Industrie : un rebond en trompe l'oeil ?

Par Grégoire Normand  |   |  990  mots
"L’analyse de ces créations nettes d’emplois par taille d’entreprise montre que pour la première fois depuis 2009, grandes entreprises, PME et ETI contribuent à parts égales aux créations d’emplois. La remontée de l’emploi dans les grandes entreprises est particulièrement marquée", explique Trendeo. (Crédits : REUTERS/Stephane Mahe)
En 2017, 125 ouvertures de sites industriels ont été recensées contre 100 fermetures selon le cabinet Trendeo. Ce solde positif ne doit pas faire oublier que l'industrie française continue de traverser des difficulté à répétition.

[Article publié le 5.03.2018, mis à jour à le 27.03 avec graphique créations de sites]

Le tissu industriel français retrouve quelques couleurs. Selon la dernière étude du cabinet Trendeo publiée le 2 mars dernier, le nombre d'ouvertures d'usines a dépassé celui des fermetures en 2017 et le nombre de créations d'emplois présente un solde positif de 93.038. Un chiffre inédit depuis que l'organisme privé a commencé sa collecte de données en 2009. De son côté, la direction générale de l'industrie a noté que la production manufacturière a bondi au quatrième trimestre 2017 (+2,5% après +0,8%), dans un bulletin de conjoncture publié le premier mars dernier. Ce rebond est porté par une croissance de l'ensemble des activités.

Si ces constats peuvent paraître favorables à première vue, l'industrie française reste un secteur très fragile dans l'économie française. Les derniers déboires de l'usine Ford Aquitaine et la fermeture récente de l'usine Tupperware à Joué-lès-Tours illustrent bien toutes les difficultés d'une industrie tricolore sous tension.

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Une baisse des suppressions d'emplois

La dynamique de l'emploi est particulièrement portée par une baisse prolongée des suppressions d'emplois, qui se réduisent chaque année depuis 2012 (-35% en 2017). Il faut noter également que les créations d'emplois sont aussi en hausse, ce qui permet à cet indicateur "de regagner la moitié du terrain perdu depuis leur maximum de 2010". L'industrie automobile et les services ont été particulièrement dynamiques tout comme le secteur du logiciel qui est à son meilleur niveau depuis 2009.

À l'inverse, les secteurs qui présentent des difficultés, les services bancaires et financiers connaissent leur année la plus difficile en atteignant un total de 32.000 emplois perdus depuis 2009, "pas loin des pertes du secteur automobile". Ces destructions d'emplois "attestent de la violence du choc de 2008, tout autant que la mutation des usages des consommateurs".

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Le rebond actuel de l'emploi bénéficie principalement à des secteurs qui ont été très touchés pendant la crise de 2009/2013 comme l'automobile. Par conséquent, les régions qui présentent une économie fortement liée à l'industrie de la voiture voient leur situation s'améliorer. Les Hauts-de-France sont par exemple la région qui a connu le plus de créations nettes d'emplois en 2017. Et selon les experts de la DGE, les patrons de l'industrie manufacturière en France prévoient d'augmenter leurs effectifs au cours des trois prochains mois.

Un solde de créations d'usines relativement faible

Si les ouvertures d'usines ont dépassé les fermetures en 2017 sur le territoire français, le solde est relativement faible (25). Ce solde positif entamé en 2014 repose avant tout sur une accélération de la baisse des fermetures que sur une hausse des créations. D'ailleurs, les créations recensées par Trendeo sont en baisse constante depuis 2014. Mais ces chiffres sont à manier avec précaution. Le cabinet indique d'ailleurs que les données (*) "ne peuvent en aucun cas prétendre à l'exhaustivité des données publiques."

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Une désindustrialisation en marche

En dépit de tous ces bons chiffres, le poids de l'industrie dans l'économie française ne cesse de se dégrader depuis des années. Et malgré le plan de soutien du gouvernement français prévu pour ce secteur et une embellie de l'activité économique ces derniers mois, il semble que le processus de décomposition du tissu industriel soit inéluctable. Les derniers chiffres du ministère de l'Économie indiquent qu'entre 2000 et 2016, le poids de l'industrie dans l'économie française est passé de 16,5% à 12,5% du produit intérieur brut. Du côté de l'industrie manufacturière, l'évolution est quasi similaire à celle de l'industrie en général. Dans une perspective historique plus large, les données de la Banque mondiale illustrent parfaitement la perte de vitesse de l'industrie dans la valeur ajoutée française depuis plusieurs décennies.

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Un plan pour rien ?

Le 26 février, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a présidé le comité exécutif du Conseil national de l'industrie (CNI) pour valider une liste de 10 comités stratégiques autour de 10 filières (**). L'un des objectifs annoncé est l'élaboration de contrat de filière. Le président de France industrie Philippe Varin a rappelé à cette occasion :

" La compétitivité n'est plus uniquement celle de l'entreprise, mais celle d'une filière dans son ensemble. Le CNI labellise aujourd'hui 10 filières mobilisées autour de projets concrets dont la dynamique est pilotée par les industriels, et dont le but est d'améliorer la compétitivité et l'attractivité de l'industrie en France, et de créer des emplois qualifiés dans nos territoires."

Si de nombreux efforts des pouvoirs publics sont entrepris depuis plusieurs années pour soutenir ce secteur, les différentes politiques industrielles menées à l'échelle nationale n'ont pas montré de résultats convaincants au regard des chiffres de la direction générale de l'entreprise.

(*) Trendéo précise que leurs données "constituent un indicateur avancé, permettant d'estimer les tendances de façon immédiate et ne peuvent en aucun cas prétendre à l'exhaustivité des données publiques. Nos chiffres sont en effet inférieurs, pour les créations d'emplois comme pour les suppressions (nous pensons prendre en compte environ 40% des mouvements d'emplois. Nos chiffres devraient donc être multipliés par 2,5 si l'on devait les redresser. Nous prenons en effet moins bien en compte l'évolution des emplois intérimaires, ainsi que les embauches ou réductions d'effectifs par petit nombre, ou encore les mouvements des TPE, qui ne sont que très difficilement repérables".

(**)  Aéronautique, Alimentaire, Automobile, Bois, Chimie et matériaux, Ferroviaire, Industries et technologies de santé, Industrie navale et maritime, Mode et luxe, Nucléaire.