Energie verte : EDF et Paprec vont passer du charbon aux granulés dans la centrale de Cordemais

Lauréats de l’Appel à Manifestation d’Intérêt lancé par le gouvernement pour convertir la centrale à charbon de Cordemais à la biomasse, le groupe Paprec spécialiste du recyclage et de la valorisation des déchets, et l’énergéticien EDF s’attèlent à la co-construction d’une première française : produire des granulés de bois pour alimenter la centrale électrique. Une innovation que le groupe Paprec espère dupliquer ailleurs en France et en Europe… de l’Est où les productions d’énergie à charbon pullulent.
Avec ses deux tranches de 600 MW, la centrale thermique de Cordemais, utilisée pour subvenir aux pics de besoins dans l'Ouest de la France a, l’an dernier, produit 1,7 Twh contre 2,6 Twh en 2021.
Avec ses deux tranches de 600 MW, la centrale thermique de Cordemais, utilisée pour subvenir aux pics de besoins dans l'Ouest de la France a, l’an dernier, produit 1,7 Twh contre 2,6 Twh en 2021. (Crédits : Frédéric Thual)

C'est un projet aux enjeux multiples. A la fois écologique, technique, administratif et financier qui se dessine dans la Basse-Loire. « Pour EDF, c'est un transfert de savoir-faire, la mise à disposition d'un brevet et de foncier mais le chef de file de l'opération, c'est le groupe Paprec », résume Michel Durand, directeur de la centrale thermique EDF de Cordemais. Mise en service en 1970, elle est l'une des deux dernières centrales à charbon en activité en France. Vouée à une fermeture annoncée pour 2022, elle tient son salut ... à la crise énergétique et à l'expérimentation Ecocombust menée dès 2016 pour remplacer le charbon, son combustible, par des blacks pellets - des granulés- conçus à partir de bois de récupération. Un combustible neutre en CO2. De quoi respirer... jusqu'à ce que Suez (Veolia), partenaire de l'opération, jette l'éponge. Dès lors, faute de réunir les conditions garantissant un prix attractif des pellets, EDF abandonne le projet en juillet 2021. Au grand dam des salariés et du syndicat CGT qui ne l'entendent pas de cette oreille et vont inciter et convaincre EDF de trouver un nouvel industriel.

200 à 400 millions d'euros d'investissement

Les discussions  reprennent en janvier 2022 entre l'énergeticien et le Ministère de de la transition écologique. Un mois plus tard, ce dernier lance un appel à manifestation d'intérêt pour le développement « d'usines de granulés de biomasse traités thermiquement prioritairement issus de déchets de bois». Fin 2022, le projet défendu par le groupe Paprec, spécialiste du recyclage et la valorisation des déchets, et EDF est validé par le Ministère et l'Ademe. « Sans EDF, nous n'y serions pas allés », reconnaît Stéphane Leterrier, vice-président du groupe Paprec, en charge de département Paprec Energies, né il y a un an et demi. « Tout n'est pas réglé, loin de là. Nous avons encore beaucoup d'obstacles techniques, légaux, administratifs et financiers devant nous, mais l'un comme l'autre, avons la volonté d'avancer», affirme-t-il, chiffrant ce projet entre 200 et 400 millions d'euros. Un investissement où l'industriel espère décrocher 20% à 40% de financements publics, dont la région des Pays de la Loire qui se serait dite favorable au projet.

Une société commune

Pour mener à bien cette ambition, les deux partenaires ont convenu de se réunir au sein d'une société commune, qui devrait être prochainement constituée et être, vraisemblablement détenue majoritairement par Paprec. Il s'agira aussi de négocier les conditions d'utilisation (rachat, licence... )du brevet détenu par EDF sur le process de fabrication des black pellets. «Nous sommes d'accord sur les grands principes. Un partenariat cadre est à construire pour définir les engagements techniques, juridiques, financiers », reconnaît Stéphane Leterrier, qui ne cache pas son intention de dupliquer l'opération sur deux ou trois autres sites en France, notamment sur des réseaux de chaleurs fonctionnant encore au charbon. « Mais aussi en Europe de l'Est, et en particulier en Pologne où Paprec est présent, et où quatre cents réseaux de chaleur et usines fonctionnent encore au charbon. L'idée est  de développer une filière d'excellence en France dans le domaine de la valorisation des déchets», esquisse-t-il, alors que selon lui, sur les quatre millions de déchets de bois B produits en France, une grande partie est aujourd'hui valorisée en Italie ou en Allemagne. "Pas très cohérent en termes de limitation d'émission carbone", remarque-t-il, espérant flécher 10% de la production française vers Cordemais.

black Pellet

(Production de black pellet - PhotoVjoncheray EDF)

Trois hectares de foncier réservés

Pour le dirigeant de Paprec, les travaux de l'unité de production de Cordemais pourraient démarrer au premier semestre 2024 et ainsi passer de l'expérimental au stade industriel. « Le permis de construire devrait être déposé en avril ou mai prochain », estime Gwenaël Plagne délégué syndical CGT, fortement impliqué dans le projet, qui permettra de maintenir les quelques 330 emplois directs et la création de 60 à 80 emplois sur le site de Cordemais, où les salariés conserveront leur rattachement aux Industries Électriques et Gazières (IEG). A l'issue d'un an et demi de travaux, la montée en puissance progressive dépendra de la vitesse de conversion du site qui pourrait être 100% opérationnel à l'énergie verte dès 2026. « Déjà, lors de nos essais, nous sommes parvenus à atteindre un mix avec 87% de pellets », assure Gwenaël Plagne.

A Cordemais, aux abords du site de la centrale, trois hectares, occupés par des réservoirs de stockage de combustible désaffectés depuis 2018 ont d'ores et déjà été réservés par EDF pour le projet de construction d'une usine de production de «black pellet ». Ce combustible vert, conçu à partir de déchets de bois de construction et de mobilier, devra progressivement remplacer le charbon jusqu'ici englouti par la centrale, appelée à la rescousse pour subvenir aux besoins énergétiques de l'Ouest de la France cet l'hiver. Avec ses deux tranches de 600 MW, elle a, l'an dernier, produit 1,7 Twh contre 2,6 Twh en 2021. « On a plutôt moins consommé. Signe que le réseau a plutôt bien résisté », observe le directeur de la centrale Michel Durand. Par prudence, les importations de charbons transitant par le Grand port de Nantes ont, néanmoins, avec 1,2 millions de tonnes, augmenté de +51% en 2022 (0,8 Mt en 2021 et 0,2 Mt en 2020). En investissant 10 millions d'euros dès cette année dans l'adaptation des chaudières, EDF estime pouvoir absorber 20% de black pellets, produits par le prototype installé sur la centrale ou achetés chez un fournisseur, en 2023.

Un modèle économique équilibré

L'énergéticien qui envisage de monter progressivement en puissance la part de biomasse devrait encore investir 10 millions d'euros en 2025 pour atteindre les 40% de blacks pellets et 80 millions, les années suivantes pour fonctionner à 100% avec de la biomasse. « Tout dépendra des besoins affichés par RTE, qui devrait publier, au printemps prochain, son rapport de visions pluriannuelles sur les besoins en énergie pilotable et dispatchable », explique Michel Durand. « En tous cas, industriellement , on se donne les moyens d'être prêt pour répondre au besoin du gestionnaire du réseau. Et on se prépare à pouvoir fonctionner à 100% de pellets avant 2030 et d'avoir la capacité de lui fournir les GW  faiblement émetteurs en CO2 », dit-il. Sans vouloir en détailler la forme et les dimensions pour des raisons de confidentialité, Paprec Energies estime pouvoir absorber 200.000 tonnes de déchets de bois B pré-broyés provenant des régions Bretagne, Pays de la Loire et Centre-val de Loire pour produire les quelques 160.000 tonnes de pellets, nécessaires aux heures de fonctionnement voulues pour les deux tranches de 600 MW dont la puissance calorifique est légèrement inférieur (-20%) au charbon. «En terme de puissance calorifique, une tonne de pellets équivaut à huit cents kilos de charbon », précise Michel Durand. L'intérêt, c'est surtout qu'avec le mécanisme des taxes Co2 appliquées au charbon, le coût d'achat du black pellet devient compétitif. « Et sans émission de CO2 fossile ! » acquiesce Gwenaël Plagne.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 21/02/2023 à 19:08
Signaler
Ce type de centrales affiche toujours une haute vertu écologique, mais sont aussi toujours situées non loin de la mer, pour pouvoir recevoir le combustible venu de l'autre côté de l'Atlantique. Leurs émissions de polluants font toujours l'objet de dé...

le 23/02/2023 à 13:26
Signaler
Quelles sources ? Le bois n'est pas un combustible neutre en CO2 puisqu'en le brulant il relibère du CO2!!!! Je me trompe??

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.