Carlos Tavares veut que PSA gagne enfin sa vie hors d'Europe

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1066  mots
Le pick-up Peugeot Hoggar brésilien
PSA vend 42% seulement de ses véhicules hors d'Europe, contre 50,5% pour Renault, 61,5% pour Volkswagen. PSA gagne très peu d'argent en Chine. Ses activités en Russie ou en Amérique latine ne sont pas rémunératrices, alors que Renault y fait de bonnes marges... Trop européocentré, PSA attend beaucoup de son alliance avec le chinois Dongfeng.

Il faut "redresser les ventes en Russie et en Amérique latine. Il y a des travaux significatifs à réaliser. Il faut renforcer notre ambitieux programme de développement en Chine (...) et accélérer le développement dans les prochains pays émergents". Vaste programme. C'est ce que promet Carlos Tavares, le nouveau patron des activités automobiles de PSA Peugeot-Citroën et futur président du directoire à partir du 31 mars. Car le vrai talon d'Achille du constructeur auto  français demeure son européocentrisme.

La Chine rapporte peu

Hors du Vieux continent, dont les marchés sont en chute libre ces dernières années, PSA est bien trop  faible. Paradoxal: Peugeot n'avait-il pas fait oeuvre de pionnier en Afrique ou en Amérique du sud, dans les années 60 et 70? Les ventes de PSA hors du Vieux continent n'ont représenté l'an dernier que 42% de ses volumes totaux, contre 50,5% pour Renault - et encore l'ex-Régie ne comptabilise-t-elle pas les volumes du numéro un auto russe Avtovaz (Lada) qu'elle contrôle -,  57% pour Fiat (hors utilitaires), 61,5% pour Volkswagen. Un pourcentage très insuffisant pour PSA qui ne lui permet pas de profiter des pays à fort potentiel et de compenser les baisses de marché en Europe.

Malgré 557.000 ventes en 2013, PSA détient ainsi à peine 3,6% du marché chinois. Pas beaucoup quand on songe que Peugeot a fait oeuvre de pionnier dès le milieu des années 80, en même temps que Volkswagen, via une première co-entreprise avec la municipalité de Canton. Et la Chine rapporte toujours extrêmement peu au consortium hexagonal,  par rapport à ce que génèrent les activités dans ce pays pour GM, Volkswagen, Nissan, Hyundai-Kia... DPCA, la co-entreprise de PSA avec Dongfeng, a versé tout juste 100 millions d'euros de dividende au groupe tricolore en 2013! Après vingt ans d'activité, c'est dérisoire...

Médiocre en Russie et au Brésil

Quant à la Russie, PSA y détient 2,3% du marché seulement avec des ventes en chute libre (-22%) l'an dernier à 61.000 unités. Et les activités en Russie, où PSA dispose d'une usine à Kalouga en partenariat avec le japonais Mitsubishi, génèrent des pertes pour PSA, alors qu'elles représentent l'une des régions les plus rentables pour Renault. "La Russie et l'Amérique latine ne sont pas créatrices de valeur aujourd'hui", martèle Carlos Tavares. PSA s'est d'ailleurs empressé d'annoncer qu'il utilisera les ressources de la toute prochaine augmentation de capital, dévoilée officiellement mercredi dernier, "pour restaurer la rentabilité en Russie et en Amérique latine".

Plus encore que la Russie, le Brésil représente un beau gâchis. Si PSA a toujours été bien représenté en Argentine avec Peugeot, il n'a démarré industriellement au Brésil qu'en 2000. Mais, il n'a malheureusement pas vraiment percé, avec des pertes récurrentes. En 2013, ses ventes ont même plongé de 11% à 123.000 unités. Comme en Russie, les produits sont inadaptés au marché et trop onéreux.

Ces résultats sont d'autant plus médiocres que Renault, arrivé au Brésil un peu avant PSA et y ayant aussi perdu beaucoup d'argent, a su redresser la barre. Ses activités locales génèrent aujourd'hui de bonnes marges, avec une gamme de produits resserrée, centrée - comme en Russie - sur des modèles de sa gamme "Entry" à bas coûts. Nul doute que Carlos Tavares, ex- bras droit de Carlos Ghosn chez Renault, connaît les recettes de la firme au losange...

En Russie et en Amérique latine, "il faut une intégration locale plus rapide et plus poussée",  diagnostique Carlos Tavares. Histoire d'abaisser les coûts,  tourner les forts droits de douane sur les composants et réduire l'exposition aux changes, alors que le rouble comme le real brésilien ou le peso argentin ont subi de sérieuses dépréciations. Carlos Tavares plaide également pour une "gamme de produits adaptée"

Rien en Inde et pas grand chose en Asie du sud-est

Par ailleurs, PSA est absent historiquement d'Amérique du nord, hormis une toute petite présence commerciale aux Etats-Unis, qui a pris discrètement fin au début des années 90. Il est aussi absent d'Inde. Après une première tentative ratée dans les années 90, les derniers projets sur place ont dû être reportés sine die, faute d'argent frais.

Quant à l'Iran, qui fut son deuxième débouché mondial derrière la France avec 467.000 unités en 2010, 457.900 en 2011, ses activités sont gelées à cause de la politique de sanctions internationales. La marque Peugeot s'octroyait, avant les sanctions, un tiers du marché iranien environ. Enfin, en Asie-Pacifique (hors Chine), PSA n'est présent que très marginalement, en dépit d'une tentative - sans lendemain - de Citroën avec le constructeur national malaisien Proton, à la fin des années 90. "Il faut une plate-forme pour pays émergents", souligne Carlos Tavares, fort de l'expérience de Renault en la matière.

De nouveaux moyens avec Dongfeng

A travers son nouveau partenariat conclu avec le chinois Dongfeng, PSA pourra justement disposer à terme d'une plate-forme à bas coûts qui lui manque tant, laquelle serait utilisable notamment en Asie du sud-est, en Inde, en Amérique latine. D'ailleurs les projets avec le groupe public chinois, qui prendra 14% du capital de PSA aux cotés de l'Etat français et de la famille Peugeot, prévoient la création d'un centre de recherche et développement commun dans l'ex-Empire du milieu, pour des produits dédiés aux marchés en croissance. En outre, PSA et son allié créeront une co-entreprise ayant pour objectif de développer les ventes de Peugeot, Citroën et Dongfeng en Asie  du sud-est.

Le groupe PSA est donc désormais en bonne voie pour enfin percer hors du Vieux continent. Mais n'est-il pas trop tard? Rien qu'en Chine, il compte tripler ses ventes à 1,5 million d'unités vers 2020. Le lancement de deux à trois modèles par an pour l'ensemble des trois marques (Peugeot, Citroën et la marque propre de DPCA) est prévu.  

Carlos Tavares a prévenu. Son but est de faire de PSA "un constructeur automobile mondial... avec son siège et ses racines en France". Rude gageure, alors que PSA a  déjà raté des alliances "globales" avec le japonais Mitsubishi et l'américain GM.