Hépatite C : guerre des prix et d'"innovations" entre labos en France

MSD (Merck) lance un traitement contre l'hépatite C avec un prix revendiqué plus compétitif que celui de ses concurrents, Abbvie et Gilead. Mais une nouvelle génération de traitements, capables de soigner tous les génotypes d'hépatite C, devrait arriver prochainement et rebattre les cartes.
Jean-Yves Paillé
Pour 12 semaines de traitements contre l'hépatite C, le prix du Zepatier de MSD grimpera à 28.732 euros par patient.

Un nouvel acteur entre dans le marché juteux des médicaments contre l'hépatite C en France. Il y a une semaine, MSD (Merck) a annoncé avoir trouvé un accord avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), chargé de négocier les tarifs des nouveaux médicaments avec les laboratoires, pour le Zepatier, une association de molécules dont les taux de guérisons dépassent les 90% en moyenne (ils varient selon les génotypes et d'autres facteurs), avance le laboratoire.

Pour trouver sa place dans le marché de l'hépatite C occupé par Gilead et Abbvie, le laboratoire pharmaceutique mise sur un prix plus bas que celui de ses concurrents. MSD a annoncé le prix facial (il s'agit du prix affiché, des remises peuvent être négociées avec la Sécurité sociale, mais le montant accordé est couvert par le secret des affaires) du Zepatier présenté comme "une innovation thérapeutique", lors d'une conférence de presse, jeudi 8 décembre. Pour 12 semaines de traitement, la Sécu devra débourser 28.732 euros par patient. Le Zépatier est capable de guérir les patients touchés par les génotypes 1 et 4 (il en existe 6 au total, ils réagissent différemment au traitement), soit environ 70% des 230.000 malades atteints d'hépatite chronique en France.

Gilead n'est pas inquiet

L'arrivée de MSD ne fait pas frémir Gilead, le plus gros acteur dans ce domaine thérapeutique. Pourtant, le Harvoni couplé au Sovaldi, la deuxième génération de traitements contre l'hépatite C du laboratoire, est également dédiée aux génotypes 1 et 4 et coûte 46.000 euros, soit 37,6% de plus, pour douze semaines. Mais, le Sovaldi associé au Harvoni peut coûter moins cher, assure à La Tribune le président de Gilead France Michel Joly:

"La majorité des patients d'aujourd'hui (pour le génotype 1) peut être guérie de leur virus définitivement en 8 semaines avec un comprimé par jour" et ce "pour un prix facial de 30.667 euros".

Une durée à laquelle le Zepatier ne peut prétendre pour le moment en Europe. MSD espère toutefois l'obtenir.

Autre avantage pour Gilead: la confiance du monde médical: arrivé en France en 2014 avec son premier traitement curatif de l'hépatite C, le laboratoire américain évoque 35.000 patients guéris depuis.

Abbvie veut pouvoir diminuer la durée de son traitement

Abbvie propose quant à lui un traitement de douze semaines, le Viekirax associé à l'Exviera, également pour les génotypes 1 et 4. Coûtant 42.000 euros, il est moins cher que les molécules de Gilead. Le laboratoire chiffre à 2.500-3.000 le nombre de patients guéris grâce à son traitement.

Mais pour ne pas se laisser distancer par MSD, le laboratoire pharmaceutique américain espère obtenir une autorisation pour passer à huit semaines de traitement, boosté par une étude clinique estimant que le taux de guérison atteint 98% pour le sous génotype 1b (il concerne 30% des malades français de l'hépatite chronique) sur cette durée-là.

"Une demande de mise à jour de l'autorisation de mise sur le marché européen est prévue vendredi 9 décembre auprès de l'Agence des médicaments", annonce à La Tribune, un porte-parole d'Abbvie France. "Si nous obtenons cette autorisation, le prix du traitement pourrait passer à 28.000 euros", projette ce dernier. Et être plus compétitif que celui de MSD.

Les professionnels de santé amenés à départager les labos

In fine, ce sont les professionnels de santé qui sont amenés à départager les trois acteurs. "La réunion de concertation pluridisciplinaire est l'occasion de décider de la stratégie thérapeutique à mener. En principe, si deux traitements se concurrencent, la solution la moins onéreuse sera choisie", expose l'hépatologue Christophe Hézode, intervenu lors de la conférence de presse de MSD.

Il faut dire que l'hépatite C est une maladie particulièrement complexe, et le traitement choisi, ainsi que sa durée (elle peut atteindre 16 semaines au lieu de 12 semaines pour le Zepatier par exemple) dépendent de nombreux facteurs: génotype et sous génotype, stade de la fibrose, maladies rénales chroniques, avancées de la maladie...

Par ailleurs, les laboratoires avancent des taux de guérison différents. Abbvie assure par exemple atteindre les 100% de réponse virologique soutenue (virus indétectable pendant 24 semaines) pour le génotype 1b après 12 semaines de traitement. MSD avance un taux de 96% pour les malades de l'hépatite C touchés par le génotype b.

Une nouvelle génération de traitements contre l'hépatite C arrive

Mais certaines molécules pourraient devenir quasiment obsolètes dans les années à venir. Un chamboulement du marché est prévu, et potentiellement une bonne nouvelle pour les malades. Gilead espère lancer en 2017 en France une nouvelle génération de traitements contre l'hépatite C chronique. Avec une nouvelle fois de l'avance sur ses concurrents.

"Nous allons mettre à disposition une troisième avancée de médicament anti-VHC (hépatite C, NDLR) - Epclusa - qui permettra de traiter l'ensemble des patients quel que soit le type de virus ou/et le stade de sévérité de la maladie avec un schéma unique et très simple", avance Michel Joly.

Ce traitement concerne tous les génotypes, donc potentiellement 100% des malades. Néanmoins, le taux de guérison est très variable selon les cas. L'Epclusa a été approuvé par l'Agence européenne des médicaments en juillet. Lors des essais cliniques, le virus n'était plus détecté au bout de 12 semaines chez 94 à 99% des personnes soignées.

Abbvie développe également "un traitement capable de s'attaquer aux six génotypes", nous explique le porte-parole d'Abbvie France. S'il devrait arriver bien plus tard (dans l'optique où il serait approuvé par les autorités de santé) dans l'Hexagone, le laboratoire américain espère dépasser ses concurrents avec une "efficacité proche de 100% (97 à 100% selon une étude de phase II, NDLR) et une durée de traitement de huit semaines", avance la société. Cette molécule est actuellement en phase III.

Interrogé par La Tribune, MSD s'est montré moins prolixe sur le sujet. "Nous avons des molécules en développement dans les traitements contre l'hépatite C", a simplement expliqué Cyril Schiever, président de MSD France.

Jean-Yves Paillé

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Commentaire 1
à écrit le 09/12/2016 à 9:05
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"le secret des affaires" ? ce qui n'est pas secret, c'est les marges des laboratoires, qui sont incroyablement élevées, même si le service rendu n'a pas de prix, c'est vrai, marges qu'aucun homme politique ne veut regarder. Sauf Trump, apparemment.

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