Energie : les Français votent ce samedi à l’Assemblée nationale

Dans le cadre du débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), 400 personnes tirées au sort pourront exprimer leurs préférences quant à la trajectoire énergétique française lors d’une séance exceptionnelle organisée ce samedi 9 juin.
Dominique Pialot
L'hôtel de Lassay
L'hôtel de Lassay (Crédits : DR)

C'est une première qui a lieu samedi à l'Assemblée nationale. 400 personnes, tirées au sort, vont se prononcer sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Cette opération baptisée G400 Energie, la plus grande consultation citoyenne jamais organisée dans un Parlement, s'inscrit dans le débat organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP). Cette autorité administrative indépendante créée par Michel Barnier en 1995 et actuellement présidée par Chantal Jouanno regroupe une quarantaine de personnes : élus, associations, syndicalistes, ONG, représentants de la Cour des comptes, du Conseil d'État, etc. Elle abrite la Commission particulière du débat public (CPDP) présidée par Jacques Archimbaud, vice-président de la CNDP, aux manettes du débat organisé du 19 mars au 30 juin autour de la PPE.

« C'est la première fois qu'un programme fait l'objet d'un débat national, précise-t-il. D'habitude, ce sont plutôt des équipements et des projets qui sont soumis à des débats locaux. »

Ainsi, le débat national sur la transition énergétique de 2012 n'avait eu aucun pendant public. Ce sont des ordonnances datant de la période où Ségolène Royal était ministre, et correspondant à une retranscription tardive d'une directive européenne, qui prévoient que tout plan et programme soumis à autorisation environnementale soit désormais soumis à débat public.

Enthousiasme gouvernemental limité

Cette année, des panels de 30 à 40 personnes ont déjà été organisés dans une quinzaine de régions. « De la SFEN (Société française du nucléaire) à Sortie du nucléaire, tout le monde a été invité », précise Jacques Archimbaud, qui se félicite qu'il n'y ait pas eu de blocage particulier.

Mais les personnes tirées au sort qui se prononceront ce samedi 9 juin à l'Assemblée nationale sur la politique énergétique française ne sont ni des spécialistes ni des gens qui n'auraient jamais entendu parler d'énergie. En effet, depuis deux mois, ils ont reçu des fiches et ont pu poser toutes les questions qu'ils voulaient sur une hotline. « Cela permet de créer le pont entre les gens totalement ignorants du sujet tels qu'on pourrait en trouver sur un marché et les 15 à 20.000 personnes qui répondent spontanément en ligne », souligne Jacques Archimbaud.

Le gouvernement - qui finance le débat public en tant que donneur d'ordre comme c'est la règle - manifeste un enthousiasme mesuré devant ces débats publics, car il s'attend à ne recueillir que des idées déjà connues. La Commission dispose d'un budget de 500.000 euros, trois fois moins que les récents débats sur la mobilité ou l'alimentation.

« Mais être courts sur le budget nous contraint à faire preuve d'inventivité en co-organisant des initiatives avec des groupements, des syndicats d'énergie, etc., et en innovant sur les formats », reconnaît Jacques Archimbaud.

Les sujets sont décortiqués sous tous les angles, qu'il s'agisse de précarité énergétique dans la banlieue lyonnaise, de recherche sur le plateau de Saclay, de méthanisateurs avec des élus de la Vienne ou d'éolien avec des associations. »

Les consommateurs en désaccord avec les citoyens

Des premiers débats ressortent quelques lignes de force.

« On constate une divergence entre les aspirations des citoyens pour les énergies renouvelables ou les économies d'énergie, et le comportement des consommateurs qui ont un budget à gérer et qui par ailleurs ne souhaitent pas voir apparaître une unité de méthanisation à proximité de leur domicile », reconnaît Jacques Archimbaud.

Par ailleurs, les consommateurs témoignent une plus grande confiance au gaz qu'à l'électricité. Pour preuve : le compteur à gaz intelligent ne suscite pas les mêmes réactions que le Linky.

Surtout, « La fiabilité et le caractère consensuel des données à la disposition des citoyens, aussi bien concernant le nucléaire que les énergies renouvelables, sont des enjeux majeurs », ajoute-t-il.

Le gouvernement, qui doit transmettre une première version courant juillet, doit publier une version définitive de la PPE d'ici à la fin de l'année, qu'elle doit transmettre à Bruxelles accompagnée de sa stratégie nationale bas-carbone (SNBC) en début d'année 2019, conformément à ses engagements européens.

La CNDP de son côté remettra son rapport à la fin de l'été. Celui-ci comportera des recommandations sur la façon d'organiser la PPE, notamment en termes de gouvernance. Les débats ont en effet permis de mettre à jour un manque de cohérence entre l'organisation étatique et les schémas régionaux, où « la cohérence n'existe que sur le papier. »

Autre point qui fera l'objet de recommandations : « un degré d'information du consommateur proche de zéro », associé à une inflation de publicités et de démarchage.

Que restera-t-il du rapport de la CNDP ?

Reste à savoir ce que le gouvernement fera du rapport de la CNDP.

« On a pu voir dans le passé ce qu'il en était lorsqu'on n'écoutait pas les conclusions du débat public », met en garde Jacques Archimbaud, évoquant le cas de Notre-Dame-des-Landes, où les points issus du débat à l'origine sont ceux qui ont in fine été retenus pour justifier le rejet du projet : étudier l'hypothèse d'un agrandissement de l'aéroport existant, limiter le projet à une seule piste et restreindre la taille du parking. A l'inverse, aussi bien sur le projet de contournement de Bordeaux il y a plus de 20 ans ou plus récemment le stade de rugby à Évry, qui aurait fait doublon avec le Grand Stade de France, les conclusions du débat public ont été suivies.

Les 400 personnes réunies ce samedi à l'hôtel de Lassay mitoyen du Palais Bourbon, devront se prononcer sur l'état général de la politique énergétique française (comparée à celle de nos voisins et à nos engagements) ; l'acceptabilité sociétale, environnementale, économique et sociale des différentes options ; le mix énergétique et notamment électrique ; comment pourraient évoluer la consommation et les exportations ?

Pas comme une lettre à la poste

Lorsque le principal acteur (EDF) prévoit une hausse de cette consommation alors-même que le gestionnaire de réseaux RTE (par ailleurs filiale du premier) fonde tous ses scénarios sur une baisse ou au mieux une stagnation, cela engendre une certaine cacophonie.

Cependant, dans leur majorité, les personnes interrogées s'attendent à une augmentation de la consommation sous l'effet des transferts d'usage. Sur la consommation, la position d'EDF leur semble donc de bon aloi.

« La loi sur la transition énergétique était un compromis acceptable qui accroissait la liberté et la capacité d'agir en abaissant la part du nucléaire à 50% du mix électrique, reconnaît Jacques Archimbaud. Mais l'idée qui ressort des débats, c'est que l'on ne fait pas la politique énergétique avec la moitié du pays contre l'autre. Et le fait de ne pas appliquer la loi en renonçant à l'objectif de 50% de nucléaire en 2025 ne passe pas comme une lettre à la poste. »

Dominique Pialot

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Commentaires 6
à écrit le 11/06/2018 à 9:36
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Excellente initiative mais bon si c'est comme pour le traité constitutionnelle européen à savoir demander notre avis et faire l'inverse ensuite ça ne sert à rien, merci.

à écrit le 09/06/2018 à 14:03
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Cela préfigure bien la réforme des institutions: 400 députés tirés au sort chaque année. La start-up assemblée nationale est en cours d'expérimentation.

le 10/06/2018 à 16:21
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400 députés ne connaissant rien aux sujets et au fonctionnement de l’Etat, renouvelés dès qu’ils commencent à être un minimum compétents, ça promet... Non, il ne s’agissait que d’une forme de démagogie politique, qui sera doucement déformée ou enter...

à écrit le 09/06/2018 à 12:52
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Il est indispensable que la rédactrice de cet article nous parle de la note n°6 du CAE.

à écrit le 09/06/2018 à 12:41
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Pour résoudre le problème des retraites il faut appliquer la note n°6 du conseil d'analyse économique, page 12. Il n'y a pas d'autre solution. Qui le comprendra? Demandez un avis à notre prix Nobel d'économie. Et en plus, cela règle le problème du cl...

à écrit le 09/06/2018 à 9:26
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Une initiative intéressante en soi mais visiblement les instigateurs n'ont pas saisi l'ampleur de ce que cela implique. Tu es censé représenter le peuple, ses aspirations, sa volonté, mais tu fais venir 400 personnes au hasard pour s'exprimer sur un...

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