GM, spécialiste du grand coup de volant, ferme Chevrolet en Europe

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  679  mots
La berline Chevrolet Cruze est produite en Corée pour le marché européen
Le groupe américain, qui n'en est pas à une contradiction près, va supprimer sa marque bas de gamme Chevrolet en Europe pour, dit-il favoriser sa filiale allemande Opel... qu'il voulait vendre en 2009.

Spécialiste des volte-face, General Motors, l'allié du français PSA Peugeot Citroën, dont il détient 7% du capital, annonce qu'il va supprimer sa marque bas de gamme Chevrolet en Europe, sur laquelle il misait tant il y a quelques années! Et ce, d'ici à 2016. Pour laisser soi-disant le champ libre à sa filiale allemande Opel, dont il souhaitait se défaire il n'y a pas si longtemps.

Fini donc les discours "marketing"  triomphalistes sur la force et l'attractivité des produits Chevrolet, que nous avons si souvent entendus.

"Notre marque Chevrolet n'aura plus de présence générale en Europe de l'ouest et de l'est, en raison d'un modèle économique délicat et de la situation économique difficile en Europe", explique GM dans un communiqué diffusé ce jeudi, à la surprise générale et au gram dam des réseaux de distribution.  "Cela améliorera les perspectives d'Opel (et de sa marque-soeur britannique Vauxhall) et réduira la complexité du marché liée à la présence d'Opel et Chevrolet en Europe", souligne le constructeur du Michigan, qui avait pourtant naguère favorisé Chevrolet au détriment d'Opel. Chevrolet devait en effet être la marque mondiale de GM...

Echec du multimarquisme

Il faut dire que la stratégie générale "multimarquiste" du géant américain a échoué. Le suédois Saab, qui  couronnait la gamme GM dans le haut de gamme, a été liquidé il y a quelques années faute d'une politique cohérente à son égard. Puis, GM a voulu positionner Chevrolet, avec des produits simplifiés essentiellement fabriqués en Corée, comme label d'entrée de gamme en Europe.

Seulement voilà: les produits étaient encore trop chers par rapport aux Dacia roumaines ou marocaines de Renault, tout en étant moins aboutis que les Skoda tchèques du groupe Volkswagen. En outre, les Chevrolet concurrençaient souvent les... Opel, malgré les dénégations du consortium, qui, par ailleurs, n'a jamais su  imposer non plus son label Cadillac en Europe, changeant constamment d'importateurs.

Une perte sèche

Le retrait du marché européen de Chevrolet va se traduire par une charge exceptionnelle nette de 700 millions à 1 milliard de dollars (515 à 735 millions d'euros), ventilée sur le dernier trimestre 2013 et les deux premiers de 2014, annonce General Motors, qui avait déjà enregistré l'an dernier un déficit d'exploitation (Ebit) de 1,8 milliard de dollars (1,4 milliard d'euros) en Europe.

Et ce, après 747 millions en 2011. Le consortium de Detroit vise l'équilibre... d'ici à 2015. GM a en outre déjà passé pour 5,2 milliards de dollars (4 milliards d'euros) de dépréciations d'actifs en Europe dans ses comptes du quatrième trimestre 2012.

En avril dernier, General Motors avait annoncé qu'il comptait investir quatre milliards d'euros dans Opel d'ici à la fin 2016. En déficit chronique depuis plus de dix ans, Opel n'est pas en forme, avec des surcapacités chroniques. Il a annoncé fin mars l'arrêt de la production automobile sur son site allemand de Bochum dès la fin 2014.  L'absence de concurrence de Chevrolet ne peut que lui faire du bien... Même si Opel ne pourra évidemment pas récupérer les 180.000 ventes annuelles (environ) de Chevrolet dans l'Union européenne.

Ventes en berne

GM a encore réduit ses immatriculations de voitures neuves dans l'Union (-5,6% sur dix mois 2013), avec un fléchissement d'Opel (-2,9%) moins sensible toutefois que celui de Chevrolet (-18,3%). GM n'a plus que 8% de part de marché dans l'Union européenne, contre 10,6% en 2005, 10,8% en 2000, 12,1% en 1997.

Tandis que la grande alliance avec PSA avoue ses limites et se solde à ce jour par un semi-échec par rapport aux ambitions de départ, GM veut maintenant rapprocher Opel de sa marque américaine Buick, qui détient de très fortes positions en Chine. Chevrolet, lui, restera axé sur les Etats-Unis, l'Amérique du sud et l'Asie. Rappelons que GM, qui a été sauvé de la faillite par les 50 milliards de dollars injectés par Washington,  a raté toutes ses alliances passées, avec les japonais Isuzu, Suzuki et Fuji Heavy (Subaru), ainsi qu'avec l'italien Fiat.