Sécu : sur qui va reposer la baisse du déficit de 3 milliards d'euros en 2018 ?

Par Jean-Yves Paillé  |   |  833  mots
La ministre a annoncé une augmentation du forfait hospitalier (participation forfaitaire pour les actes dépassant un certain tarif), qui va passer de 18 à 20 euros. Celui-ci n'avait pas été augmenté depuis 2010.
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2018 prévoit une réduction du déficit à 2,2 milliards d'euros, grâce à d'importantes économies de l'Assurance maladie. L'industrie du médicament, les hôpitaux et les mutuelles seront particulièrement sollicités.

Le gouvernement maintient son objectif de retour à l'équilibre du régime général en 2020. Alors que la Commission des comptes attend un déficit de 5,2 milliards d'euros pour 2017, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2018) présenté jeudi 28 septembre vise une diminution de celui-ci à 2,2 milliards. Et pour trouver ces trois milliards d'euros, le gouvernement mise beaucoup sur la branche maladie, avec 4,165 milliards d'euros d'économies prévu pour limiter son déficit à 800 millions d'euros l'année prochaine. C'est 115 millions de plus que le précédent PLFSS. Un effort sans précédent.

Les mutuelles mises à contribution

Une des nouveautés de ce PLFSS, c'est l'effort demandé par la ministre des Solidarités et de la Santé Agnès Buzyn et le ministre de l'Action et des comptes publics Gérald Darmanin aux mutuelles. La ministre a annoncé une augmentation du forfait hospitalier (participation forfaitaire pour les actes dépassant un certain tarif) de deux euros. Il passera à 20 euros. Celui-ci n'avait pas été augmenté depuis 2010.

"Le forfait hospitalier représente 200 millions d'euros supplémentaires pour les mutuelles. La part des mutuelles dans la santé a régulièrement diminué alors que celle de l'Assurance maladie obligatoire a diminué", a-t-elle dit. Mais sont-ce vraiment les assureurs privés qui vont payer ou les Français avec des augmentations de cotisations de ces derniers ? "[Les mutuelles] verront les actes à rembourser et ce qu'elles jugent superflu", prévoit Agnès Buzyn. En colère, les mutuelles évoquent quant à elles de possibles hausses des tarifs des contrats, ce qui "punira" en particulier les "plus pauvres". Autre mesure qui va peser sur les organismes complémentaires : leur participation au financement de la convention médicale pour 100 millions d'euros au total.

A noter qu'il n'y a pas encore de trace dans le PLFSS de la prise en charge à 100 % des lunettes, des prothèses dentaires et des prothèses auditives promise par Emmanuel Macron. Les négociations démarrent avec les acteurs concernés, explique Agnès Buzyn.

Un effort soutenu demandé aux industriels de la santé

Outre ces quelques nouveautés, la plupart des mesures du PLFSS 2017 concernant la branche maladie ont été reprises. L'année dernière, les économies touchant les entreprises du médicament et les fabricants de dispositifs médicaux atteignaient les 1,8 milliard d'euros directement ou indirectement, en ajoutant la Contribution du fonds de financement de l'innovation pharmaceutique. Si l'on compte toutes les économies qui pourraient impacter les industries de la santé (dont la promotion des génériques touchant les ventes de certaines marques de médicaments), cela tourne autour de 1,7 milliard d'euros dans le cadre du PLFSS 2018.

Le gouvernement demande un effort encore soutenu aux industriels de la santé avec des économies directes de 1,49 milliard d'euros (contre 1,43 milliard en 2017). L'objectif de baisse des prix des molécules pour 2018 recule de 20 millions d'euros sur un an avec 480 millions d'euros visés. Les remises (rabais accordés par les industriels à l'Assurance maladie) également. Elles passent à 210 millions d'euros au total pour l'année prochaine, contre 250 millions en 2017.

Toutefois, le gouvernement pourrait serrer la vis sur les remboursements. Un certain nombre de produits thérapeutiques devraient être déremboursés l'année prochaine (180 millions d'euros d'économies inscrits dans le PLFSS) suite à des ré-évaluations de la Haute autorité de santé, a précisé la ministre. Elle a annoncé qu'un service médical insuffisant donnerait lieu à un déremboursement. "C'est un choix scientifique de la Haute autorité de santé." Des remboursements de molécules comme celles contre Alzheimer (l'Aricept, l'Exelon, le Reminyl et l'Ebixa) semblent être à nouveau sur la sellette.

Les hôpitaux fortement sollicités

Les hôpitaux devront dégager à eux seuls plus d'un milliard d'euros. Et ce, grâce à l'optimisation des achats et des dépenses (575 millions), des économies dans les services (50 millions), et 390 millions sur les traitements dans les listes en sus (pris en charge par l'Assurance maladie alors qu'ils ne sont pas inclus dans le forfait de soins des établissements hospitalier) et ceux bénéficiant d'une autorisation temporaire d'utilisation. Une mesure qui pourrait impacter les laboratoires et potentiellement les patients si certains médicaments radiés de la liste en sus ne sont plus couverts par les hôpitaux....

Lutte contre les fraudes, contrôle des arrêts de travail,...

Parmi les autres mesures phares, Agnès Buzyn et Gérald Darmanin espèrent également économiser dans la branche maladie : 165 millions d'euros avec un renforcement du contrôle des prescriptions d'arrêt de travail.

La lutte contre la fraude à l'Assurance maladie (estimée à 245 millions d'euros en 2016) sera à nouveau à l'ordre du jour avec un objectif à 90 millions d'euros, proche de celui du gouvernement précédent.

Les médecins seront également mis à contribution avec 320 millions d'euros d'économies visées par la maîtrise des volumes de prescription en médicaments, l'utilisation raisonnée des actes de biologie et d'imagerie notamment (225 millions d'euros) ; 65 millions d'euros sont également visés avec les cotisations des professionnels de santé.