Renationalisation d'EDF : la conformité de l'OPA lancée par l'Etat confirmée en appel

Par latribune.fr  |   |  1060  mots
L'Etat a décidé de racheter aux actionnaires les titres qui lui manquent pour contrôler totalement EDF à un prix de 12 euros par action. (Crédits : DADO RUVIC)
Alors que l'Etat a lancé une OPA lui permettant d'acquérir 100% du capital d'EDF, un groupe de petits actionnaires conteste la validation de cette opération par l'Autorité des marchés financiers (AMF) en novembre dernier. En cause, le prix de rachat, fixé à 12 euros par action, estimé trop bas par les plaignants. Ce mardi, la cour d'appel doit trancher sur la conformité de cette opération.

[Article publié le mardi 02 mai 2023 à 08h22 et mis à jour à 15H00]

C'était une décision très attendue que devait rendre la Cour d'appel ce mardi. De quoi mettre un terme à la bataille qui oppose depuis des mois l'Etat français et un groupe de petits actionnaires d'EDF. Ces derniers contestaient la décision de conformité rendue par l'Autorité des marchés financiers (AMF) en novembre qui avait donné le feu vert à l'Etat pour lancer une OPA (offre publique d'achat) lui permettant d'acquérir 100% du capital de l'électricien.

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Le rachat complet, annoncé en juillet dernier par la Première ministre, Elisabeth Borne, et chiffré à 9,7 milliards d'euros, est stratégique pour l'Etat actionnaire, qui détenait déjà avant l'OPA 84% du fleuron électrique national. Son but: libérer EDF de la Bourse pour lui permettre de relancer plus vite le nucléaire en finançant le renouvellement d'un parc vieillissant, au moment où le gaz russe fait défaut, et la construction dans les prochaines décennies d'au moins six nouveaux réacteurs.

Les actionnaires frondeurs n'ont donc pas obtenu gain de cause. Le ministère de l'Economie a, en effet, annoncé dans un communiqué ce mardi, en fin de matinée, que « la Cour d'appel de Paris confirme la conformité de l'offre publique d'achat simplifiée de l'Etat sur EDF ».

« La cour d'appel de Paris a rejeté le recours formé à l'encontre de la décision de conformité rendue par l'Autorité des marchés financiers (AMF) dans le cadre de l'offre publique d'achat simplifiée initiée par l'Etat », a précisé Bercy dans ce communiqué.

La Cour d'appel a également estimé, comme l'AMF, « que la note d'information de l'Etat sur son projet d'offre et la note en réponse de la société EDF à ce projet avaient été établies dans le respect des principes d'égalité de traitement des actionnaires et de transparence du marché ».

Un prix de rachat insuffisant

Ainsi, « conformément aux engagements pris par l'Etat, l'offre sera réouverte du 4 au 17 mai 2023 (inclus) aux mêmes conditions financières, permettant ainsi aux actionnaires et aux porteurs d'OCEANEs n'ayant pas encore apporté leurs actions et/ou leurs OCEANEs à l'offre de le faire à un prix de 12,00 euros par action EDF et de 15,52 euros par OCEANE », complète-t-on. Or, c'est ce point que contestent les petits actionnaires qui s'estiment lésés d'être dépossédés de leurs titres, notamment en raison d'un prix de rachat jugé insuffisant.

L'Etat a, en effet, décidé de racheter aux actionnaires les titres qui lui manquent pour contrôler totalement EDF à un prix de 12 euros par action. Or, les plaignants réclamaient à minima 15 euros. En comparaison, à l'ouverture du capital en 2005, l'action avait été vendue 32 euros, avec une remise de 20% pour les salariés à 25,60 euros.

Une décision prise « dans la pire année qu'a connue EDF depuis sa création »

Malgré la validation par un rapport d'un expert indépendant, les petits actionnaires affirmaient donc que l'entreprise était sous-évaluée et qu'elle avait été injustement pénalisée dans ses recettes par un mécanisme imposé par l'Etat (Arenh), l'obligeant à vendre son électricité nucléaire à bas prix à des industriels et des fournisseurs alternatifs. En outre, EDF a dû jongler avec ses problèmes de corrosion dans les réacteurs qui ont fait chuter sa production en 2022. En conséquence, le groupe a enregistré une perte nette colossale de près de 18 milliards d'euros, creusant sa dette à un niveau record de 64,5 milliards d'euros, contre 43 milliards en 2021.

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« La décision de renationalisation a été prise dans la pire année qu'a connue EDF depuis sa création en 1946 », avait notamment relevé à l'audience Florent Segalen, l'avocat des actionnaires salariés et retraités d'EDF.

L'expert indépendant qui a jugé « équitable » le prix de 12 euros s'est basé sur de « mauvaises hypothèses », notamment en ce qui concerne le volume et le prix de l'électricité qu'EDF vendra à bas prix à ses concurrents l'an prochain, avait, de son côté, estimé Martine Faure, cheffe de file des actionnaires salariés d'EDF.

Les plaignants estimaient par ailleurs que Jean-Bernard Lévy, alors PDG d'EDF, n'aurait pas dû prendre part au vote du conseil d'administration d'EDF qui a émis un avis favorable à l'OPA. En cause: le cumul de ses fonctions de censeur au conseil d'administration de Société Générale, l'un des deux établissements présentateurs de l'offre désignés par l'Etat, avec son statut de dirigeant nommé par l'exécutif. La cour a écarté ces griefs, en estimant que la note produite par EDF, après avis favorable du conseil d'administration, « assurait une information complète du marché sur les conditions dans lesquelles » celui-ci « avait adopté son avis ».

L'Etat engagé à attendre la décision de justice

Les actionnaires s'opposant à l'OPA ont donc multiplié les recours bien qu'un certain nombre ait accepté le prix proposé par l'Etat qui détenait, le 8 février « à la clôture provisoire de l'offre », 95,82% du capital et 96,53% des droits de vote. Le seuil de retrait obligatoire qui permet de renationaliser EDF en forçant les 4% d'actionnaires restant à vendre leurs parts avait ainsi été « largement dépassé », témoignant d'une « large approbation » sur le prix, avait signalé le parquet général lors de l'audience du 23 mars.

La décision de la Cour d'appel ce mardi lance donc la réouverture prochaine de l'offre que l'exécutif aurait pu réaliser avant même la décision de justice. Mais, comme l'avait précisé l'Agence des participations de l'Etat (APE) en janvier dernier, « l'Etat ne lancera pas le retrait obligatoire avant que le juge ne se soit prononcé sur le recours au fond ». Autrement dit, le gouvernement s'était engagé à ne pas boucler l'opération avant le fin mot de la justice.

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(Avec AFP)