10 choses essentielles à savoir pour (tenter de) comprendre la polémique sur le diesel

Par latribune.fr  |   |  1185  mots
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Le débat fait rage. Mais la question est, il faut le dire, sensible. Le diesel a-t-il vocation a se voir appliquer la même fiscalité que l'essence ? Pourquoi le sujet vient-il une fois de plus sur le devant de la scène ? La Tribune dresse la liste des 10 informations à connaitre pour se faire une opinion sur un sujet à la fois technique, politique et environnemental.

Le débat fait rage. Mais la question est sensible. Le diesel a-t-il vocation a se voir appliquer la même fiscalité que l'essence ? Pourquoi le sujet vient-il une fois de plus sur le devant de la scène ? La Tribune dresse la liste des 10 informations pour (tenter de) se faire une opinon sur un débat à la fois technique, politique et environnemental.

  • Pourquoi le débat resurgit-il aujourd'hui ?

C'est un rapport de la Cour des comptes daté du 1er mars et publié par Libération qui a relancé le débat. Les Sages de la rue Cambon remettent en cause le régime fiscal dérogatoire dont bénéficie le diesel (un prix à la pompe plus bas, une déduction de TVA sur la location de véhicules, etc.). Le litre de gazole est taxé à 0,42 centime d'euro contre 0,6 centime pour le litre d'essence. Le prix à la pompe s'en ressent puisqu'il est de 1,41 euro le litre contre 1,65 euro pour le SP98. La Cour des comptes déplore un double effet négatif. D'une part, cette taxation retarde la transition énergétique et d'autre part elle entraîne un manque à gagner fiscal.

  • Pourquoi le gouvernement s'y intéresse tant ?

Parce qu'il faut trouver trois milliards d'euros au titre de la fiscalité écologique pour financer le crédit d'impôt pour les entreprises annoncé en novembre dernier. L'Etat cherche 6 milliards d'euros de recettes fiscales afin de conserver "la stabilité fiscale," selon les termes employés par le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, à propos du budget 2014.

  • Que rapporte la fiscalité sur le gazole ?

La différence de taxation entre le diesel et l'essence aurait représenté un manque à gagner de près de 7 milliards en 2011. Le Journal du Dimanche avançait début février qu'une hausse de 2 centimes d'euros par an sur la fiscalité du gazole pourrait intervenir dès 2014, et ce jusqu'en 2016, rapportant quelque 1,8 milliard d'euros aux caisses de l'Etat. Pierre Moscovici a toutefois assuré ce dimanche 3 mars que la question d'un alignement de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence n'était pas à l'ordre du jour. Et d'ajouter que rien ne serait décidé avant l'examen de la loi de finances pour 2014 à l'automne.

  • Une prime à la reconversion ?

Cette idée est défendue par Arnaud Montebourg et Delphine Batho. Les industriels y sont très favorables puisque l'idée consiste à inciter les détenteurs d'un véhicule ancien à troquer leur vieux modèle pour un autre plus récent et donc plus propre puisque depuis janvier 2011, le filtre à particules est obligatoire. Selon le ministre du Redressement productif ces véhicules anciens (de plus de 12 ans) qui seraient candidats à la "prime à la reconversion" représenteraient 27% du parc automobile. Selon Les Echos de ce lundi, le calcul est pourtant sans appel : pour financer une prime, il faudrait remonter le prix du gazole de 20 centimes le litre. Cette éventualité est donc pour l'instant écartée par l'Elysée et Matigon.

  • Le diesel est-il cancérogène ?

Le diesel serait en théorie moins néfaste pour la couche d'ozone. Les véhicules fonctionnant au diesel émettent en effet moins de CO2 (dioxyde de carbone) que l'essence mais plus de dioxyde d'azote - à l'origine de certains cancers de la vessie - et des particules fines nocives pour la santé. Celles-ci agraveraient le risque de cancer du poumon. Ce sont d'ailleurs ces particules que l'OMS dénonce. Le Circ, l'agence pour le cancer de l'OMC avait classé le diesel dans la catégorie des "cancérogènes certains" en juin dernier tandis que l'essence reste dans la catégorie "2B" des substances "peut-être cancérogènes" .

L'OMS évoque 42.000 décès liés aux particules fines chaque année dans l'Hexagone. Des particules dont les rejets émis par les véhicules diesel sont en partie responsables. Mais pas seulement. De fait, d'après le ministère de l'Ecologie, les responsables seraient aussi à chercher du côté du chauffage au bois, des fumées d'usines et de l'agriculture. Les transports ne représenteraient ainsi que 14% des émissions (mais 45% en Ile-de-France) de ces particules.

Or, selon des sources proches du dossier citées par Les Echos, seuls 2,8 millions de véhicules sur les 16,5 millions de voitures diesel en circulation seraient équipés d'un filtre à particules. Ce qui n'est obligatoire que depuis 2011.

  • Quels sont les enjeux industriels ?

Renoncer au moteur diesel reviendrait à renoncer à... la moitié de la production automobile de PSA. Il faut dire que le moteur diesel a constitué le fer de lance des constructeurs tricolores. Rappelons que, selon la Cour des comptes, le parc automobile français est composé à 60% de véhicules diesel, en raison des incitations passées - notamment fiscales - en faveur de ce type de moteur. Et le diesel a représenté 72% des nouvelles immatriculations en 2012. PSA est le numéro deux mondial des moteurs diesels après le groupe Volkswagen. De son côté, Renault construit plus de moteurs diesels qu'il ne vend de voitures puisqu'il fournit Nissan et même Mercedes avec son 1,5 dCi. Carlos Ghosn indiquait récemment que 40% des moteurs produits par l'usine de Cléon (Seine-Maritime) sont destinés à son allié japonais.

  • Quelles conséquences pour les petites voitures ?

Les constructeurs craignent de subir la double peine si en s'attaquant aux moteurs diesels, la réglementation s'en prend également aux petites voitures, segment de référence des Français. Ce segment est soumis à une très forte concurrence sur le marché européen, et tout se joue sur le prix. Or, avec les nouvelles réglementations européennes, ces voitures doivent intégrer de nouveaux équipements qui vont renchérir leur prix ou augmenter les charges de développement. Ainsi, les constructeurs doivent investir davantage sur les petits moteurs afin de respecter les nouveaux objectifs d'émission de CO2. L'obligation d'installer un filtre à particule depuis janvier 2011 est également un coût supplémentaire.

  • Quid du marché de l'occasion ?

Le débat sur les moteurs diesels arrive au plus mauvais moment. Les atermoiements du gouvernement ne sont pas sans conséquence sur la prise de décision d'achat automobile. L'achat d'une voiture résulte souvent d'un calcul économique très rationnel puisque celui-ci constitue un actif pour le foyer. Or, si le diesel perd son avantage comparatif face à l'essence, c'est la valorisation de cet actif qui se voit modifié. La cote de ces véhicules sur le marché de l'occasion serait revue à la baisse. En attendant, les acheteurs de véhicules neufs pourraient attendre que le gouvernement tranche la question du diesel avant de passer à l'achat...

  • Quel rôle joue le diesel dans la balance commerciale ?

En ajoutant le coût fiscal du diesel aux importations de ce carburant, la facture commence à devenir élevéee. D'après Delphine Batho, la France qui ne raffine pas de gazole, en importe chaque année pour près de 13 milliards d'euros. Une situation qui est à peine équilibrée par les exportations d'essence, si on en croit un rapport des douanes, puisque celles-ci avaient enregistré un excédent de 3 milliards d'euros en 2011.

Lire aussi : Diesel: les divergences entre Batho et Montebourg