Volkswagen : les hypothèses pour comprendre le divorce Piëch-Winterkorn

Par Nabil Bourassi  |   |  748  mots
Le dernier combat de Ferdinand Piëch a suscité autant d'incompréhension que d'interrogations...
Pourquoi Ferdinand Piëch s'est-il lancé à corps perdu dans une incompréhensible bataille qui, finalement, lui aura été fatale? Si le mystère risque de perdurer, il existe néanmoins de nombreuses hypothèses sur un malaise qui ne date pas d'hier...

C'est donc par la petite porte que s'en va le très puissant Ferdinand Piëch. Celui qui faisait la pluie et le beau temps dans l'industrie automobile allemande et, en quelque sorte, au niveau mondial, achève son règne par une humiliante mise en minorité au sein de son conseil de surveillance. Le patron de Volkswagen Group, petit-fils de Ferdinand Porsche, ingénieur automobile de génie, influent industriel, s'est-il sabordé lui-même ?

Il y a deux semaines, le magazine allemand Der Spiegel rapportait des propos de Ferdinand Piëch, président du conseil de surveillance, défiant le président du directoire (le vrai patron exécutif du groupe), Martin Winterkorn, jadis son dauphin désigné. Malgré l'unanimité des autres actionnaires, Ferdinand Piëch aurait persisté à agir en coulisse pour l'évincer. En vain. Il est contraint à la démission samedi 25 avril.

Les vieilles rancunes familiales

Pourquoi a-t-il persisté dans son entreprise alors même que la partie semblait jouée dès lors que le Länd de Basse-Saxe (20% du capital) avait signifié son soutien à Winterkorn et que les syndicats faisaient également bloc derrière lui (ils représentent la moitié des sièges du conseil de surveillance) ? Surtout, compte tenu du fait que Wolfgang Porsche, président du holding familial (50% du capital de Volkswagen) avait pris fait et cause pour Martin Winterkorn, pourquoi avoir pris le risque de réveiller les vieilles rancunes familiales?

Pour beaucoup, la réaction de Ferdinand Piëch est incompréhensible. Un analyste bon connaisseur du milieu automobile explique à La Tribune avoir été surpris par son attitude : "C'est un fin calculateur, il ne prend jamais une décision sans que tout soit balisé (...), ce n'est pas une tête brûlée. Je ne le vois pas avoir pris cette initiative sans avoir pris ses dispositions auprès des autres actionnaires..."

En guise d'explication, notre analyste estime qu'il ne faut pas négliger le facteur santé de cet homme de 78 ans. "Il paraissait dernièrement physiquement diminué, et ne prenait plus le volant lui-même, lui qui a toujours conduit ses voitures", observe-t-il.

Les résultats de la marque Volkswagen n'étaient pas satisfaisants

Sur des motifs plus objectifs, il apparaît qu'une tension serait apparue depuis un an lors du lancement du plan d'économies de Volkswagen. Martin Winterkorn est accusé d'avoir privilégié Volkswagen au détriment des autres marques du groupe. Il faut dire que, en plus d'être président du directoire du groupe depuis 2007, il a continué à être patron de Volkswagen jusqu'en décembre dernier. Or, les résultats de celle-ci étaient décevants...

"C'est la marque la moins performante du groupe, elle est systématiquement en-dessous des objectifs", nous explique un spécialiste du secteur, encore sous le sceau de l'anonymat. "La profitabilité en Europe est à 2%, contre un objectif de 6%, la marque n'a pas percé aux Etats-Unis, les usines sont les moins utilisées du groupe, tout cela, malgré les lourds investissements consacrés à la marque" poursuit-il.

Lors de l'annonce du plan d'économies il y a un an, Martin Winterkorn a demandé des efforts à toutes les marques, suscitant l'émoi des plus performantes qui demandaient à ce que Volkswagen assume une plus grosse partie de la restructuration.

Une crise managériale qui couvait...

"Le départ de Michael Macht [directeur de la production du groupe et membre du directoire, Ndlr] en août 2014 était le premier signe d'un malaise managérial", analyse un observateur du secteur.

La nomination en décembre 2014 d'un ancien de BMW pour prendre la tête de la marque Volkswagen aurait permis de calmer le jeu en interne. En externe aussi, puisque les investisseurs commençaient également à se poser des questions. Une note de Morgan Stanley publiée ce lundi 24 avril a rappelé la confiance du broker de voir la rentabilité de la marque s'améliorer grâce à la nomination d'un patron spécifique à la marque.

Mais cela n'aurait pas suffit pour Ferdinand Piëch. Pour autant, il ne sera pas parvenu à convaincre le conseil de surveillance. Par ailleurs, la succession de Martin Winterkorn n'était pas au point, même si le patriarche aurait demandé au patron de Porsche de se préparer à prendre la relève. En tout état de cause, les autres actionnaires ont estimé que la question ne se posait pas car, pour eux, Martin Winterkorn est "le meilleur président du directoire possible". Un message que Ferdinand Piëch a refusé de comprendre...