Pourquoi Sanofi menace la direction de Medivation

Sanofi menace de demander la révocation du conseil d'administration de la biotech américaine à ses actionnaires si elle refuse d'entrer en discussion avec lui au sujet de son offre de rachat. Medivation, avec son blockbuster et ses molécules prometteuses en oncologie est devenu une "priorité" de Sanofi. Face à la multiplication des candidats au rachat, le groupe français craint que la biotech américaine ne lui passe sous le nez.
Jean-Yves Paillé
En acquérant Medivations, Sanofi doublerait ses revenus dans l'oncologie.

Pour Medivation, c'est toujours non. La biotech américaine spécialisée dans l'oncologie a rejeté une nouvelle fois l'offre de rachat du géant français, jeudi 5 mai, jugeant que celle-ci sous-évalue la société. La direction de Medivation promet "d'agir selon l'intérêt de ses actionnaires", et assure une nouvelle fois que l'exécution de son plan stratégique apportera "de loin" plus de valeur aux actionnaires. Si, les dirigeants de la biotech américaine sont sur la défensive et cherchent absolument à rassurer les actionnaires, c'est parce qu'un peu plus tôt dans la journée, dans une lettre rendue publique et signée par Olivier Brandicourt, le directeur général de Sanofi, le laboratoire pharmaceutique français s'est montré particulièrement menaçant. Il y assure implicitement que la direction de Medivation n'agit pas dans l'intérêt de ses actionnaires alors que ces derniers sont "extrêmement favorables à une opération" de rachat de Sanofi. Le groupe français fait même du chantage et menace de pousser les actionnaires de Medivation à faire le ménage au sein du Conseil d'administration si des discussions ne sont pas engagées.

"Nous n'avons d'autre choix que de nous tourner directement vers vos actionnaires. Comme vous le savez, vos actionnaires ont la possibilité d'agir à tout moment par accord écrit pour révoquer et remplacer les administrateurs."

Néanmoins, il est difficile de savoir pour le moment si Sanofi détient suffisamment de soutiens chez les actionnaires de Medivation...

Sanofi inquiet de la multiplication des candidats

La tactique de Sanofi est hostile, agressive, mais elle est logique. Si le groupe français a accru sa pression sur Medivation avec cette lettre après avoir essuyé deux refus, dont un annoncé officiellement, c'est parce que la big pharma française n'est plus la seule à avoir des vues sur la biotech américaine spécialisée dans l'oncologie.

Trois big pharmas, dans le top 10 mondial en termes de chiffre d'affaires, lorgnent désormais l'américain. Le Sunday Times révélait mi-avril qu'AstraZeneca avait discuté en interne d'une offre sur Medivation et qu'il pourrait présenter une contre-proposition. Puis, Reuters a dévoilé mardi 3 mai que Pfizer, dont la fusion avec Allergan a avorté, a démarré des discussions avec Medivation, visant également un rachat. Le jour même, lors d'une conférence, le patron du numéro 2 mondial du médicament annonçait la possibilité pour Pfizer de se lancer dans une nouvelle transaction. Celle-ci concernerait une "société solide" fabricant des produits innovants et vendant déjà des médicaments sur le marché. Medivation, producteur d'anticancéreux innovants, semble être à la cible idéale... Le troisième gros candidat à un rachat serait Novartis. Le numéro 1 mondial du médicament étudie une offre, selon des sources proches du dossier. Il s'est renseigné auprès de conseillers sur la valeur de Medivation.

Enfin, jeudi 5 mai, c'est au tour de la biotech américaine Amgen de manifester son intérêt. D'après Bloomberg, elle s'informe auprès de plusieurs conseillers sur l'intérêt de lancer une offre de rachat.

L'offre de Sanofi est inférieure à la valeur de l'action

Aucun de ces laboratoires pharmaceutiques n'a officiellement formulé d'offre, contrairement à Sanofi. Mais ils représentent des concurrents sérieux et pourraient faire réfléchir Medivation, qui a refusé l'offre de Sanofi, l'estimant insuffisamment généreuse. Et Sanofi veut éviter autant que possible de se retrouver en concurrence directe avec ces big pharmas. D'où son empressement à réclamer "un contact immédiat" à la direction de Medivation.

Par ailleurs, Sanofi propose toujours 52,50 dollars par action de Medivation, ce qui représente 9,3 milliards de dollars de valorisation pour la biotech américaine. L'offre pourrait être réévaluée par le groupe si l'américain "accepte un dialogue constructif avec Sanofi" et apporte "la démonstration d'éléments de valeur additionnels". Cette porte ouverte de Sanofi peut s'expliquer par les réticences du conseil d'administration de la biotech américaine, mais aussi par une nouvelle réalité : le bond de l'action Medivation. Le titre est passé de 46,19 dollars le 1er avril, à 60,05 dollars le 5 mai. Sanofi  estime que son offre "représente une prime de plus de 50% sur le cours moyen de l'action avant les rumeurs d'acquisition", mais il est évident que la multiplication des signes d'intérêts des laboratoires concurrents ont également contribué à gonfler le titre. Et il y a fort à parier que d'autres prétendants pourraient proposer une offre en adéquation avec la nouvelle valeur boursière de l'Américain..

Les revenus de Sanofi en oncologie doubleraient avec le rachat de Medivation

En tout cas, Sanofi ne lâchera rien: "L'acquisition de Medivation est une priorité pour Sanofi et "nous sommes déterminés à y procéder". Le groupe français expliquait lors de l'annonce de ses résultats 2015, que l'oncologie représente une activité "importante sur le long terme pour sa future croissance". Or s'il parvenait à racheter Medivation, il obtiendrait un retour "positif immédiat" sur son chiffre d'affaires, notamment grâce au Xtandi, blockbuster de Medivation, et seule molécule de l'américain citée nommément par le français dans un communiqué.

Ce produit destiné au traitement du cancer de la prostate -- deuxième cancer le plus fréquent chez les hommes dans le monde -- a généré environ 1,9 milliard de dollars de chiffre d'affaires en 2015, (+69% sur un an). Selon des analystes, cette molécule pourrait dépasser le médicaments générant le plus de revenus dans ce type de cancer : le Zytiga deJohnson & Johnson (2,2 milliards de revenus en 2015). En acquérant Medivation, Sanofi doublerait ses revenus dans l'oncologie. Au premier trimestre 2016, dont les résultats ont été publié le 5 mai, les revenus issus du Xtandi ont atteint les 547 millions de dollars (+57% sur un an). Cette molécule deviendrait le blockbuster numéro 2 de Sanofi, avec le Lantus, une insuline représentant 1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires au premier trimestre 2016 pour le français.

Jean-Yves Paillé

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