Médicaments : qui de l'Allemagne ou de la France maîtrise le mieux ses dépenses ?

Par Jean-Yves Paillé  |   |  984  mots
La France consacre 492 dollars (415 euros) en moyenne par habitant et pas an, contre 508 dollars (428 euros) côté allemand, selon IMS Health.
Si l'Allemagne consacre une partie moins importante de ses dépenses santé aux médicaments que la France, celle-ci dépense moins par habitants en produits thérapeutiques. Ces dernières années, l'Hexagone a plus serré la vis sur ce type de dépense que son voisin allemand.

La hausse des dépenses de santé dans les pays développés et leur soutenabilité inquiète des institutions comme l'OCDE, en particulier avec l'arrivée de nouveaux médicaments, comme les anticancéreux. En attendant, un rapport publié le 31 juillet, par IMS Health, cabinet de conseil spécialisé dans l'industrie pharmaceutique, montre que les sommes consacrées aux traitements n'explosent pas encore, du moins dans les principaux marchés européens, en comparant les dépenses de cinq pays.

Parmi ceux-ci, le cabinet s'est intéressé à la France et l'Allemagne. Les deux pays sont souvent comparés sur les coûts de production, le taux de chômage,... Mais quid de la maîtrise des dépenses en médicaments, alors que les deux pays consacrent quasiment la même part de PIB pour les dépenses totales de santé (11,1% pour l'Allemagne en 2015 pour un PIB de 3.027 milliards d'euros et 11% pour la France pour un PIB de 2.181 milliards d'euros), et ce depuis près d'une décennie ?

La France a serré la vis

A première vue, l'Allemagne maîtrise mieux ses dépenses en produits thérapeutiques que son voisin. Le pays n'a jamais consacré plus de 10% de ses dépenses santé aux médicaments depuis les années 2000, et y dédiait 9% en 2015. Du côté de l'Hexagone, les produits thérapeutiques représentaient 13,2% des dépenses de santé en 2000. Les différents Ondam (Objectif national de dépenses d'assurance maladie) sont passés par-là, et ont fait chuter ce pourcentage à 9,8% en 2015.

Si l'on s'intéresse aux sommes consacrées à chaque habitant, la France est moins dépensières au prix d'un effort de réduction des dépenses enclenché en 2005. Dix ans plus tard, en 2015, elle consacrait 492 dollars (415 euros) en moyenne par habitant et pas an, contre 508 dollars (428 euros) côté allemand.

Outre-Rhin, on connait en effet depuis 2005 une hausse ininterrompue des crédits alloués aux médicaments par habitant. Plus économe que la France jusqu'à 2014, elle est devenue ensuite plus dépensière.

Certes, on pourrait expliquer cette tendance par la part des "65 ans et plus" plus importante qu'en France (21,24% contre 19,12%). De fait, le vieillissement de la population qui est l'un des principaux facteurs de hausse des dépenses de santé dans les pays développés, puisque les seniors sont plus sujets que le reste de la populations aux maladies chroniques (cancer, affections respiratoires, diabète,...) et donc plus consommateurs de médicaments. Mais en parallèle, les deux pays européens connaissent un vieillissement de la population, avec une dynamique encore plus forte France ces dernières années, comme le montre le graphique ci-dessous tiré des données de la Banque mondiale.

La France a rattrapé l'Allemagne dans les dépenses consacrées aux génériques

Comment expliquer ces dépenses en médicaments en baisse pour la France et en hausse pour l'Allemagne ? Par des économies plus forte pour certaines classes de médicaments du côté de l'Hexagone. Souvent critiquée pour son recours génériques - un moyen de moins recourir aux médicaments de marque en plus onéreux- jugé insuffisant, la France a pourtant réalisé des économies grâces à ces derniers. Le pourcentage des sommes réservées aux génériques a continuellement progressé en France jusqu'à représenter 23% en 2015. La France a même dépassé de quelques dixièmes de points les dépenses ad hoc de l'Allemagne qui stagne depuis plusieurs décennies, comme le montre ce graphique d'IMS Health.

En parallèle, l'Hexagone réalise également des économies plus importantes sur les marques ayant perdu leur brevet, avec près de 12 milliards de dollars entre 2006 et 2015, contre moins de 9 milliards pour l'Allemagne, toujours selon les données d'IMS Health. La France est économe en ce qui concerne les marques présentes sur le marché et protégées par un brevet. Ils ne représentent qu'un milliard de dollars de croissance entre 2011 et 2015, soit quatre fois moins qu'en Allemagne.

Ces économies réalisées dans l'Hexagone passent notamment par des révisions de prix fixées par le Comité économique des produits de santé (CEPS) ou négociées avec les laboratoires pharmaceutiques. Dernier exemple marquant : les prix des traitements curatifs de l'hépatite C. Fixé à 41.000 euros en 2014 pour le Sovaldi, molécule phare de Gilead, ce prix est tombés sous les 30.000 euros fin 2016, poussé par le CEPS, mais également par la concurrence accrue.

La France serre trop la vis pour le lobby pharmaceutique

Ces économies ne font pas que des heureux : elles sont régulièrement déplorées par le Leem, principal lobby pharmaceutique français qui considère que la France met de plus en plus la pression sur les industriels du médicament que ses voisins européens. Ce dernier estime que "les huit premières années qui suivent leur mise sur le marché, les nouveaux médicaments voient leur prix chuter de 50 %". Le CEPS assure réviser ces prix "en cas d'extension d'indication du produit, ou d'évolution significative des prix ou des volumes de ventes constatés chez nos voisins" et potentiellement "après cinq ans de commercialisation sans tenir compte des références internationales".

Par ailleurs, le Leem s'est plaint de voir en 2015 une croissance atone du chiffre d'affaire de l'industrie pharmaceutique (traitements remboursés et non remboursés) sur le sol français, alors qu'en Allemagne cette croissance a été de 6% la même année.

Une question se pose. Cette maîtrise des prix va-t-elle durer avec l'arrivée des nouveaux médicaments ? Les prix des nouveaux traitements et la hausse du nombre de patients dans certaines maladies a augmenté fortement certains postes de dépenses entre 2012 et 2015, pour le moment compensés par des baisses de dépenses dans certains domaines thérapeutiques (hypertension, médicaments antibactériens,...)