Renault et Peugeot prêts à rebondir en Iran, mais gare aux américains

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  883  mots
Peugeot 405 iranienne
Des sénateurs appellent à bâtir un front uni face à la concurrence économique "déloyale" des Etats-Unis en Iran. Alors que se profile la levée des sanctions, Renault et PSA risquent de se retrouver handicapés pour retrouver leurs positions jadis florissantes en Iran.

Des sénateurs français ont appelé jeudi les pays européens à bâtir un front uni face à la concurrence économique "déloyale" des Etats-Unis en Iran. Et ce, à l'heure où la perspective d'une levée définitive des sanctions à l'encontre de l'Iran attire les convoitises des investisseurs occidentaux. Les relations entre Paris et Washington se sont tendues du contentieux BNP Paribas, les Etats-Unis menaçant d'infliger à la banque française une amende de 10 milliards de dollars pour avoir prétendument violé la loi américaine sur les embargos contre plusieurs pays, dont l'Iran. "Aujourd'hui, nous pouvons l'affirmer de façon catégorique, aucune banque française n'accepte d'accompagner nos entreprises dans nos projets en relation avec l'Iran" par crainte de représailles américaines, a souligné Philippe Marini, président UMP de la commission des finances du Sénat.

Les américains placent leurs pions

Exemple flagrant: l'automobile. PSA et Renault, qui occupaient naguère des positions dominantes en Iran, risquent ainsi de se retrouver désormais marginalisés. Philippe Marini, qui s'est rendu avec cinq autres sénateurs fin avril en Iran, estime la perte des constructeurs français à 1,3 milliard d'euros. Les deux constructeurs tricolores devront en effet maintenant composer avec la rude concurrence chinoise, qui pèse aujourd'hui 10% du secteur automobile iranien et se moque des sanctions, et les... américains qui placent leurs pions. Face à cette "concurrence internationale rude", les sénateurs invitent les entreprises françaises à maintenir des contacts sur place, à organiser des visites et à pré-négocier des contrats, en attendant la levée définitive des sanctions.

Chez PSA, qui avait dû subir la pression de son ex-allié GM pour quitter l'Iran, on préfère rester prudent et ne pas en parler. Chez Renault, on évoque en revanche plus volontiers la question. Renault s'était même agacé officieusement de l'alignement du président François Hollande sur les positions américaines, lors de sa visite aux Etats-Unis en février dernier. Même s'ils assurent se conformer aux sanctions internationales, Renault et PSA se disent prêts toutefois à redémarrer. "Nous avons des contacts normaux avec nos partenaires. On travaille pour redémarrer dès que possible. En juillet, c'est la fin de la période probatoire", nous précisait récemment Arrnaud Deboeuf, responsable de la gamme "Entry" de Renault. 

La Peugeot 405 très populaire

Selon les statistiques officielles iraniennes de l'IVMA, il s'est  encore vendu 39.500 Renault Tondar (Logan) l'an dernier dans le pays ainsi que 59.300 Peugeot 405 et 27.800 Peugeot 206. Signe que les partenaires locaux ont encore des stocks de pièces et que... le flux ne s'est pas entièrement interrompu. La française la plus vendue, la Peugeot 405, est  d'ailleurs intégrée totalement sur place et peut donc être assemblée  près de Téhéran avec des composants locaux, sans pièces provenant d'Europe.

Les voitures sous marque Peugeot, fabriquées par le groupe national Iran Khodro, représentaient encore plus de 30% du marché iranien l'an passé, celles de Renault 7,5%. Le marché iranien des voitures particulières s'est élevé au total à un peu plus de 600.000 unités en 2013. Les chinois Lifan, Chery, JAC, occupent effectivement aujourd'hui de solides positions.

C'est en reprenant les activités européennes de l'américain Chrysler en 1978, que PSA Peugeot Citroën avait... trouvé dans la corbeille de mariée les fournitures de pièces pour la Paykan, la voiture nationale iranienne, massivement assemblée sous licence par Iran Kodro de la fin des années 60 jusqu'à une date récente. Tout en livrant des pièces pour cette voiture, Peugeot a progressivement ajouté sa 405 puis la 206, notamment dans une version spécifique à quatre portes et coffre séparé. L'Iran était même devenu le deuxième débouché du groupe PSA, derrière la France, avec 467.000 unités en 2010, 457.900 en 2011, 313.000 en 2012 ! PSA n'a toutefois jamais été impliqué financièrement, Iran Khodro étant un licencié.

Implantation Renault plus récente

L'implantation de Renault est plus récente. Le groupe au losange a pour sa part créé carrément une co-entreprise industrielle et commerciale locale, dont il possède 51% des parts. Cette co-entreprise a été constituée pour distribuer aux deux groupes industriels locaux  Iran Khodro - le même partenaire que pour PSA - et Pars Khodro, des composants pour l'assemblage de véhicules. Il s'agit essentiellement des Dacia Logan, rebaptisées Renault Tondar. Le potentiel installé est de 250.000 voitures annuelles. La firme au losange affirme avoir déjà un parc de 350.000 véhicules qui roulent en Iran. 

 Le marché iranien a pesé  jusqu'à 1,4 million d'unités avant les sanctions. Et il a un potentiel  de deux millions, estime-t-on chez Renault. Pas étonnant que Renault et PSA veuillent retrouver rapidement leurs anciennes positions industrielles et commerciales en Iran. L'Iran était en effet l'un des pays où les marques tricolores avaient historiquement les plus solides implantations. Du temps du Shah d'Iran, Renault produisait déjà des R5 et Citroën des... Dyane.

Les américains aimeraient bien prendre la place des français, avec un argument qu'ils  pesent moralement imparable : après tout, la vague d'anti-américanisme en Iran, après la chute du Shah à la fin des années 70, n'avait-t-il pas alors handicapé les entreprises "yankees", ce dont les français ont tiré profit ?