Circulation alternée : les vraies questions sur la pollution automobile

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  981  mots
Même une voiture dépolluée comme la dernière 208 de Peugeot est frappée d'opprobre
10% des véhicules les plus anciens génèrent 40% de la pollution d'origine automobile. Une voiture aux dernières normes pollue cent fois moins qu'au début des années 70.

Haro sur l'automobile en ce 17 mars! La mise en place de la circulation alternée, qui interdit pour la première fois depuis 2007  le trafic des voitures arborant une plaque d'immatriculation paire, a en effet notablement réduit le trafic dans la capitale ce lundi matin, comme nous avons pu le constater. 700 policiers sont d'ailleurs mobilisés à Paris et dans sa proche banlieue pour traquer les automobilistes et motards bravant l'interdit sur les plaques paires et leur faire payer l'amende de 22 euros. A 10 heures 30, la préfecture de police de Paris relevait près de 3.000  infractions.

Le gouvernement démontre avec une telle mesure qu'il se soucie de la santé des populations et qu'il est prêt, pour le bien public, à prendre des mesures extrêmes, voire impopulaires. Qui ne serait favorable à la lutte contre la pollution?  Problème: au-delà de l'effet d'affichage politique et des discours, la question de la pollution apparaît extrêmement complexe et souvent contradictoire. Et, dans les faits, on constate que cette mesure à grand spectacle frappe pêle-mêle des véhicules hautement polluants archi-nocifs et des... voitures (relativement) propres! Un comble.

10% des véhicules génèrent 40% de la pollution

Il faut d'abord savoir  que "ce sont 10% des véhicules roulant en France, les plus anciens, qui génèrent 40% de la pollution d'origine automobile", selon une étude du CCFA (Comité des constructeurs français d'automobiles). Aïe. En effet, un tiers du parc automobile roulant dans l'Hexagone est âgé de plus de dix ans. Or, "les voitures les plus polluantes sont celles qui ont plus de quinze ans".

Les premières normes européennes d'anti-pollution sur les émissions des voitures datent en effet de 1993. Avant: rien! Et ces normes ont été durcies depuis à cinq reprises. La norme actuelle baptisée "Euro 5" date de 2009 (pour les nouveaux types de véhicules). Et une nouvelle norme "Euro 6" s'appliquera au 1er septembre prochain pour les nouveaux types de véhicules, un an après pour toutes les voitures neuves.

Ces normes successives ont considérablement réduit la pollution d'origine automobile. Sur les véhicules diesel, les plus polluants, les rejets d'oxydes d'azote, particulièrement nocifs et réglementés depuis 2000, sont ainsi passés de 500 à 180 milligrammes au kilomètres ("Euro 5") et descendront à 80 ("Euro 6")! Une sacrée réduction. Les monoxydes de carbone, eux, sont passés de 2.720 milligrammes autorisés ("Euro1") à 500 ("Euro 5" et "Euro 6. Les émissions de particules, très dangereuses pour la santé, se sont contractées de 140 à 5 ("Euro 5") et 4,5 ("Euro 6"). La norme "Euro 5" a d'ailleurs introduit une limitation de nombre de particules émises, en plus de la limite de masse

Filtre à particules obligatoire

Les particules sont émises dans leur quasi-totalité par les modèles à gazole! Par  ailleurs, la France a rendu obligatoire le filtre à particules depuis le 1er janvier 2011 sur les véhicules neufs. 99% des particules sont stoppées - à condition que le filtre ne soit pas démonté, ce qui est interdit. Une norme "Euro 6.2" encore plus draconienne est attendue pour 2017 ou 2018. 

Globalement, on peut dire que les normes "Euro 5" et plus encore "Euro 6" règlent l'essentiel du problème de la pollution automobile... Rappelons au passage que la question du CO2 n'a strictement rien à voir avec celle de la pollution... Le CO2 n'est pas un polluant, contrairement à ce que des esprits confus insinuent. C'est un gaz à effet de serre! Il ne contribue donc en rien aux pics de pollution que nous connaissons actuellement...

C'est d'ailleurs la lutte anti-CO2, due au  combat contre le réchauffement climatique - dont les origines restent sujets à controverse -... qui favorise la vente de diesels. Les choses sont en effet complexes. Car les modèles à gazole consomment effectivement 15 à 20% de moins que ceux à essence; dès lors ils rejettent intrinsèquement moins de CO2 au kilomètre, puisque les émissions de gaz à effets de serre et les consommations sont strictement corrélés. Le diesel, plus polluant que celui à essence par sa constitution même, est en revanche plus vertueux sur le plan du C02. Comme quoi, rien n'est simple.

Pour passer les normes "Euro 6", très contraignantes, les diesels vont d'ailleurs devoir se sophistiquer bien davantage encore, avec un surcoût de 350 à 400 euros au bas mot par véhicule pour le prix de revient en fabrication, selon Toyota. Soit un surcoût pour le client de 600 à 1.000 euros en moyenne. En outre, le coût de maintenance sera alourdi.

Part des diesels en baisse dans les ventes

Du coup, la part du diesel dans les ventes de voitures neuves devrait continuer à baisser. Les modèles diesel, de plus en plus chers, ne représentent plus qu'un peu plus de  67% du marché tricolore total. Les voitures neuves à gazole pesaient 73% du marché hexagonal l'an dernier... et 77% en 2008 ! "Ce rééquilibrage naturel est durable et nous confirmons notre prévision d'un marché automobile à 50% essence, 50% diesel en 2020", pronostique du coup le CCFA.

"Une voiture en 1970 polluait comme l'équivalent de 100 voitures ensemble aujourd'hui", assure  l'ACEA (Associations des constructeurs européens). "Une voiture actuelle émet en moyenne 28 fois moins de monoxyde de carbone qu'il y a vingt ans". Les poids-lourds sont eux aussi soumis à des normes très strictes. Ils en sont même déjà à "Euro 6" depuis le premier janvier. On admet communément que "les camions aux dernières normes émettent 86% de monoxyde de carbone en moins par rapport au début des années 90 et ont réduit de 95% les émissions de particules".

Au final,  des mesures telle que la circulation alternée prise en urgence par le pouvoir politique à l'approche d'échéances électorales sont donc aberrantes sur le seul plan de l'efficacité. Elles autorisent la circulation de véhicules diesel anciens extrêmement polluants... tout en interdisant à un modèle à essence "Euro 5" voire un diesel "Euro 6" (certains véhicules sont déjà adaptés aux futures normes) de circuler, alors que ces derniers ne polluent quasiment pas!