Transition énergétique : gare à la fracture territoriale

Par Dominique Pialot  |   |  879  mots
Le débat public sur la programmation pluriannuelle de l'énergie s'est achevé le 29 juin au CESE (Crédits : CESE)
Vendredi 29 juin s’est tenue la réunion de clôture du débat public sur la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), entamé mi-mars. Les territoires formulent des pistes pour éviter une transition énergétique à deux vitesses, qui profiterait plus aux métropoles et aux centres qu’aux zones rurales et périphériques.

Rappelant l'avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE, rebaptisé Forum de la République le 30 juin) dont il a été rapporteur, le journaliste Guillaume Duval traçait ce 29 juin en clôture du débat public sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) une description bien médiocre de la situation française depuis l'entrée en vigueur de la loi pour la transition énergétique et la croissance verte (LTECV), il y a à peine trois ans. Les émissions de gaz à effet de serre sont depuis reparties à la hausse, la France est le deuxième pays européen le plus en retard sur ses objectifs en termes d'énergies renouvelables derrière les Pays-Bas ; les investissements consentis dans la transition énergétique demeurent très insuffisants, et le sujet est éclaté entre de trop nombreuses structures. L'absence de coordination entre les responsabilités et l'action de l'Etat et celles des territoires, en particulier, est dénoncée par ces derniers.

Transfert de responsabilité sans les moyens correspondants

Alors que la loi leur a conféré un rôle plus important et légitime, les territoires n'ont pas été dotés des moyens, notamment financiers, pour mener à bien les projets ambitieux qui leur échoient en matière de transition énergétique.

C'est pourquoi ils réclament unanimement que leur soit reversée une partie du revenu de la contribution énergie climat (taxe carbone).

Entre autres signes de l'inefficacité des actions menées dans les régions : le retard dans la mise en place d'un "service public de la performance énergétique de l'habitat" destiné à encourager les particuliers à rénover leur habitation, pourtant prévu dans la loi, pour lequel, rappelle Guillaume Duval, il faudrait au minimum un conseiller pour 50.000 habitants. Des tensions entre porteurs de projets d'énergies renouvelables et gestionnaires des réseaux de distribution et de transport d'énergie ralentissent également la construction de ces projets.

De façon assez étonnante, c'est la totalité des régions, y compris les plus dynamiques, qui font l'objet de critiques de la part de leurs administrés, qui leur pointent leur manque d'efficacité en matière e transition énergétique. De façon générale, l'un des reproches les plus fréquents formulés par les quelque 11.000 citoyens s'étant exprimés sur la PPE est le manque de diffusion et donc, de déploiement des bonnes pratiques sur l'ensemble du territoire français.

Difficultés d'appropriation du sujet énergie

On observe un déficit d'appropriation du sujet « énergie » par les citoyens. Parmi les outils évoqués pour y remédier, l'opendata concernant à la fois leurs propres données mais plus largement celles de leur territoire dans son ensemble.

Largement favorables à la diversité du mix énergétique, ils alertent sur la nécessité de mieux tenir compte des ressources locales, notamment du paysage. A ce sujet, les personnes interrogées plaident pour une accélération dans le déploiement de toutes les énergies renouvelables, avec un bémol en ce qui concerne l'éolien terrestre.

Autre demande visant à mieux tirer parti des ressources locales, la régionalisation des appels d'offres permettant à des projets, notamment solaires, de voir le jour sur des territoires moins bien dotés dans les mêmes conditions de rentabilité que pour les régions les plus ensoleillées. Cela favoriserait une meilleure répartition des installations renouvelables sur l'ensemble du territoire.

De façon générale, la crainte a été fréquemment exprimée "que seuls s'en sortent les territoires centraux, plus riches et mieux dotés en capacité d'ingéniérie, au détriment des périphéries moins outillées » a souligné Jacques Archimbaud, président de la commission particulière du débat public."

"L'énergie pose de fait les mêmes questions que d'autres domaines qui font clivage, à savoir la relation entre un socle nationalement partagé qui fixe les règles et les contraintes et un volet plus flexible et plus adapté aux réalités locales. "

Préserver le couple région/intercommunalités

Pour autant, les territoires appellent plutôt à un effort pour faire mieux fonctionner l'existant, qu'à un nouveau palier dans la décentralisation ou un bouleversement sur des organisations administratives déjà très chamboulées.

Ils insistent aussi sur le risque qu'un usage désordonné des contrats de transition écologique ou un empilement de dispositifs nuisant à la lisibilité déjà médiocre des dispositifs de pilotage ne viennent déstabiliser le couple région/intercommunalité par un usage désordonné.

Les acteurs locaux, qui se sont notamment exprimés dans un « appel des maires » qui a déjà recueilli plusieurs centaines de signatures, insistent donc sur la nécessité de trouvers des lieux, des espaces et des moments de rencontre de dialogue et de contractualisation entre les territoires et l'Etat.

Dans le même temps, l'un des observateurs présent au CESE pour la restitution de ce débat public, qui fera l'objet d'un rapport remis au gouvernement début septembre, faisait observer que celui-ci lui semblait un peu trop franco-français à l'heure où les évolutions, voire les bouleversements dans le secteur mondial de l'énergie sont si spectaculaires et rapides qu'ils ne peuvent qu'influer sur les choix opérés en France...