Le plan du gouvernement pour se débarrasser des chaudières au fioul

Par César Armand  |   |  1045  mots
Le gouvernement veut remplacer en deux ans 600.000 des 3 millions chaudières au fioul par des chaudières à bois, à gaz haute performance ou par des pompes à chaleur. (Crédits : Pixabay.com - TBIT)
Aux côtés de représentants d'EDF, d'Effy, d'Engie et de Total, les ministres François de Rugy et Julien Denormandie ont précisé, ce 24 janvier 2019, comment les Français allaient pouvoir améliorer leur mode de chauffage.

Une énergie "chère, étrangère et polluante". C'est ainsi que le Premier ministre qualifiait le fioul le 15 novembre dernier sur RTL. "L'État a placé les Français dans une situation de dépendance" avait souligné Édouard Philippe qui annonçait sa suppression à dix ans. Issu du raffinage du pétrole, ce combustible, dont le coût fluctue selon les prix du baril, demeure en effet une source importante d'émissions de CO2.

C'est pourquoi ce 24 janvier 2019 le ministre d'État chargé de la Transition écologique et solidaire et le ministre de la Ville et du Logement ont dévoilé les contours de la prime à la conversion des chaudières au fioul. En théorie, l'objectif est simple : en remplacer en deux ans 600.000 sur 3 millions par des chaudières à bois, à gaz haute performance ou par des pompes à chaleur.

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Dans la pratique, acteurs publics et privés mobiliseront leur ingénierie et leurs services  afin que les Français s'y retrouvent dans la jungle des incitations et surtout pour qu'ils dépensent le minimum. "En cumulant les différentes aides, les foyers les plus modestes arriveront à un investissement limité à un euro", a promis François de Rugy. "Aujourd'hui, c'est une vraie galère de trouver les moyens de financer le reste-à-charge. Demain, ce dernier sera au prix d'une baguette de pain", a renchéri Julien Denormandie.

Un coup de pouce à l'installation, des économies sur les factures

Dès le 21 décembre 2018, la directrice générale d'Engie, Isabelle Kocher, avait annoncé à La Tribune qu'elle travaillait pour la mi-janvier sur "une offre simple et packagée intégrant le remboursement mensuel d'une nouvelle chaudière, qui sera d'un montant inférieur aux économies d'énergies réalisées". Ce 24 janvier, son DG France BtoC a dévoilé deux offres : l'une à 1 euro pour les plus modestes, l'une à 299 euros pour les ménagers modestes avec, à la clé, entre 200 à 300 euros économisés par an. "3.500 techniciens de terrain ont été formés" a assuré Hervé-Matthieu Ricour. "On ne peut plus opposer transition écologique et pouvoir d'achat."

Autour des deux ministres, se trouvait également Henri Lafontaine, directeur exécutif d'EDF chargé des services énergétiques, qui a annoncé, pour le 20 février, des primes entre 3.500 et 5.500 euros avec "un accompagnement personnalisé pour monter le projet". Ou encore Alexis Vovk, président de Total Marketing France, qui veut éviter à ses clients"d'avoir à débourser de l'argent lors de l'installation" avec des résultats approchant les 15 à 20% d'économies sur les prochaines factures. Sans oublier Frédéric Utzmann d'Effy dont le groupe coordonnera le financement et apportera une garantie technique aux particuliers.

Déjà des pistes pour aller plus loin

D'autres entreprises pourront aussi rejoindre le mouvement, ont ajouté les deux ministres.

"Nous devons construire les offres et les mettre sur le marché afin que les travaux aient lieu", explique à La Tribune Franck Annamayer, président du groupement des professionnels des certificats d'économie d'énergie (GPCEE). "Il faudra donc qu'on soit vigilants sur le matériel installé afin que cela ne crée pas un appel d'air pour des produits bas de gamme."

Contactée, la députée (LRM) de l'Isère, Marjolaine Meynier-Millefert, co-pilote du plan de rénovation énergétique des bâtiments, veut déjà "aller plus loin" "Qu'on permette aux plus précaires de rénover l'ensemble de leur logement individuel pour un euro". À propos de ce montant, elle demande par ailleurs au gouvernement de "faire une bonne communication". Le cas échéant, "les gens risquent de ne pas y croire".

Plus de 18 milliards d'euros pour l'habitat collectif

Ce dispositif concerne le logement individuel et non l'habitat collectif. La question sur cette différence de traitement agace le ministre de la Ville et du Logement : "En France, on a tendance à voir le verre à moitié vide qu'à moitié plein". Julien Denormandie a alors rappelé que l'enveloppe pour la rénovation des quartiers prioritaires est passée de 5 à 10 milliards d'euros, que le programme "Action Cœur de ville" visant à revitaliser 222 centres-villes est doté de 5 milliards et que le plan "Initiative copropriétés" pour réhabiliter voire détruire du dégradé est abondé à hauteur de 3 milliards.

Sans oublier l'avantage fiscal dit "Denormandie dans l'ancien" introduit dans le projet de loi de finances 2019. Il permet aux investisseurs de bénéficier d'une déduction de 12 à 21% de leur impôt sur le revenu selon que leur bien est loué 6, 9 ou 12 ans. La condition : réaliser un montant de travaux représentant 25% du total de l'opération (dans la limite de 300.000 euros) et ce dans les communes du dispositif "Action Cœur de ville".

Un vote à la majorité simple en AG de copropriété ?

Pour certains opérateurs toutefois, ce n'est pas suffisant. Dans la matinée du 24 janvier, le groupe immobilier Nexity a proposé quelques idées pour "sortir d'une loi Élan qui est un carcan qui nous empêche d'avancer". Prêchant pour sa paroisse, le directeur général délégué Frédéric Verdavaine a ainsi proposé de "s'appuyer sur l'administrateur de biens comme relais entre les pouvoirs publics et les propriétaires" pour lutter contre l'habitat indigne. Le syndic a, selon lui, "une lecture très précise de l'état des immeubles" et peut même "réaliser une cartographie de façon anticipée et cohérente" avec la collectivité locale.

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Contre l'exigence actuelle d'un vote à la majorité absolue, le premier opérateur de logements français a par ailleurs plaidé pour "un vote à la majorité simple" en matière de travaux de rénovation énergétique. "En général, il faut trois ans de mise en oeuvre. Avec l'absentéisme en assemblée générale de copropriété, cela peut rajouter un an supplémentaire", a ainsi estimé Frédéric Verdavaine. "C'est un enjeu d'utilité publique. La transition écologique en sera la conséquence", a encore insisté le DG délégué de Nexity. Reste que dans ce domaine, que ce soit à l'échelle d'une maison ou d'une résidence, la pédagogie demeure la clé avant de déclencher toute opération.