"Le projet de loi économie circulaire ne peut pas être considéré comme abouti" (François-Michel Lambert)

Par César Armand  |   |  848  mots
Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, le député (Liberté et Territoires) François-Michel Lambert portera "un ''catalogue'' d'amendements pour renforcer le texte et permettre à [ses] collègues de s'en saisir". (Crédits : DR)
Ancien marcheur, le président de l'Institut national de l'économie circulaire François-Michel Lambert regrette "un projet de loi de réparation et non une loi d'anticipation". Pour changer les règles, le député (Liberté et territoires) de la 10ème circonscription des Bouches-du-Rhône demande au Premier ministre de rattacher l'économie circulaire à Bercy et non au ministère de la Transition écologique et solidaire comme c'est le cas aujourd'hui.

LA TRIBUNE : En tant que grand témoin de la feuille de route Économie circulaire, que pensez-vous du projet de loi  qui arrive aujourd'hui au Conseil des ministres ?
FRANCOIS-MICHEL LAMBERT :
Le projet de loi économie circulaire a été long à accoucher. Entre la feuille de route sortie en avril 2018, un avant-projet de loi arrivé début 2019 et retiré bien vite à la suite de fortes critiques sur l'absence d'ambitions et d'actions, nous nous retrouvons aujourd'hui avec un projet de loi qui ne peut pas être considéré comme abouti.
Pourtant, l'urgence est là. Tout le monde prend conscience du dérèglement climatique, de l'effondrement de la biodiversité et s'angoisse de la pollution du plastique, mais peu de gens font le lien avec le fait que nous vivons à crédit la moitié de l'année par rapport aux ressources limitées de la planète. Là est l'économie circulaire, il s'agit de la relation que nous entretenons avec notre modèle de consommation et de développement.
En réalité, le texte gouvernemental est avant tout un projet de loi de réparation - comment va-t-on mettre en œuvre des solutions devant tel ou tel problème - et non une loi d'anticipation. S'il reste en l'état, ce projet de loi aura une durée de vie de deux à trois ans. Ainsi, par exemple, de votre chaussette gauche à votre voiture en passant par les bâtiments publics qui vous accueillent, on prélève chaque année 22 tonnes de matières premières par habitant. C'est deux fois plus que les ressources naturelles que la planète peut donner.
Je rappelle d'ailleurs que dans le cadre de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, j'avais porté un amendement adopté pour que l'État se dote d'un indicateur de croissance économique rapportée à la consommation de matières. Le mettre en œuvre serait un moyen de piloter efficacement les choses...

Si vous n'êtes pas satisfait du texte, comment pensez-vous l'améliorer lors de son examen à l'Assemblée nationale ?
Le projet de loi est très attendu des députés. Chacun va vouloir traiter des problèmes très concrets pour les Français, comme la destruction des invendus ou la réparation des machines qui tombent en panne. Moi-même, je porterai un ''catalogue'' d'amendements pour renforcer le texte et permettre à mes collègues de s'en saisir. Au titre de l'Institut national de l'économie circulaire, je présenterai dès cette après-midi six ans de travaux, dont quarante publications et propositions.

Vous proposez d'ailleurs l'interdiction de la destruction des invendus, une TVA à taux réduit pour les produits respectueux de l'environnement et une obligation progressive d'incorporation de matières recyclées par segment d'activité... Le projet de loi dans sa version actuelle répond-t-il à vos attentes ?
Sur les invendus, le gouvernement a beaucoup avancé, mais il faut encore changer les règles de comptabilité. Aujourd'hui, lorsque vous détruisez un stock de marchandises, cela réduit le fonds de roulement de votre entreprise, donc améliore votre résultat financier. C'est hallucinant !
Sur la TVA, nous demandons aussi à la récupérer sur l'économie de fonctionnalité dans les collectivités locales. Autrement dit aujourd'hui, si l'une d'entre elles veut louer un véhicule plutôt qu'en acheter un, et donc économiser des fonds et de la trésorerie, cela lui est plus défavorable !
Enfin, en matière de commande publique, il faut aider les industriels à revaloriser les matières. Dès lors, cela créera des filières et donc des emplois. Il devient donc urgent de repenser les modèles pour aller plus loin en matière d'économie circulaire. Mais les arbitrages de Bercy sont venus anesthésier le projet de loi...

Comment expliquez-vous que le ministère de l'Économie et des Finances fasse de la résistance ?
Ces services n'aiment pas l'inconnu. Réduire le taux de TVA ici et repenser les modèles de comptabilité là, c'est changer les règles économiques et donc les recettes fiscales. Ils sont bloqués sur leur tableur Excel et au moindre changement qui créé une nouvelle cellule, ils prennent peur.
Dans le même temps, dès avril 2018, j'ai demandé au Premier ministre Édouard Philippe que l'économie circulaire soit rattachée à Bercy [la secrétaire d'État Brune Poirson qui porte le texte est sous la tutelle du ministère de Transition écologique et solidaire, Ndlr], car elle constitue une opportunité de créer des richesses.
Je regrette que la France qui avait pris une avance en 2015, marche dorénavant à petits pas. Où est passé le discours du ministre de l'Économie et des Finances Emmanuel Macron qui déclarait en avril 2016 que « l'économie circulaire permet de répondre au défi environnemental, au défi de compétitivité, au défi culturel, qui, aujourd'hui, caractérise notre économie » ? Nous avons besoin d'une révolution culturelle pour bâtir et créer les outils de la transformation écologique nécessaire de notre société.