Les Français aiment les petites voitures, pas bon pour le "made in France"

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  766  mots
Les nouvelles Twingo III arrivent
Sur les huit mois, les "petites" ont représenté 54% des immatriculations de voitures neuves en France. Contre 42% en moyenne dans l'Europe occidentale. Des voitures souvent produites hors de l'Hexagone.

Alors que Renault s'apprête à lancer sa "mini" Twingo III  (à partir de 10.800 euros), juste après les nouvelles citadines  Peugeot 108 et Citroën C1 II, le marché français s'oriente plus que jamais vers... les petits véhicules. Sur les huit premiers mois de l'année, les "petites" ont représenté en effet 54% des immatriculations de voitures neuves en France, selon les données du CCFA (Comité des constructeurs français d'automobiles). Contre 52% sur huit mois de l'an dernier et 49% en 2012.

L'Hexagone est beaucoup plus centré sur les petits modèles que le reste du Vieux continent. Les citadines et véhicules d'entrée de gamme ne représentent en effet que 42% des ventes en moyenne sur l'Europe occidentale. Un différentiel  de douze points, extrêmement important donc.

Chute des "moyennes supérieures"

Toutes les autres catégories de voitures chutent en France (proportionnellement). Les "compactes" (Renault Mégane, Citroën C4-DS4, Peugeot 308) ne sont plus qu'à 30% du total des immatriculations de voitures neuves, contre 31% un an auparavant, 32% il y a deux ans. Les ventes de "compactes" en France restent toutefois dans la moyenne ouest-européenne. Dans les autres segments à plus forte valeur ajoutée et hautes marges, c'est carrément la Bérézina.

Les familiales (gamme "moyenne supérieure" Peugeot 508, Citroën C5, Renault Laguna) pèsent à peine 11% du marché en France, contre 13% en 2013, 14% en 2012 et... 17% en moyenne sur l'Europe occidentale. Enfin, le "haut de gamme" est réduit à presque rien: 4% à peine du marché français, contre 6% il y a deux ans... et 12% en moyenne pour l'Europe occidentale (attention: les pourcentages du CCFA sont des arrondis, leur somme pouvant ne pas faire 100%)...

La fiscalité est dissuasive

L'affection des français pour les "petites"  n'est pas un mariage d'amour. Certes, les petits véhicules ont beaucoup progressé en prestations, mais cette orientation est en grande partie dictée par la politique fiscale des pouvoirs publics, notamment le bonus-malus prétendument écologique calculé sur les consommations des voitures et les rejets de CO2 corrélés. Ce bonus-malus pénalise de facto les modèles d'une certaine taille et puissance. Une fiscalité de plus en plus discriminante sur les véhicules de société contribue aussi fortement à cette descente en gamme. Les discours politiques et médiatiques ambiants anti-automobiles ont aussi leur part dans cette évolution. Enfin, la crise joue également un rôle dans cette descente en gamme des clients.

Pas étonnant, dans ces conditions, que Renault et PSA soient de plus en plus des spécialistes de petits véhicules.... Cette évolution est a priori favorable aux marques tricolores en France. Les onze modèles les plus vendus sur onze mois dans l'Hexagone  étaient produits par des groupes français. La Renault Clio est la voiture la plus vendue en France (68.973 immatriculations de janvier à août), devant la Peugeot 208 (55.545), le "SUV" urbain Renault Captur (40.261), la Citroën C3 (39.789) et la compacte Peugeot 308 (37.216).

Défavorable à la production en France

Malheureusement, le triomphe des  petits véhicules dans l'Hexagone n'est paradoxalement pas favorable au  "made in France". Très sensibles aux coûts du travail élevés en France, ces petits modèles sont effectivement en grande partie produits à l'étranger ! C'est le paradoxe français d'une production automobile dans l'Hexagone qui a chuté de moitié en dix ans. Les Dacia à bas coûts de Renault destinées à l'Europe sont fabriquées à Pitesti, en Roumanie, et à Tanger, au Maroc. La nouvelle petite Renault Twingo est assemblée à Novo Mesto en Slovénie. 60% des Clio sont fabriquées à Bursa, en Turquie. Le petit "crossover " Captur est assemblé à Valladolid, en Espagne.

Les 208 vendues en France sont certes fabriquées pour une bonne part dans l'Hexagone, tout comme la totalité des C3.  Mais le nouveau patron de PSA, Carlos Tavares, a annoncé récemment que les futurs petits véhicules "généralistes" du groupe seraient assemblés hors de France. Quant aux 108 et C1, elles proviennent de République tchèque, la C3 Picasso de Slovaquie. Les modèles délaissés de gamme moyenne ou supérieure  étaient en revanche traditionnellement au coeur du savoir-faire des usines françaises.

Leur mévente progressive a ruiné le site normand de Sandouville (Renault) obligé de réduire la voilure et de se reconvertir dans les utilitaires. Il fait également plonger les volumes du site breton de Rennes (PSA), dont l'avenir est incertain. La polarisation extrême du marché français sur les "petites" à très faibles marges - sauf les Dacia à bas coûts - est donc une mauvaise affaire, in fine, pour le "made in France".