiser seul, la France plaide pour soutenir les prix du marché en relevant les prix d'intervention sur le lait et le beurre », assure une source proche du dossier.

Or pour l'instant, l'Allemagne a eu gain de cause : les prix d'intervention, par lesquels l'UE rachète directement aux producteurs des stocks de lait ne sont pas prêts de bouger. Le commissaire Hogan étant contre, il faudrait que le Conseil propose à l'unanimité de modifier le règlement pour que le dossier bouge. Une hypothèse peu probable .

>>Lire: L'intervention de Bruxelles sur le marché du lait n'enraye pas la crise

Les deux pays moteurs de l'UE font pourtant face au même problème de part et d'autre du Rhin : l'effondrement de 20 % des cours du lait sur un an prive leurs agriculteurs de revenus, du moins pour les installations les moins rentables. L'Allemagne est d'ailleurs a priori plus concernée : la France produit 25 milliards de litres de lait par an, et l'Allemagne 30.

Mais sur ce secteur comme dans d'autres, les coûts de production diffèrent d'un pays à l'autre. Le recours aux stocks d'intervention de ces dernières semaines le montre : alors que la crise est plus criante en France, aucun Français n'y a eu recours. En Allemagne, 370 tonnes de poudre de lait ont été écoulées de cette façon.

Rôle des oligopoles

« Il y a un sujet politique, il y a une divergence, faut-il envoyer un signal sur le prix ou non ? Nous pensons que oui » avait indiqué lundi soir le ministre français, Stéphane Le Foll au sortir d'une longue réunion avec ses pairs.

Le relèvement du prix d'intervention aurait mécaniquement un impact sur le prix d'achat du lait par les industriels, qui pour l'instant jouent de l'abondance de l'offre pour peser sur les prix.

Une situation que Juncker avait d'ailleurs prévu de dénoncer dans son discours sur l'État de l'Union le 9 septembre, si l'on en croit la version écrite où il évoque « le besoin de rompre certains oligopoles de la distribution ». Une référence à peine masquée aux centrales d'achat de la grande distribution, qui s'accordent visiblement sur le prix de produits agricoles, dont celui du lait, et que le lobby EuroCommerce a été prompt à contester.

L'eurodéputé vert José Bové assure ainsi :

"Le problème est là : la chaîne alimentaire vole la valeur ajoutée au producteur. Ça ne sert à rien de modifier le prix d'intervention, il faudrait surtout pouvoir harmoniser l'offre et la demande au lieu de faire une course à la production."

La proposition de la Commission qui consiste à allonger la rémunération du stockage privé n'enthousiasme pas non plus les Français. « On stocke lorsque l'on anticipe une augmentation des prix ; si les entreprises anticipent des prix en baisse, elles ne vont pas stocker, donc cette mesure est inefficace », selon Stéphane Le Foll.

L'opposition France-Allemagne sur les questions agricoles n'est pas nouvelle, mais ce nouvel accroc semble envenimer les antagonismes. « Qu'on ne vienne pas nous dire qu'on harmonise les niveaux de salaires ! Le salaire minimum allemand est bien trop faible, on a du dumping à l'intérieur même de l'UE » assure Guy Vasseur, président des Chambres d'agriculture.

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> CONTEXTE

La crise du lait s'explique notamment par une forte baisse de la demande chinoise, dont les importations ont reculé de moitié en un an, en ce qui concerne la poudre de lait. Or la fin des quotas laitiers est intervenue au même moment, plongeant les cours du lait dans une spirale baissière comme toutes les autres matières premières agricoles, comme l'a souligné la FAO le 10 septembre : les prix agricoles sont à un plus bas sur 7 ans.

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> REACTIONS

« Les mesures de Bruxelles sont totalement inopérantes. Les prix d'intervention ne servent rien à ce niveau. On sera bien avec nos prix d'intervention quand il n'y aura plus de paysans ! Chez Renault, quand la consommation recule, on freine la production. En production laitière, si on a pas des mesures de régulation, les fermes disparaissent » prévient Guy Vasseur, président de l'APCA.

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> PROCHAINES ETAPES

15 septembre: conseil des ministres de l'Agriculture - Bruxelles.

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Par Aline Robert, Euractiv.fr

(article publié le 11 septembre 2015 à 08:50)

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