Comment Dacia, filiale à bas prix de Renault, triomphe en Europe

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  931  mots
La Dacia Sandero Stepway se veut même un clin d'oeil à la mode des "baroudeuses".
La firme roumaine a été la championne de la croissance en Europe l'an dernier. Elle tire les ventes du groupe Renault... en lui faisant de l'ombre. Avec les tarifs les plus bas du marché, le succès dépasse les espérances.

Si Dacia n'existait pas, sans doute la marque Renault elle-même s'en sortirait-elle mieux en Europe... Mais la filiale à bas coûts du groupe de Boulogne-Billacourt est bien présente en Europe depuis presque dix ans. Et son succès éclipse en grande partie la marque au losange, en perte de vitesse. Dacia est même le constructeur dont les immatriculations ont le plus progressé en Europe l'an dernier (+22,8%, +48% sur le seul mois de décembre), tous labels confondus, selon les chiffres de l'ACEA (Association des constructeurs européens d'automobiles)! Et de très loin.

Le constructeur de Pitesti a presque atteint les 300.000 immatriculations de voitures neuves dans l'Union européenne (+Suisse, Islande, Norvège). Soit 27% des ventes totales du groupe Renault. Dacia a même dépassé les 3% de part de marché en décembre. L'an dernier, la marque Renault a en revanche chuté de 1,5%, Peugeot de 6,7%, Citroën de 10,5%. Paradoxe: Dacia sauve l'industrie auto tricolore, alors même que ses modèles sont tous assemblés hors de l'Hexagone.

Prix défiant toute concurrence

En France, les ventes de Dacia ont grimpé de 11,2% en 2013, frisant les 90.000 voitures, avec une part de marché supérieure à 5%. La France absorbe 30% des ventes de Dacia sur le Vieux continent. Comment s'explique un tel succès? Par les prix évidemment. Une Logan familiale démarre à 7.700 euros dans l'Hexagone (prix catalogue), une Sandero à 7.900. Ne cherchez pas, même une petite Fiat Panda de base est plus onéreuse, et une mini-coréenne Hyundai avec un micro-moteur est au moins à 2.000 euros de plus!

Pour 12.700 euros, on peut ainsi rouler en Sandero diesel de 90 chevaux en version de pointe Lauréate correctement équipée. Une Renault Clio IV de dimensions voisines et équipée de la même mécanique est au bas mot à 6.000 euros de plus... Un différentiel qui représente lui-même 50% du prix de la Sandero...

Prix bas, prestations très correctes, fiabilité mécanique avérée due à la simplicité, coût d'entretien très faible et disponibilité dans tout le réseau Renault, telles sont les recettes du miracle. Ah, évidemment, la finition est austère, les plastiques bas de gamme pullulent et l'agrément de conduite reste ténu! Le vieillissement d'un ensemble aussi "léger" n'est pas non plus formidable. Des sièges s'affaissent, la rouille apparaît comme les bruits parasites, vu le peu d'insonorisants. Mais, après tout, bien des marques aux tarifs beaucoup moins avantageux ne font pas mieux!

Gamme très jeune

Et ces modèles sont tout nouveaux. Dacia dispose de la gamme la plus jeune d'Europe. Les Logan et Sandero ont été complètement renouvelées en début d'année 2013. Le 4x4 Duster (le moins cher du marché à partir de 11.900 euros en traction avant, à 17.100 avec une transmission aux quatre roues et un moteur diesel Renault de 110 chevaux) a été sérieusement amélioré en fin d'année. Le monospace Lodgy - le seul semi-échec de la gamme à ce jour -  et le Dokker (en version fourgonnette ou voiture particulière genre "ludospace") , fabriqués à Tanger au Maroc, datent de 2012.

Comment Renault arrive-t-il à proposer des tarifs aussi bas, tout en gagnant de l'argent ? Les marges sur cette gamme "Entry" sont en effet parmi les meilleures de Renault, selon le groupe lui-même. Et on évoque même une margé très supérieure à 10% sur le Duster. La plate-forme spécifique et éprouvée de la Logan a été produite à plus de cinq millions de véhicules à ce jour. De quoi réaliser de sacrées économies d'échelle… Seuls « 25 à 30% » de pièces sont spécifiques au Duster, par exemple, nous expliquait récemment Arnaut Deboeuf, Directeur de cette gamme  "Entry" de Renault. Le reste est partagé avec d'autres véhicules. Ca aussi, ça génère des synergies.

Des modèles archi-simples, avec bien moins de pièces qu'un concurrent de même taille, légers et comportant peu de variantes. Ici, tout est pensé au plus juste, sans superflu. Et les voitures sont toutes  produites dans des pays à bas coût de main d'œuvre. « Le différentiel de coût horaire  entre la Roumanie et la France est de 1 à 7 », rappelle Arnaud Deboeuf. Au Maroc, le « différentiel de coûts avec la France est de 1 à 10 ». Carrément.

Plus d'un million de véhicules

Le groupe Renault devrait avoir franchi la barre du million de véhicules annuels de sa gamme "Entry" en 2013, ceux-ci étant commercialisés sous le label Dacia en Europe et sur le pourtour méditerranéen, mais sous la marque Renault ailleurs comme en Russie, Inde, Amérique du sud. Renault triomphe notamment en Russie, où il produit les Logan, Sandero et Duster à Moscou. La firme au losange était même la deuxième marque la plus populaire là-bas l'an dernier, devant les coréennes, et juste derrière le constructeur national Avtovaz (Lada) que le français contrôle par ailleurs.

Pour 2014, Arnaud Deboeuf annonce une nouvelle croissance de "10% ou plus". Au prochain salon de Delhi en Inde, début février prochain, Renault dévoilera d'ailleurs le concept d'une petite voiture encore moins chère (5.000 euros), en dessous des Logan-Sandero. Ce modèle sera industrialisé en Inde, puis au Brésil. Et... il devrait finir par arriver en Europe occidentale.

L'aventure de la voiture à bas coûts de Renault, lancée par le précédent PDG Louis Schweitzer, est loin d'être terminée. Problème: ce succès ne rehausse évidemment pas l'image de Renault, de plus en plus bas de gamme.