Prime à la rénovation : une réforme paradoxale

Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) est bel et bien transformé en prime. Comme annoncé, les plus riches en seront exclus, mais les plus modestes auront encore un lourd reste à charge.
(Crédits : Reuters)

C'est confirmé. Le gouvernement a (enfin !) acté la transformation en prime du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), dans son projet de loi de finances (PLF) 2020 présenté vendredi 27 septembre en Conseil des ministres. Principale modification: les ménages les plus aisés ne devraient plus être concernés, sous réserve d'un amendement parlementaire.

Actuellement, le CITE permet de déduire de ses impôts une partie des dépenses engagées pour des travaux d'amélioration écologique. Il  est surtout utilisé par les foyers ayant les moyens d'avancer les frais avant qu'ils ne leur soient rétrocédés sous la forme d'un crédit d'impôt. Ce qui peut prendre entre un an et an et demi. Ainsi, le dispositif profite surtout aux ménages les plus riches, dont les revenus annuels sont supérieurs à 96.240 euros.

Désormais, cette population fortunée est exclue du champ d'application de la prime. L'idée, évoquée un temps par les professionnels du bâtiment et les associations environnementales, de leur attribuer une prime à condition qu'ils opèrent une réhabilitation globale, a été écartée.

Changement de paradigme

Certes, l'exécutif se dit prêt à accepter des propositions des parlementaires lors de l'examen du PLF, mais rien ne dit qu'il les adoptera définitivement... Il n'empêche : Matthieu Orphelin, député (ex-LREM) du Maine-et-Loire, recommande déjà de "prévoir une aide spécifique supplémentaire pour les rénovations globales performantes, y compris pour les ménages les plus aisés".

Cette réforme s'inscrit dans un changement de paradigme: à l'inverse du CITE capté par les plus aisés, la prime doit, elle, permettre aux ménages les plus modestes - dont les revenus annuels sont compris entre 14.000 et 35.000 euros en dehors de l'Ile-de-France - de changer un équipement (une chaudière au fioul par exemple, énergivore et peu écologique) et de recevoir de l'argent public dès la fin du chantier. L'exécutif prévoit en effet de créer une plateforme Internet qui permettra, après avoir renseigné son RIB, son devis et une facture attestant de l'installation, de récupérer somme correspondante.

"Même si l'on délaisse pour l'instant la rénovation globale, c'est une bonne réforme", estime ainsi Marina Offel de Villaucourt, responsable des affaires publiques de GeoPlc, société de conseil en efficacité énergétique. "Elle favorise enfin les énergies renouvelables, comme les chaudières biomasses, et recentre l'aide sur les plus modestes, comme l'avait préconisé la Cour des Comptes en 2018", poursuit-elle.

En réalité, les professionnels ont eu une mauvaise surprise: le barème de remboursement des produits présenté fin septembre n'est plus le même que celui présenté deux mois plus tôt. La nouvelle grille ne prévoit plus un reste à charge de zéro euro pour les plus modestes, comme l'avait promis le gouvernement, mais une prime pouvant couvrir jusqu'à maximum... deux-tiers de la dépense engagée.

"On peut supposer que Bercy soit passé par là..."

"De 8.000 euros pour une pompe à chaleur dans une maison individuelle, le reste à charge tombe à 4.000 euros pour les plus modestes. Idem avec les chaudières à gaz où l'on passe de 1.500 à 800 euros. Par rapport aux engagements, c'est du rabotage des aides !", s'emporte Matthieu Paillot, président de Teksial, spécialiste des économies d'énergie. "On peut supposer que Bercy soit passé par là..." regrette-t-il.

En outre, le gouvernement compte transformer ce crédit d'impôt pour la transition énergétique en prime en deux temps : d'abord, pour les quatre familles de ménages modestes en 2020, puis pour les quatre familles de classes moyennes en 2021.

Selon, le ministère de la Transition écologique et solidaire, "cette mesure est apparue coûteuse et complexe dans son déploiement", nécessitant la création d'une "nouvelle structure à part entière" et le recrutement de "centaines de personnes dédiées". "Cela aurait demandé d'employer 300 personnes, renchérit la députée Marjolaine Meynier-Millefert (LREM), co-pilote du plan de rénovation des bâtiments. Or 300 salaires annuels, c'est autant d'argent qu'on met en moins dans le concret".

Dans ce cas, comment va faire l'Agence nationale de l'habitat pour distribuer la prime l'an prochain puis l'année suivante ? A en croire le gouvernement, l'Anah gère 100.000 dossiers par an. Avec cette réforme, elle devrait en traiter entre... 500.000 et 600.000 par an. "On ne sait pas tout faire d'un coup, reconnaît l'entourage d'un ministère concerné. C'est pourquoi on le fait en deux temps."

Le gouvernement compte toujours atteindre son objectif du Grenelle de l'Environnement, à savoir rénover 500.000 logements par an. Mais la route demeure encore longue avant d'y arriver, tant le manque d'incitations financières risque de freiner les publics les plus fragiles

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Commentaire 1
à écrit le 27/09/2019 à 10:20
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Bref une dérive habituelle oligarchique, c'est comem dans le domaine de la santé tout le monde peut se faire soigner mais il faut payer très cher pour bien se faire soigner laissant donc les pauvres, et donc la classe productrice, j'insiste mais les ...

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