Carlos Tavares, un pilote de course pour faire gagner PSA

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  805  mots
Carlos Tavares du temps où il présentait le concept de la future Renault Twingo III
Un patron pilote de course, du jamais vu au sein du groupe PSA. Après une carrière au sein de Renault et de son allié Nissan, Carlos Tavares séduit les ingénieurs de Peugeot et Citroën. Enfin un homme de l'automobile!

Un patron pilote de course, du jamais vu au sein du groupe automobile français. Devenu  membre du directoire de PSA au 1er janvier, Carlos Tavares prendra les rênes opérationnelles du constructeur tricolore jeudi 20  février. Ce mercredi, Philippe Varin, encore président du directoire de PSA pour quelques semaines, officialise l'accord avec le chinois Dongfeng et l'Etat français approuvé mardi par le conseil de surveillance, publie les résultats financiers du groupe et annonce la  nomination de Carlos Tavares comme patron de la division automobile. C'est le 31 mars prochain que l'ex-bras droit du PDG Carlos Ghosn chez Renault remplacera Philippe Varin comme président du directoire.

A fond en voiture

Un homme de produit, quel soulagement chez les ingénieurs de PSA! Ni Jacques Calvet (1983-1997), ni Jean-Martin Folz (1997 à 2007), ni Christian Streiff (2007-2009), ni Philippe Varin (2009-2014) n'ont été des patrons connaisseurs de l'automobile, ni même vraiment des amateurs de voitures... Au sein du consortium, les langues se délient.  "Quand il venait essayer des voitures, Philippe Varin faisait un tour de circuit à 50 à l'heure et disait que c'était bien. Carlos Tavares, lui, tourne à fond, et les commentaires fusent, sur le ressenti de la direction, la consistance du train avant... Ca change, rien ne lui échappe", souligne un ingénieur du groupe. "Il est arrivé l'autre jour à bord d'une Peugeot RCZ-R (ndlr: la voiture la plus puissante du groupe avec ses 270 chevaux). Il était au volant. Et le chauffeur, à la place du passager, était blême", ricane un autre.

A l'initiative du projet de renaissance de la marque sportive Alpine au sein de l'ex-Régie, Carlos Tavares n'est d'ailleurs pas prêt à renoncer aux circuits automobiles. Il a sa propre monoplace et court régulièrement avec. Et il vient de s'inscrire pour une compétition d'endurance au volant d'une Peugeot RCZ Cup. Lors de la dernière édition  du "Mans Classic", une course pour voitures anciennes sur le circuit sarthois, il pilotait alors une Alpine Renault. Nous l'y avions  rencontré.  Et, visiblement épanoui, il avait lâché : "c'est ça la vraie vie!".

Limogé de Renault, quelle aubaine!

Enfin un vrai interlocuteur pour les équipes de conception des voitures chez Peugeot et Citroën, capable de discuter, d'arbitrer en connaissance de cause. Comme chez Volkswagen ou BMW. Le dernier patron passionné de voitures au sein de PSA était Jean Boillot, le père de la fameuse 205... dans les années 80 et encore ne fut-il que président de la marque Peugeot!

L'ex-directeur général délégué de Renault, limogé l'été dernier par Carlos Ghosn pour avoir ouvertement évoqué son ambition de diriger un constructeur automobile, ne sera donc pas président de Renault, mais de son concurrent direct. Une aubaine d'ailleurs pour PSA que Carlos Tavares ait été mis à la porte du groupe de Boulogne-Billancourt! Cet ingénieur âgé de 55 ans est né à Lisbonne, a étudié au lycée français de la capitale portugaise, puis quitté son pays pour la France à l'âge de dix-sept ans.

Diplômé de l'École centrale Paris, il a intégré... Renault en 1981. Au sein du constructeur au losange, il pilotera notamment le projet Mégane II, avant de suivre son mentor Carlos Ghosn chez l'allié japonais Nissan en 2004, cinq ans après le mariage Renault-Nissan. L'homme y sera le directeur de la stratégie et du planning des produits, puis patron de la zone Amériques.

Une réputation de "Cost Killer"

Ce polyglotte ambitieux et sûr de lui revient chez Renault en 2011, pour remplacer Patrick Pelata, sacrifié par Carlos Ghosn à cause de la pseudo affaire d'espionnage qui avait ridiculisé la firme française. Réputé austère, intègre, gros travailleur, extrêmement exigeant, volontiers cassant, imprimant à ses troupes un rythme de pilote de course, jugé très autoritaire et même solitaire, Carlos Tavares apportera à PSA sa  profonde connaissance de l'ingénierie automobile, sa passion du produit, mais aussi une expérience unique au sein d'une grande alliance intercontinentale ainsi qu'une culture de management à la fois asiatique et anglo-saxonne.

Sous son sourire, l'homme est un redoutable "Cost Killer" (tueur de coûts), à  l'image de Carlos Ghosn. il s'est donné 100 jours pour faire l'état des lieux du groupe PSA en crise. "Il voit tout et gare à une réponse biaisée ou la dissimulation. Il s'en rend compte et devient alors cinglant. Mieux vaut jouer la transparence", se souvient  un cadre de Renault. Chez PSA, un groupe où la culture du produit automobile reste très prégnante avec notamment d'excellents ingénieurs motoristes ou châssis, on s'inquiète d'un nouveau plan social possible, mais l'atmosphère est quand même plutôt au soulagement et à l'optimisme. Voire à l'euphorie avec l'accord sur la recapitalisation du groupe et l'arrivée d'un nouveau patron du sérail!