Bruxelles présente un projet pour labelliser « vert » le nucléaire

Par Eric Benhamou  |   |  774  mots
Le nucléaire, qui bénéfice d'un regain d'intérêt dans le monde, fournit 70% de l'électricité en France. (Crédits : Reuters)
Le texte fixe des critères permettant de classer comme « durable » les investissements dans les centrales nucléaires ou à gaz naturel pour la production d’électricité. Ce projet s’inscrit dans l’objectif européen de neutralité carbone à l’horizon 2050. C’est une victoire pour la France pour souhaite relancer son programme nucléaire face à de nombreux pays européens hostiles à l’atome, comme l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique ou le Luxembourg.

La décision sur la taxonomie européenne, un système de classement pour une finance durable, est prise. Bruxelles a dévoilé, samedi 1er janvier, son projet de texte visant à qualifier d'investissement « vert » les centrales nucléaires et au gaz naturel. Cette décision, prise après un an de bataille entre les gouvernements européens, permettra de faciliter le financement de centrales nucléaires et à gaz, désormais qualifiées de respectueuses de l'environnement, dans le cadre de l'objectif européen de neutralité carbone d'ici 2050.

« Compte tenu des avis scientifiques et des progrès technologiques actuels, ainsi que de la diversité des défis liés à la transition auxquels sont confrontés les États membres, la Commission estime que le gaz naturel et le nucléaire ont un rôle à jouer pour faciliter la transition vers un avenir essentiellement fondé sur les énergies renouvelables », a souligné la Commission européenne dans un communiqué.

Les États membres et un groupe d'experts doivent désormais examiner le projet, qui pourrait être modifié avant sa présentation dans les quinze jours, avant un texte définitif prévu avant la fin janvier. Le Parlement européen aura cependant la possibilité de rejeter le texte par un vote à la majorité simple, dans un délai de quatre mois.

Une victoire pour la France

Ce projet de l'exécutif européen est incontestablement une victoire pour la France, où le nucléaire fournit déjà 70 % de son électricité, et qui souhaite relancer son programme nucléaire.

La France, notamment, où le nucléaire fournit 70% de l'électricité, milite activement pour l'intégration du nucléaire dans la "taxonomie verte" de l'UE. Elle s'oppose sur ce point à l'Allemagne, qui a entériné l'abandon du nucléaire après l'accident de Fukushima en 2011, ou à l'Autriche.

D'autres pays d'Europe centrale, comme la Pologne ou la République Tchèque, toujours très dépendants du charbon, souhaitaient également une initiative dans ce sens. Cette classification (sous conditions quand même) du nucléaire et du gaz naturel permettront de réduire les coûts de financement de ces centrales, alors que les investisseurs exigent de plus en plus de label « vert » dans leurs portefeuilles.

A l'inverse, certains pays, comme l'Allemagne, l'Autriche et le Luxembourg, ont ardemment milité en faveur de l'exclusion de l'atome dans la classification « verte » des énergies. Ces pays, menés par l'Allemagne qui a entériné l'abandon du nucléaire après la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011, sont engagés dans des stratégies de sortie de nucléaire dans leur approvisionnement énergétique. Ils ont été récemment rejoints par la Belgique.

Les associations et partis écologistes s'oppose également à cette décision de Bruxelles de classer comme « durables » les investissements dans les centrales nucléaires, en raison de la production de déchets radioactifs, dont le stockage sur très longue durée, reste un casse-tête, des risques d'accidents mais aussi d'un coût de production croissant, supérieur à celui des énergies renouvelables.

Le Fonds mondial pour la nature (WWF) en Autriche a déclaré sur Twitter que la classification du gaz et du nucléaire d'écologiques conduirait à « des investissements de plusieurs milliards dans des industries nuisibles au climat ». Les pro nucléaires jugent en revanche que les énergies renouvelables ne peuvent répondre seules aux besoins en électricité de l'Europe.

Un classement sous conditions

Toutefois, l'inclusion du gaz naturel et du nucléaire sera soumise à des conditions claires et strictes. Le projet de la Commission européenne propose ainsi de qualifier d'écologiques les investissements dans les centrales nucléaires si le projet dispose notamment de fonds et d'un site pour éliminer les déchets radioactifs en toute sécurité.

Pour être considérées comme "vertes", les nouvelles centrales nucléaires doivent recevoir un permis de construire avant 2045. Concernant les travaux permettant de prolonger la durée de vie des centrales existantes, ils devront être engagés avant 2040. Des garanties dans le traitement des déchets et le démantèlement des centrales en fin de vie sont également exigées.

De même, les investissements dans les centrales au gaz naturel, qualifié d'énergie de transition, seront considérés comme "verts" si ces dernières émettent des émissions inférieures à 270g d'équivalent CO² par kilowattheure, à condition qu'elles remplacent une centrale à combustibles fossiles plus polluante et reçoivent un permis de construire avant le 31 décembre 2030. Après 2030, les centrales au gaz naturel devront émettre moins de 100g d'équivalent CO² par kWh, un seuil qui ne peut pas encore être atteint avec les technologies existantes.

(avec Reuters)