Le colmatage va-t-il tenir ? BP s'est refusé à confirmer jeudi le succès de sa dernière opération visant à cimenter le puits à l'origine de la gigantesque marée noire dans le golfe du Mexique. Le groupe pétrolier britannique se donne 24 à 48 heures pour s'exprimer sur la situation.
Selon l'amiral Thad Allen des garde-côtes américains, cité par le Los Angeles Times, le pétrole a cessé de s'écouler du puits accidenté. Un porte-parole de BP s'est borné à indiquer que les opérations se poursuivaient. Les ingénieurs de la compagnie pétrolière ont expliqué qu'ils allaient injecter des fluides épais dans le puits, puis du ciment, dans l'espoir de l'obstruer. La fuite se situe à 1.600 mètres sous le niveau de la mer etcette opération que les experts appellent "top kill" n'avait jamais été tentée à une telle profondeur.
Le gouvernement américain exerce d'intenses pressions sur la compagnie britannique pour qu'elle mette fin rapidement à ce qui risque de devenir une catastrophe écologique sans précédent aux Etats-Unis, où elle suscite une tempête politique. Des experts de Washington ont estimé jeudi que 12.000 à (1,9 million de litres) à 25.000 barils de brut (près de 4 millions de litres) s'échappaient chaque jour dans les eaux du golfe du Mexique. BP en reste à 5.000 barils (800.000 litres). A titre de comparaison, l'Exxon Valdez échoué en 1989 sur un récif du Prince William Sound, en Alaska, avait laissé s'écouler dans la mer 260.000 barils (41,3 millions de barils) au total.
L'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA) a estimé jeudi que la compagnie pétrolière BP ne faisait pas tout le nécessaire pour envisager d'utiliser dans le golfe du Mexique d'autres produits dispersants peut-être moins nocifs. BP utilise le Corexit, un produit chimique dispersant qui agit en surface et sous l'eau, pour briser la nappe de pétrole. "Il apparaît que BP semble s'intéresser davantage à sa décision initiale (ndlr, utiliser du Corexit) plutôt que d'analyser d'autres options peut-être meilleures", a dit Lisa Jackson, administratrice de l'EPA, lors d'une audition au Congrès. Selon elle, la compagnie a utilisé à ce jour 850.000 gallons de Corexit (environ 3,2 millions de litres).
Ce produit dispersant a pour effet de "briser" la nappe de pétrole en gouttelettes qui coulent sous la surface de l'océan, où des bactéries peuvent naturellement les consommer. Sans dispersants, les nappes de pétrole restent à la surface de l'eau, et les bactéries n'ont aucun effet. Le problème, selon Jackie Savitz, chercheuse au groupe de recherche maritime Oceana, c'est que ces produits chimiques ne sont pas anodins et peuvent avoir eux-mêmes des effets nocifs pour la faune et la flore, voire accroître la toxicité du pétrole lors du processus de dispersion.
Parallèlement, Barack Obama a annoncé la prorogation pour six mois du moratoire sur les permis d'exploration pétrolière en mer, le temps qu'une commission indépendante rende ses conclusions sur les origines de la marée noire du golfe du Mexique.
Cette mesure, que le président américain devait annoncer lors d'une conférence de presse à la Maison blanche, entraînerait notamment le gel de projets d'exploration au large de l'Alaska, selon un sénateur démocrate de l'Etat Mark Begich.
La fuite dans le golfe du Mexique menace certaines des plus riches pêcheries des Etats-Unis et a déjà souillé près d'un quart des 644 kilomètres de littoral que compte la Louisiane. Les analystes estiment que la catastrophe risque en outre de coûter des voix aux démocrates lors des élections de mi-mandat, en novembre.
La compagnie, qui a perdu plus d'un quart de sa capitalisation boursière depuis l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon le 20 avril, qu'elle louait au spécialiste du forage Transocean, a vu son cours d'action reprendre 5% à l'annonce du succès de son opération "top kill".
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