Le sport féminin devient (enfin) du big business

Entre les droits télévisuels, les contrats de sponsors et les revenus des évènements, les montants que le sport professionnel féminin pourrait brasser à l'avenir dépassera largement le milliard de dollars par an, prédit Deloitte. Signe que les femmes conquièrent un nouvel espace économique.
Selon les estimations du journal L'Equipe, le salaire mensuel brut moyen de l'équipe féminine de l'OL est de12.000 euros.
Selon les estimations du journal L'Equipe, le salaire mensuel brut moyen de l'équipe féminine de l'OL est de12.000 euros. (Crédits : Reuters)

Elles ont gagné ! Des compétitions, comme la coupe du monde de football, à plusieurs reprises, et des médailles, dont l'or, aux Jeux olympiques de Londres, en 2012. Mais ce que viennent de décrocher les footballeuses américaines va bien au-delà : c'est l'égalité salariale avec les hommes qu'elles ont obtenu. Au terme d'un accord, et surtout, d'une longue bataille, y compris sur le terrain juridique, la Fédération américaine de « soccer », comme on appelle le jeu de ballon outre-Atlantique, s'est engagée à ce que les deux équipes nationales, hommes et femmes, reçoivent le même salaire lors de compétitions et de matches internationaux.

En outre, les deux équipes se répartiront à égalité l'argent versé par la Fédération Internationale de Football, la Fifa, pour leur participation aux coupes du monde, qui se tiendront pour les hommes en 2022, au Qatar, et pour les femmes, en Australie et en Nouvelle Zélande, en 2023. Les stars comme Megan Rapinoe sont-elles satisfaites ? Bien sûr, mais elles soulignent toutefois qu'elles ont été discriminées pendant des années - alors que leurs performances ont parfois dépassé celles des hommes... Et si les footballeurs ont accepté de partager, il n'en reste pas moins que les 32 équipes masculines qui concourront au Qatar en novembre prochain se partageront 450 millions de dollars, tandis que les 24 équipes féminines de la coupe du monde de 2019, en France, ont dû se contenter de 30 millions de dollars...

Évolutions culturelles

D'où vient ce fossé ? De réflexes culturels - et sexistes - encore bien ancrés, que l'on retrouve un peu partout dans le sport professionnel, que ce soit le foot, le tennis, le golf, le rugby, le cyclisme... ? Sans doute. Du fait que le sport féminin n'attirerait pas autant de spectateurs et ne génèrerait pas, en conséquence, autant d'argent que le sport masculin en billetterie et en droits de retransmission ? « En fait, si le football féminin n'avait pas été banni entre 1921 et 1971 au Royaume-Uni - pour la seule raison qu'il attirait à l'époque davantage les foules que le football masculin - il serait peut-être aujourd'hui le sport le plus populaire du monde, plus que ne l'est son pendant masculin », souligne Wladimir Andreff, professeur honoraire à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne et président du Conseil scientifique de l'Observatoire de l'économie du sport, au ministère chargé des Sports.

Toujours est-il que depuis une vingtaine d'années, le sport professionnel féminin évolue. Au point qu'en fin 2020, le cabinet de conseil Deloitte prédisait qu'en prenant en compte les droits télévisuels, les contrats de sponsors et les revenus des évènements, les montants qu'il serait susceptible de brasser dépasseraient largement le milliard de dollars par an à l'avenir. Un chiffre certes infime par rapport aux 471 milliards que le business du sport en général a atteint en 2018, mais le sport féminin a cependant démontré, ces dernières années, « sa capacité à générer une audience télévisuelle substantielle, à apporter de la valeur aux sponsors et à attirer des milliers de fans », souligne Deloitte. Quant à l'institut de sondage Nielsen, il notait, dans une enquête de 2018, que l'essor du sport professionnel féminin faisait partie des tendances mondiales les plus marquantes. De fait, sur huit grands pays étudiés, en Europe et dans le reste du monde, les données récoltées montrent que 84% des fans de sport en général déclarent un intérêt pour le sport féminin, dont 51% d'hommes.

Les footballeuses à l'honneur

Certains clubs, notamment de foot, l'ont bien compris. Dans le sillage des bouleversements culturels issus de Mai 68, qui ont permis le développement d'une pratique sportive féminine, le FC Lyon a créé une équipe de foot féminine dès 1970 (rattachée à l'Olympique Lyonnais depuis 2004) et le Paris Saint-Germain a lancé une section en 1971. Les footballeuses lyonnaises viennent d'ailleurs de nouveau de se distinguer, en remportant la finale de la Ligue des champions contre Barcelone, dans un stade de Turin plein à craquer (plus de 40 000 spectateurs).

« Mais si la stratégie de ces clubs est payante, en particulier celle de Jean-Michel Aulas, à l'OL, il n'empêche que les salaires payés aux joueuses sont encore issus des revenus générés par les équipes masculines », tempère Wladimir Andreff.

Des salariés élevés, puisque l'OL et le PSG offrent, selon les estimations du journal L'Equipe, le salaire mensuel brut moyen le plus élevé du championnat, avec respectivement 12.000 euros et 9.000 euros, et 37.000 euros pour les deux internationales françaises, Kadidiatou Diani (au PSG) et Wendie Renard (à l'OL), mais qui font encore pâle figure à côté des millions mensuels des stars masculines de ces clubs !

Audience accrue

Les sportives professionnelles françaises décrocheront-elles un jour le même contrat que les hommes, ou en tout cas, seront-elles payées, pour leur participation à des compétitions internationales, au même prix ? Tout dépend de certains éléments, dont l'audience télévisuelle. Selon Deloitte, en 2019, la coupe féminine de football a battu des records, avec un total de près d'un milliard de téléspectateurs, auquel s'ajoutent 500 millions qui y ont accédé via des plateformes digitales. Conséquence, les droits de retransmission ne cessent d'augmenter dans les grands pays de foot. A titre d'exemple, ils coûtent, en France, pour la période 2018-2023 de la D1 féminine, 1,2 million d'euros par saison à Canal+, contre 110.000 euros en 2011 et 200 000 en 2017. Et ce, alors que les montants, nettement plus élevés, certes, pour les matchs masculins, ne cessent de baisser, même s'ils font encore l'objet d'âpres combats... Les sponsors sont eux aussi au rendez-vous. Ainsi, le chimiste Arkema, partenaire du football féminin français depuis 2019, s'est réengagé en avril dernier jusqu'en 2025. Un sponsoring qui lui coûte 1,2 million d'euros par saison. Les sportives professionnelles, quelle que soit la discipline, profitent également de cet engouement sous forme de contrats avec des sponsors. De fait, « le corps de la femmes reste un support publicitaire de choix, soupire Wladimir Andreff, qui s'inquiète en outre de voir certains travers masculins, comme l'agressivité, s'emparer du sport féminin à l'avenir - pour le spectacle...

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Commentaires 4
à écrit le 02/06/2022 à 9:27
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>>> Cours vite ( Musique / Videooooo ) by SILMARILS . ... AFF ISS pe Corsica * .

à écrit le 02/06/2022 à 1:23
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Le stade féminin contrôlé par un homme comme le trottoir...

à écrit le 01/06/2022 à 15:32
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Que le soit disant "sport" devienne du business, ne le remonte pas dans l'estime de chacun!

à écrit le 01/06/2022 à 12:07
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Je ne vois pas l'intérêt de transformer le sport en "big business". C'est malheureusement le cas où la finalité du sport a été dévoyée pour les hommes depuis des années, et les évènements de ce week end montrent clairement les dérives du sport et de ...

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